Les Saints Pères : sur la maladie (5)

La vision chrétienne de la médecine.

Quand on a demandé à saint Basile le Grand si le fait de s’adresser à un médecin ou de prendre des médicaments était conforme aux voies de la piété, il a répondu :

« Tout art est un  don de Dieu pour nous, et il complète ce qui manque à la nature … Après qu’il nous a été dit de retourner à la terre d’où nous avons été tiré [à l’époque de la chute], et que nous sommes devenus attachés à la chair qui porte en elle  la douleur , destinée à mourir et soumise à la maladie à cause du péché, la science de la médecine nous a été donnée par Dieu afin de soulager la maladie, au moins dans une certaine mesure (Les longues règles) ».

« Par conséquent, nous pouvons avoir recours aux médecins et prendre des médicaments, car cette science est un don de Dieu. « Dieu a donné les herbes de la terre, et ses breuvages, pour la guérison du corps, en ordonnant que le corps qui est tiré de la terre, soit guéri par diverses choses qui proviennent de la terre.  Quand l’homme a été renvoyé du Paradis, il est tombé immédiatement sous l’influence des infirmités et des maladies de la chair. Dieu a donc donné la médecine au monde pour le réconfort, la guérison et le soin du corps et a permis son utilisation par ceux qui ne pouvaient pas placer toute leur confiance complètement en Dieu (saint Macaire le Grand, Homélie 48) ».

Quand faut-il aller chez le médecin et à quelle fréquence, cela doit être une question de bon sens. Mais quand nous allons, nous ne devrions «pas oublier que personne ne peut être guéri sans Dieu. Celui qui se consacre à l’art de la guérison doit aussi se confier à Dieu, et Dieu enverra de l’aide. L’art de la guérison n’est pas un obstacle à la piété, mais vous devez la pratiquer avec la crainte de Dieu (Sts. Barsanuphe et Jean, Philocalie) ». Continuer la lecture de Les Saints Pères : sur la maladie (5)

Les Saints Pères sur la maladie (4)

(4) Maladie et prière

Notre Sauveur nous a appris : « Demandez et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira. En effet toute personne qui demande reçoit, celui qui cherche trouve et l’on ouvre à celui qui frappe » (Matthieu 7: 7-8).

Par conséquent, lorsque nous souffrons, nous devons prier pour comprendre notre maladie, obtenir la patience pour la supporter ainsi que la délivrance si telle est la sainte volonté de Dieu. Nous sommes également invités à demander les prières des autres et surtout la prière de l’Église, car « la prière du juste agit avec une grande force » (Jacques 5:16).

« Quiconque est malade devrait demander la prière des autres, afin de restaurer la santé, et que par l’intercession des autres, le corps affaibli et nos pas qui chancellent puissent retrouver la santé … Apprenez, vous qui êtes malades, de retrouver la santé par la prière. Cherchez la prière des autres, demandez à l’Église de prier pour vous, et Dieu, à cause de Son égard pour l’Église, peut vous accorder ce qu’il pourrait vous refuser » (Saint Ambroise, sur la guérison du paralytique).

La grande prière publique de l’Église pour ceux qui sont malades est le Service de la Sainte Onction. Ce service, qui est long et extrêmement riche en lectures de l’Écriture, contient de nombreuses allusions aux figures bibliques qui ont été guéries par le pouvoir de Dieu, il donne, sous une forme concentrée, l’enseignement de l’Eglise sur la guérison.

Ce service identifie le Christ comme étant le «Médecin et le secours de ceux qui souffrent». Ce service invoque sur le malade, par l’onction de l’huile, la grâce du Saint-Esprit, qui guérit à la fois les âmes et les corps. Puisque Dieu «nous a donné dans Sa miséricorde envers nous le commandement d’exécuter l’Onction sacrée sur Ses serviteurs malades», le Christ lui-même est décrit comme «le chrême incorruptible» Qui, autrefois, avait choisi la branche d’olivier pour montrer à Noé que le Déluge était fini. (Depuis l’antiquité, l’huile d’olive a été utilisée dans la fabrication de l’Huile Sainte). Au moment du Déluge, la branche d’olivier symbolisait la tranquillité et la sécurité ; ainsi, le prêtre prie ainsi le Sauveur, que « par la tranquillité du sceau de Ta grâce (l’onction d’huile)», le malade guérisse ».

Reconnaissant que la maladie arrive parfois par l’activité des pouvoirs démoniaques, le prêtre demande : « Que les démons malins ne touchent pas les sens de celui qui est marqué par Ta divine onction ». Montrant ainsi que l’Église comprend également le lien entre le péché et la souffrance, le prêtre prie pour que, par cette onction, «la souffrance de celui qui est tourmenté par la violence des passions» puisse être annihilée.

Ce service de guérison explore de nombreux aspects du péché, de la souffrance et de la guérison. C’est un service profond d’intercession et de prière très élevée. Une remarque très importante devrait être faite ici : pendant la Sainte Onction, nous prions Dieu d’enlever la maladie, et qu’à la place de la maladie, nous lui demandons de donner «l’allégresse de la joie» (l’onction elle-même est décrite comme l’huile de joie dans les Psaumes), afin que celui qui était antérieurement malade puisse maintenant «glorifier Ta divine puissance». Par conséquent, l’un des buts de la guérison est de permettre à celui qui souffre de reprendre son service sain et actif envers Dieu. En signe de cela, il y a l’exemple de la guérison par le Sauveur de la belle-mère de Pierre : lorsque la fièvre la laissa, elle se leva et les servit. Il est très important pour nous d’avoir ceci en mémoire : lorsque nous sommes libérés du tourment d’une maladie corporelle, il est attendu de nous que nous emplissions nos lèvres de louanges à Dieu et que nous le servions en modifiant nos voies pécheresses et en nous limitant à Dieu et au monde à venir, comptant ce monde ici-bas pour rien.

Beaucoup ne découvrent pas la prière jusqu’à ce qu’ils soient dans la maladie. Et ceux qui ont toute leur vie participé pieusement à la prière publique de l’Église, découvrent pendant la maladie qu’ils ont malheureusement négligé les trésors de la prière intérieure. Saint Grégoire de Naziance, grand homme de prière, même si sa santé était bonne, s’écria lors de sa dernière maladie : «Le temps passe vite, la lutte est grande et ma maladie est grave, ce qui me réduit presque à l’immobilité. Que me reste-t-il sinon de prier Dieu ?  » (Lettres).

Pendant la maladie, la prière est capable de révéler des trésors véridiques et durables, « car si vous avez une force physique, les assauts de la maladie bloquent toute joie que vous ayez pu avoir de votre force physique … parce que tout ce qui appartient à ce monde est susceptible d’être perdu et est incapable de nous donner une joie durable. Mais la piété et les vertus de l’âme sont tout le contraire parce que leur joie demeure pour toujours … Si vous faites des prières continues et ferventes, aucun homme ne peut vous spolier de leurs fruits, car le fruit est enraciné dans les cieux et protégé de toute destruction parce qu’il est au-delà d’atteinte de ce qui est mortel « (Saint Jean Chrysostome, Sur les Statues).

Deux récits sur la vie des saints montrent comment une telle prière peut être simple et incorruptible. Dans la vie de l’Ancien le moine du grand habit Parthenius des Caves de la Lavra de Kiev, nous apprenons que, dans sa dernière maladie, même après avