De la peur à l’espérance

DE LA PEUR A L’ESPERANCE

Nul de ce qui est fait de chair et de sang n’ignore la peur. Celui qui affirme qu’il n’a pas peur alors qu’il ne connait pas Dieu ne dit pas la vérité. Ou bien il se trompe lui-même ou bien il fanfaronne. Sans la connaissance de Dieu, la peur s’installe, il n’y a pas d’autre possibilité… La peur est la marque de l’homme déchu. Mais qu’est-ce que la chute (de l’homme) ? La chute est la rupture de toute relation avec Dieu et le recentrement de l’homme sur lui-même comme s’il était lui-même dieu et comme s’il portait la vie en lui (comme s’il était la source de sa propre vie).

Mais Dieu n’a pas abandonné l’homme ; s’il l’avait abandonné, l’humanité aurait disparu. Loin de Dieu, sans relation existentielle (au plus profond de soi) avec Dieu, l’homme n’a aucune assurance (aucune garantie). De là découle que la peur vient d’un profond ressenti d’insécurité qui ne peut être écarté que par l’amour uniquement. Seul l’amour de Dieu chasse la peur. D’où la sentence : Si vous n’avez pas la foi vous n’aurez pas l’assurance (ou bien : vous n’aurez pas de garantie sur le chemin de la vie N.d.T.).

C’est pourquoi les postures prises par les hommes sont en réaction à la peur ancrée profondément dans sa nature, et tout comportement est une tentative de fuir cette peur profonde…mais sans résultat tangible. La face visible de l’homme n’est pas la vie de son être profond. Il ne se connait pas réellement. Ce qu’il s’imagine être n’est pas vraiment lui. Il n’est pas étonnant que l’adage des anciens soit : connais-toi toi-même. Ses désirs et ce que les autres suggèrent délimitent son image. Ce qu’il pense être diffère de ce qu’il est réellement, et alors ou bien il tombe dans l’illusion ou bien la vérité de son état s’impose et il tombe dans le désespoir. Le problème n’est pas simplement psychologique. La psychologie, généralement, et dans ce généralement on entend par la psychologie selon ce monde (déchu) ne prend pas en compte la vie spirituelle ni le pêché. La psychologie ne prend en compte que les conséquences du pêché et ne se préoccupe pas des racines du pêché. Les écoles de psychologie dépendent donc de la vision qu’ont leurs fondateurs de l’âme humaine et ne peuvent traiter avec succès les maladies ; elles se contentent d’atténuer les manifestations des maladies de l’âme (…) Tout traitement qui ne tient pas compte de la vie spirituelle de l’âme mène à l’échec…

C’est la peur pour soi qui est à l’origine de l’égoïsme. Au fond de lui-même l’homme se sait exposé, menacé. C’est pourquoi son souci est de se protéger, de se défaire de son angoisse, et de se sentir en sécurité. Obéir à ses passions est un traitement corrompu qui aggrave le mal(…) C’est parce-que l’homme a peur qu’il se recroqueville sur lui-même. Il pense ainsi se protéger des autres et des dangers extérieurs, mais le danger ne vient pas de l’extérieur. Même si l’homme élimine tous ses ennemis extérieurs et met fin à toute menace qui vient du dehors il ne trouvera pas la tranquillité pour autant. C’est parce-que la menace est intérieure. La bonne équation n’est pas « élimine ton ennemi et tu seras tranquille » mais élimine ta peur et ton ennemi sera ton prochain et la terre ton paradis. Ce dont ne sont pas conscients ceux qui sont incrustés dans la peur et qui ne comptent pas sur Dieu c’est que leur peur les pousse à détruire le monde et par suite à se suicider pour fuir leurs propres personnes (pour fuir d’eux-mêmes). C’est uniquement lorsqu’une personne se libère de sa propre peur qu’elle peut s’aimer elle-même pour ce qu’elle est et qu’elle peut mettre en pratique le commandement d’aimer son prochain comme soi-même. Mais lorsque la peur est enfouie au plus profond de soi-même, alors l’amour de soi-même est un repli sur soi même si des relations sociales sont bien établies…et cette peur est comme une corde attachée au cou d’un animal qui la serre davantage au fur et à mesure qu’il tente de s’en défaire…

Cependant il y a un aspect positif sur la plan social concernant la peur : la crainte de la sanction (lorsque l’on enfreint la loi) et le développement du sens civique. Les lois ont été établies pour assurer la tranquillité à la société humaine. Il en résulte les droits civiques, les droits de l’homme etc. Parce- que chaque personne a le droit de vivre en paix et au bien-être. Alors que la société s’applique à pratiquer cette vérité quelle que soit le sens qu’on lui donne, la loi veille à ce que personne ne porte atteinte aux droits des uns et des autres, sinon une sanction est appliquée. La crainte de la sanction met une limite et la crainte pour les droits civiques encourage les gens à veiller sur le bien-être général dans le cadre de la loi et de l’ordre de la société, non pas tant parce-que l’on serait porté à protéger les droits des autres mais parce-que cela protège également nos droits individuels.  Ce souci pour soi dans le cadre du droit peut constituer une incitation à avoir un degré élevé de conscience civique et la société dans son ensemble peut alors fonctionner de façon exemplaire. Cela arrive dans le meilleur des cas. Mais il peut arriver que les paroles sur l’état de droit soient un slogan creux ou presque. Quoiqu’il en soit, la loi et l’ordre de la société, en cas de crises majeures, subissent des dysfonctionnements et la loi de la jungle peut en découler, alors chacun ne compte plus que sur soi-même lorsque les lois ne sont plus appliquées.

Si la loi en société est un bon cadre pour assurer les droits civiques individuels, la vie personnelle de chacun reste en dehors de ce cadre général et l’âme humaine reste une place ouverte à la dynamique de la peur et aux réactions qui s’en suivent. Pour échapper à l’angoisse, l’homme peut devenir brutal comme il peut devenir la proie de maladies psychiques. Il peut alors se laisser aller à des actions excentriques comme par exemple mettre en danger sa vie pour montrer qu’il peut vaincre sa peur. Ou alors il peut laisser libre cours à ses pulsions sensuelles pour surmonter les tabous ou les obstacles qui seraient à l’origine de son état angoissé. Ou encore il peut s’adonner aux drogues pour oublier et expérimenter des états de jouissance et d’insensibilité ou encore d’autres pratiques ou techniques (….) pour croire qu’il peut par lui-même se dépasser soi-même, se débarrassant  ainsi de ses angoisses et atteignant des états élevés…Tout cela n’est que désordre et brouhaha dans les ténèbres intérieures de l’âme Ce qui provient des ténèbres ne peut être que ténèbres (…)

Pour vaincre la peur il n’y a qu’un seul remède : l’amour de Dieu. Les ténèbres de l’âme ne peuvent être dissipées que par la lumière Divine. Notre Dieu a laissé la peur dans l’homme mais Il n’a pas abandonné l’homme. Ce que l’homme a entraîné pour lui-même, Dieu a voulu dans Son amour qu’il devienne instrument de sanctification et de salut éternel. Au début, l’homme ne s’écoutait surtout que lui-même. La voix de la peur est devenue résonante et violente…Adam et Eve ont fui la face de Dieu. Caïn a également pris la fuite.  Et Abel le fidèle est mort. Mais Dieu a continué à appeler l’homme. Il est venu continuellement à lui, mais discrètement, comme une brise légère. A comparer avec le grondement des tempêtes ! La voix de Dieu est devenue une voix dans la conscience, à l’intérieur. Dieu n’est pas apparu à Elie dans la tempête, ni dans un tremblement de terre…Cette brise légère est le souffle créateur de l’homme, c’est ce souffle qui l’a gardé dans les pays lointains, dans son exil loin de son Père céleste. Et depuis ce temps, le pêché agit à l’intérieur de l’homme, le pêché agit par la peur dans son for intérieur, mais Dieu agit également. Mais pour que le souffle de Dieu agisse en l’homme il est nécessaire que l’homme soit au bord du désespoir, qu’il désespère de son état. La peur existentielle dans l’homme le conduit au bord du désespoir. L’Esprit n’a agi avec le fils prodigue que lorsqu’il a désespéré de ce qu’il était devenu et de lui-même, ce qui est traduit par le fait qu’il donnait de la nourriture aux cochons alors que personne ne le nourrissait. Alors tous les espoirs qu’il avait se sont évanouis et le désespoir s’est installé. Ou fuir ? Il s’est dit : je retourne chez mon père ! Ainsi de son désespoir de lui-même a jailli l’espérance en Dieu ! La foi s’est installée en lui et son état est devenu tel que l’Esprit de Dieu est entré en lui. Et ce fils d’Adam s’est transformé (« métanoïa »). Il s’est repenti. Au commencement, avant la chute, l’homme était susceptible de s’éloigner de Dieu. Mais à présent, quand il est au bord du désespoir, le fils prodigue se donne entièrement à Dieu. C’est pourquoi son père le revêt de son vêtement du début (celle d’avant la chute), le vêtement de la grâce accordé pour la divinisation, préparé de toute éternité. Et son père a mis un anneau à son doigt, et les sandales de l’adoption à ses pieds alors qu’il était pieds nus comme les esclaves…Il a atteint le but !

Tel est le cheminement pour le retour (vers Dieu) : désespérer de soi-même, sensation de perte totale avec perte du sens qui équivaut au sentiment très profond de n’être que terre et poussière, puis un retournement (repentir) du fond des entrailles suivi de la sensation de la miséricorde du père, ensuite retour vers le père en se sentant indigne : « Je ne suis pas digne d’être appelé ton fils mais traite moi comme un de tes serviteurs ». C’était l’instant qu’attendait le père depuis le début. C’est ainsi que l’homme peut sortir dans tout son être de son existence sombre, des ténèbres de la mort à la lumière du Christ afin que s’établisse en lui la paix du Christ pour l’éternité : « Je suis…n’ayez pas peur…je suis avec vous jusqu’à la fin des temps ». Deux fois le fils d’Adam a vu la lumière ; la première fois c’est lorsqu’il a été créé et ensuite lorsqu’il s’est repenti…La première fois il a été créé du limon de la terre et la deuxième fois à partir de Son Esprit. Que le Nom de Dieu soit béni !

 

Source:  Archimandrite Touma  (Bitar). http://holytrinityfamily.org/niqat.php?var=OJ623OVq6ARjmPKEEE1Wo-CeQGPSmG-a7sd2eedNZ5k

Sur la paix…

 

Bienheureux les artisans de paix car ils seront appelés fils de Dieu. (Mathieu 5 :9).

L’homme est-il capable de réaliser la paix ? Et puis, qu’est-ce que la paix ?

Le Seigneur nous dit : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre cœur ne se trouble point, et ne s’alarme point. » (Jean 14 :27).

La paix ne peut être réalisée, elle ne peut être donnée que par celui qui a la paix, c’est-à-dire la paix du Christ. Celui qui a la paix du Christ ne se trouble pas et n’a pas de peur existentielle car il a l’assurance du Christ pour lui…

Quelle paix nous a donné le Seigneur ? Il nous a donné une paix intrinsèque et substantielle, ce qui veut dire qu’Il est en nous et avec nous, Il se trouve dans notre nature renouvelée par l’Esprit Saint avec l’accord du Père. La paix du Christ est la grâce divine en nous par la présence du Christ en nous. Là où demeure le Christ se trouve la plénitude de la grâce. C’est une expérience qui est vécue dans le cœur lorsqu’il entre dans le mystère de la proximité avec Dieu dans la connaissance (de Dieu).

Celui qui n’a pas fait la paix avec lui-même, en d’autres termes celui qui ne se repent pas, ne peut acquérir la paix et ne peut devenir artisan de paix. Celui qui ne se connaît pas lui-même en empruntant la voie du repentir ne connaît Dieu que suivant ses désirs, (ses passions). Il est empli de lui-même et ne peut s’ouvrir avec l’amour pur qui descend d’En Haut du Père des lumières. Il ne peut pas devenir un artisan de paix.

La paix selon ce monde consiste en la sécurité, fixer des règles pour limiter le mal qui se manifeste à travers les violences, les destructions et ce qui s’en suit. C’est cela que le monde appelle paix. Cela n’est absolument pas d’importance secondaire puisque cela a une influence sur la vie des hommes ; mais que faire du mal qui se trouve dans les têtes comme l’égoïsme, l’orgueil, la jalousie, la haine, la soumission aux plaisirs sensuels, le désir de posséder, la vaine gloire, aimer être flatté et vouloir dominer ?! C’est cela la racine des maux qui touchent la vie de tous les hommes, c’est cela qui détruit les relations humaines, qui sème les conflits, les divisions et les inimitiés. C’est là la source du mal : le cœur de l’homme.  Car c’est du dedans, c’est du cœur des hommes, que sortent les mauvaises pensées, les adultères, les impudicités, les meurtres, les vols, les cupidités, lesméchancetés, la fraude, le dérèglement, le regard envieux, la calomnie, l’orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans, et souillent l’homme. (Marc 7 :21-23).

De l’amour de Dieu jaillit tout bien, joie et paix. En Christ nous sommes une nouvelle créature. Par le Saint Esprit qui est bon et vivifiant nous vivons la vie nouvelle. Il nous a été donné la grâce de nous renouveler par l’incarnation du Fils de Dieu, nous partageons avec Lui le pouvoir de la création spirituelle si l’amour de Dieu habite en nous. Par le souffle de l’Esprit Divin qui est en nous l’esprit de paix rejaillit sur le monde qui nous entoure et nous devenons des artisans de paix. Demandons que Dieu habite en nous et que cela se traduise par une obéissance aimante envers Dieu le Père en prenant le chemin du repentir véritable (« métanoïa »), et restons en Dieu en nous confiant complètement à Lui, afin que Dieu devienne tout en tous.

Archimandrite Jonas, higoumène du monastère de la Dormition de la Mère de Dieu, Bkaftine, Liban.

Source : http://www.archtripoli.com/page.php?pid=1201

 

 

C’est bientôt la fête de la Nativité (Noel) et le carême de Noel a débuté le 15 novembre

Lorsque nous parlons de l’Incarnation de Dieu, du mystère du Dieu-Homme, nous parlons de ce qui est réellement particulier au christianisme car le christianisme seul annonce que Dieu s’est fait homme afin que l’homme devienne Dieu par la grâce et l’adoption.

Dieu, dans le christianisme, n’est pas resté dans les Cieux mais il a assumé intégralement la nature humaine sans pour autant perdre quelque-chose de Sa divinité, bien au contraire, Il a sanctifié l’homme et l’a élevé vers la divinité. ( Cela est vécu par les saints de l’Eglise et ne relève pas de l’impossible, mais le début du chemin est étroit…).  (Extrait en partie de la Newsletter du Patriarcat Orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient).

 

 

Récit d’une rencontre avec un starets d’Optino

Source:http://stranitchka.pagesperso-orange.fr/VO02/MOINE_PARFENI.html

Récit fait par le moine Parfeni (1807-1878)

De là , je continuai ma route, et le cinquième jour, j’arrivai à la Solitude de la communauté d’Optino, qui est dans la province de Kaloyge, non loin de la ville de Kojelsk. Autrefois, il y a bien des années, j’avais entendu parler du grand Starets hiéromoine Léonide, qui habitait la Solitude d’Optino, et depuis longtemps je désirais le voir, me délecter de sa conversation, et recevoir de lui des directives, et pour mes soucis, la consolation. Car, depuis que j’étais parti de la Sainte Montagne de l’Athos, pèlerin sans lieu où reposer sa tête, mes soucis étaient là chaque jour et mes pleurs aussi. Comme Adam chassé du paradis, privé des joies et des douceurs paradisiaques, assis au dehors, pleurait ; moi, de même, renvoyé de la Sainte Montagne, séparé de mes pères et frères, loin de ce havre calme et paisible, solitaire, dans une petite et misérable barque , je voguais sur la mer terrifiante et houleuse de ce monde, balancé par des vagues énormes, sans pouvoir accoster. Comme un poisson rejeté hors de l’eau, je me débattais et languissais. Je cherchais ne serait-ce qu’une goutte d’eau pour rafraîchir  mon âme, envahie de toutes sortes de tourments. J’allais, ne sachant moi-même où, sans argent, sans livret pour des dons, ni l’indication d’un lieu où m’arrêter. Ah, Misère ! Même maintenant, au souvenir de ce temps-là, je pleure. Arrivé à la Solitude d’Optino, plein d’impatience, je voulus aller chez le Père  Léonide, espérant être consolé. Je demandai où se trouvait sa cellule, et sans m’attarder, j’allais vers lui. Et arrivé dans l’entrée, je fus saisi de crainte, d’abord par la joie de pouvoir rencontrer un Père si grand, ensuite à la pensée de la façon dont je pourrais me présenter, moi indigne, devant un si grand starets. Me tenant longtemps dans cette entrée, je n’osai ouvrir la porte. Alors sortit son disciple. Je demandai:  » Peut-on entrer chez le starets ? » – Il répondit : « On peut ». Je pénétrai alors dans la cellule, et là j’eus encore plus peur et me mis à trembler. Car la pièce était pleine de gens de toute sorte, des notables, des marchands, et des simples ; tous à genoux, et tremblant, comme devant un juge sévère. Chacun attendait une réponse et un sermon. Et moi aussi, derrière tout ce monde, je tombai à genoux. Le starets, quant à lui, assis sur le lit, tressait une ceinture –  c’était son travail manuel, tresser des ceintures, et les donner à ses visiteurs, en bénédiction. Alors il déclara : « Et toi, Père de l’Athos, pourquoi es-tu tombé à genoux ? Peut-être veux-tu que moi aussi je m’agenouille ? « – J’étais effrayé, car il ne m’avait jamais vu et ne me connaissait pas, j’avais des vêtements ordinaires, et lui m’appelait « Père de l’Athos »- Je répondis : « Pardonne moi, Père saint, au nom du Seigneur, j’obéis à la coutume: je vois que tous sont agenouillés, alors je suis aussi tombé à genoux. » Il dit alors : « Eux sont du monde, et de plus, coupables : qu’ils restent un peu ; Mais toi, tu es moine, et de l’Athos : lève-toi, et viens jusqu’à moi ». M’étant relevé, je m’approchai de lui. Et lui, m’ayant béni, me dit de m’asseoir avec lui sur le lit, et me posa beaucoup de questions sur la Sainte Montagne de l’Athos et sur la vie de moine retiré en solitaire, et sur celle des communautés monastiques, et sur les autres règles et coutumes athonites ; et ses mains continuaient à tresser la ceinture sans s’arrêter. Je lui dit tout en détail, et lui se mit à pleurer de joie, et à louer le Seigneur Dieu, de ce qu’Il avait encore beaucoup de serviteurs fidèles, qui ont abandonné le monde et les soucis de la vie, pour le servir avec amour et travailler pour Lui, leur Seigneur. Puis il commença à libérer les gens, prenant soin de chacun dans sa maladie physique ou spirituelle, celle du corps par la prière, celle de l’âme avec un amour paternel, des paroles douces et des directives utiles à l’âme – et d’autres, par une admonestation sévère, ou même par un renvoi brutal hors de la cellule.

        Parmi ces gens se tenait à genoux devant lui un monsieur venu au monastère pour y accomplir ses dévotions, et aussi pour rendre visite au starets. Celui-ci lui demanda : « Et toi, qu’attends-tu de moi ? »- Il répondit en pleurant : « Je désire recevoir de vous, Père Saint, des conseils utiles à l’âme. » Le starets lui demanda : « As tu fait ce que je t’ai ordonné auparavant? » – l’autre répondit : « Non, Père Saint, je ne puis le faire. » Le starets dit :  » Pourquoi alors, n’ayant pas fait la première chose, viens-tu en demander une autre ?  » Puis il ordonna avec sévérité à ses disciples :           « Chassez le hors de la cellule ». Et ils le jetèrent dehors. Moi-même, et tous ceux qui se trouvaient là, fûmes effrayés d’une action aussi brutale et de cette punition. Mais le starets, lui, n’en fut pas troublé, et recommença à parler avec douceur aux autres, et à les libérer. Plus tard, un des ses disciples dit : « Père Saint, il y a une pièce d’or par terre . » – Le starets répondit : « Ce monsieur l’a intentionnellement laissé tomber, et il a bien fait, elle sera utile au Père de l’Athos, pour sa route. » Et il me la donna.

          Alors je lui demandai : « Père Saint, pourquoi avez-vous agi aussi sévèrement avec ce monsieur ?  » et il me répondit :  » Père de l’Athos! je sais comment agir avec l’un ou l’autre : c’est un serviteur de dieu, et il cherche le salut ; mais il est tombé dans une tentation, il s’est habitué au tabac. Il est déjà venu me voir, et m’en a parlé, et je lui ai ordonné  de laisser le tabac , et de ne plus jamais y toucher, et tant qu’il ne l’aurait pas fait, que je ne désirais pas  qu’il revienne me voir. Et lui, n’ayant pas exécuté le premier commandement, vient en demander un autre. Voilà, cher Père de l’Athos, combien il est difficile d’arracher l’homme à sa passion ! « 

         Pendant que nous parlions, on lui amena trois femmes. L’une d’elles, malade, avait perdu la raison et l’entendement, et toutes les trois pleuraient et demandaient au starets de prier pour la malade. Alors il revêtit son étole, en posa l’extrémité, ainsi que ses mains, sur la tête de la malade, et après une prière, la signa trois fois sur la tête et ordonna de l’emmener dans l’hôtellerie. Il faisait tout cela assis, et il était assis parce qu’il ne pouvait plus se lever, il était malade, et vivait ses derniers jours.

         Ensuite vinrent des disciples, frères du monastères. Ils lui ouvraient leur conscience et les ulcères de leur âme. Il les soignait tous et les guidait. Et puis il leur apprit que sa fin approchait, et il dit : « Jusqu’à quand, mes enfants, ne serez-vous pas encore sages comme le serpent, et purs comme la colombe ? Jusqu’à quand resterez-vous si faibles ? Jusqu’à quand resterez-vous étudiants ? Il est déjà temps que vous soyez sages vous-mêmes, et que vous instruisiez. Mais vous, quotidiennement, vous êtes faibles et vous chutez. Comment allez-vous vivre sans moi ? Je vis mes derniers jours, et je dois vous quitter, et rendre mon dû à mon être, et aller vers mon Seigneur. » Les disciples , entendant cela, pleuraient amèrement. Puis il les congédia tous, et moi aussi.

         Le lendemain, je revins chez lui, et il me reçut de nouveau avec amour, et parla longuement avec moi. Puis arrivèrent les femmes de la veille, la malade était avec elles, mais déjà plus malade, complètement guérie: elles étaient venues remercier le starets. Voyant cela, je m’étonnai, et lui dis : « Père Saint, comment osez-vous faire de telles choses ? Vous risquez, par gloire de ce monde, de détruire tous vos efforts et vos exploits ascétiques. » A cela il me répondit : « Père de l’Athos !  Je n’ai pas fait cela par ma propre puissance, mais cela s’est fait par la foi des visiteuses, la grâce du Saint-Esprit, qui me fut donnée par l’imposition des mains, a agi ; mais moi je suis un homme pécheur. »Entendant cela, je profitai pleinement de son bon raisonnement, de sa foi et de son humilité. Puis, à nouveau, revint le monsieur de la veille, qui demanda en pleurant au starets de lui accorder son pardon. Il le fit, et lui ordonna de faire ce qui lui avait été commandé avant. Puis il nous libéra tous.

          Je restai à la solitude d’Optino toute la semaine, et je glorifiai la Nativité de la très Sainte Mère de Dieu. La veillée vespérale fut solennelle. Les trois psaumes du polyéléos furent chantés en force, par versets. Tous les frères et tout le peuple tenaient des cierges. Et j’allai souvent au skite, calme et muet, qui se trouve à environ une demi-verste du monastère, dans les bois. J’y parlai souvent avec les pères, le hiéromoine du grand habit Jean, qui venait du raskol, ainsi qu’avec le père spirituel hiéromoine Macaire – et aussi avec l’higoumène du monastère d’Optino, le  Père Moïse, qui aimait les pèlerins. Puis je repris la route. Et le Père Léonide, un mois après mon départ, termina sa vie, et partit vers son Seigneur.
(…)

 Traduit du russe par N.M.Tikhomirova.

Source:http://stranitchka.pagesperso-orange.fr/VO02/MOINE_PARFENI.html

Au cours du XIXe siècle, le monastère d’Optino (au sud-ouest de Moscou) fut un grand centre de rénovation spirituelle en Russie, célèbre pour sa lignée de grands starets. Par leur prière ascétique, leurs dons de paternité spirituelle, sans parler de leurs travaux sur les Pères de l’Eglise, ils attirèrent des foules de pèlerins, depuis les humbles hommes du peuple jusqu’à des politiciens de haut rang et des hommes de lettres célèbres. Après la révolution, les bâtiments furent rasés, les moines dispersés. Ces starets sont parfois considérés comme des gardiens spirituels du peuple russe qui venait en foule rechercher auprès d’eux la guérison de l’âme et du corps. Le starets le plus connu est Saint Ambroise, canonisé en 1988 par l’Eglise Orthodoxe Russe. Sa personnalité est immortalisée sous le visage du « Starets Zosime » dans les Frères Karamazov de Dostoïevski. Dans leur prière, simple et spontanée, les starets d’Optino nous enseignent à entrer courageusement dans la grisaille de la vie quotidienne, à y faire rayonner, dans l’espérance et l’amour, la grâce divine. Le monastère a été rendu au culte au 1988, des moines de plus en plus nombreux renouent avec la tradition et travaillent activement à la restauration du Monastère.

L’art de bénir

 

                                                                                         

 

L’ART DE BENIR

Au réveil, bénissez votre journée  car elle déborde déjà d’une abondance de biens, que vos bénédictions font apparaître.

Car bénir signifie reconnaître le bien infini  qui fait partie intégrante de la trame même de l’univers.  Il n’attend qu’un signe de nous pour se manifester.
En croisant les gens dans la rue, dans le bus,  sur votre lieu de travail, bénissez-les tous.  La paix de votre bénédiction sera la compagne de leur chemin, et l’aura de son discret parfum une lumière sur leur route.

Bénissez ceux que vous rencontrez dans leur santé,  dans leur travail, leur joie, leur relation au divin, à eux-mêmes et aux autres.

Bénissez-les dans leur abondance et dans leurs finances.

Bénissez-les de toutes les façons concevables,  car de telles bénédictions ne sèment pas seulement les semences  de la guérison mais, un jour, jailliront comme autant de fleurs de joie  dans les espaces arides de votre propre vie.

En vous promenant, bénissez votre village ou votre cité,  ceux qui la gouvernent et ses enseignants,  ses infirmières et ses balayeurs, ses prêtres et ses prostituées.

A l’instant même où quelqu’un exprime la moindre agressivité, colère ou manque de bonté à votre égard,  répondez avec une bénédiction silencieuse. Bénissez-les totalement, sincèrement, joyeusement,  car de telles bénédictions sont un bouclier  qui les protège de l’ignorance de leurs méfaits,  et détourne la flèche qui vous est adressée.

Bénir signifie désirer et vouloir inconditionnellement,  totalement et sans réserve aucune le bien illimité  pour les autres et les événements de la vie
en puisant aux sources les plus profondes et les plus intimes de votre être.
Cela signifie révérer et considérer avec un émerveillement total ce qui est toujours un don du Créateur  et cela quelles que soient les apparences.
Celui qui est porté par votre bénédiction est mis à part, consacré, entier.

Bénir signifie invoquer la protection divine sur quelqu’un ou quelque chose, penser avec une reconnaissance profonde à elle, l’évoquer avec gratitude.

Cela signifie encore appeler le bonheur sur quelqu’un encore que nous ne soyons jamais la source de la bénédiction, mais simplement le témoin joyeux de l’abondance de la vie.

Bénir tout et tous, sans discrimination aucune, constitue la forme ultime du don, car ceux que vous bénissez ne sauront jamais  d’où vient ce rayon de soleil qui soudain perça les nuages de leur ciel,  et vous serez rarement témoins de cette lumière dans leur vie.

Quand dans votre journée, quelque événement inattendu vous bouleverse vous autant que vos plans, éclatez en bénédictions,  car la vie est en train de vous apprendre une leçon,  même si sa coupe peut vous sembler amère.
Car cet événement que vous pensez être si indésirable,  vous l’avez en fait suscité, afin d’apprendre la leçon qui vous échapperait  si vous hésitiez à le bénir.
Les épreuves sont des bénédictions cachées,  et des cohortes d’anges suivent leurs traces.

Bénir signifie reconnaître une beauté omniprésente  cachée aux yeux matériels.

C’est activer la loi universelle de l’attraction qui,  du fond de l’univers, amènera dans votre vie exactement  ce dont vous avez besoin dans le moment présent pour grandir, progresser, et remplir la coupe de votre joie.

Quand vous passez devant une prison, bénissez ses habitants  dans leur innocence et leur liberté, leur bonté,  la pureté de leur essence et leur pardon inconditionnel.
Car on ne peut qu’être prisonnier de l’image qu’on a de soi-même,  et un homme libre peut marcher sans chaînes dans la cour  d’une prison, tout comme les citoyens d’un pays libre  peuvent être prisonniers quand la peur se tapit dans leur pensée.

Quand vous passez devant un hôpital, bénissez ses patients  dans la plénitude de leur santé,  car même dans leur souffrance et leur maladie,  cette plénitude attend simplement d’être découverte.  Et quand vous voyez une personne en pleurs ou apparemment brisée par la vie, bénissez-la dans sa vitalité et sa joie :car les sens ne présentent que l’inverse de la splendeur  et de la perfection ultimes que seul l’œil intérieur peut percevoir. Il est impossible de bénir et de juger en même temps.

Alors maintenez en vous ce désir de bénir  comme une incessante résonance intérieure et comme une perpétuelle prière silencieuse,  car ainsi vous serez de ceux qui procurent la paix,  et, un jour, vous découvrirez partout la face même de Dieu.

P.S.
Et par-dessus tout, n’oubliez pas de bénir cette personne merveilleuse, totalement belle dans sa vraie nature, et si digne d’amour que vous êtes.

Pierre Pradervand dans Vivre sa spiritualité au quotidien, Éditions Jouvence 2007

http://www.seraphim-marc-elie.fr/

Quelques paroles de Saint Isaac le Syrien

 

EXTRAITS DU 85eDISCOURS DE SAINT ISAAC LE SYRIEN

 

A propos de Saint Isaac le Syrien :

De l’homme lui-même, on ne sait presque rien, sinon qu’il fut, au viie siècle, évêque nestorien de Ninive. Né dans l’actuel Qatar (Golfe Persique), avec son frère, il devint moine alors qu’il était très jeune. Son renom de sainteté se répandit dans l’Empire perse, au point que les habitants de Ninive le réclamèrent comme évêque. Il fut consacré, vers 660, par le catholicos (patriarche suprême) de l’Église chaldéenne, Georges Ier (658-680). Il abdiqua seulement cinq mois plus tard pour se retirer comme anachorète au mont Matout parmi les ascètes du Nord (plus probablement Khuzistan, Iran, une région à forte population nestorienne jusqu’à la conquête musulmane). Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Isaac_de_Ninive

 

 

Question : quelle entrave empêche l’homme de courir au mal ?

Réponse : Il lui faut suivre continuellement la sagesse et se consacrer avant tout à l’enseignement de la vie. Il n’est pas d’autre entrave qui soit plus forte, pour empêcher le désordre des pensées.

Question : Jusques à quand celui qui suit la sagesse, doit-il la chercher ? Et où s’achève l’enseignement de celle-ci ?

Réponse : En fait il est impossible d’atteindre un tel terme quand on est en chemin. Les saints eux-mêmes n’accèdent pas à la perfection de la sagesse. On n’a jamais fini de marcher vers elle. Le chemin de la sagesse monte jusqu’à unir à Dieu celui qui la suit. Et tel est son signe : sa compréhension est infinie. Car la sagesse est Dieu Lui-même.

Question : Quel est au commencement le premier chemin qui nous fait approcher de la sagesse ?

Réponse : Rechercher de toute notre force la sagesse de Dieu. Nous y efforcer de toute notre âme jusqu’à la fin. Ne pas manquer, quand il le faut, de nous dépouiller de notre vie elle-même et de la rejeter pour l’amour de Dieu.

Question : quel est l’homme dont on peut justement dire qu’il est intelligent ?

Réponse : Celui qui a compris en vérité qu’il est un terme à cette vie, celui-là est capable de mettre un terme à ses fautes. Quelle connaissance ou quelle intelligence des choses est en effet plus grande que celle-ci : avoir eu la sagesse de sortir de cette vie en état d’incorruptibilité sans s’être laissé souiller par son agrément ? Si un homme affine ses pensées jusqu’à pénétrer le mystère de toutes les natures, s’il est riche de ce qu’il découvre et comprend en toute connaissance, mais si son âme est souillée par le pêché, s’il n’a pas témoigné de l’espérance de son âme, et s’il pense qu’il parviendra au port de confiance, il n’y a pas au monde plus insensé que lui. Car ses œuvres ne l’auront mené qu’à l’espoir de ce monde qu’il aura recherché tout au long du chemin.

Question : Quel dommage éprouve-t-on quand on chemine vers Dieu, si l’on délaisse les œuvres bonnes pour aller vers les tentations ?

Réponse : Sans affliction il n’est pas possible d’approcher Dieu. Et sans affliction il n’est pas possible de garder sa justice inaliénable. Si un homme ne fait pas les œuvres qui accroissent la justice, il refuse également ce qui la garde, et il se retrouve comme un trésor que rien ne protège plus, comme un combattant dépouillé de ses armes, comme un navire qui n’a plus son gréement, comme un paradis privé de la source des eaux.

Source : 85e discours d’Isaac le Syrien. Extraits de : Œuvres Spirituelles. Editions DESCLEE DE BROUWER. Traduction de Jacques Touraille. 1981.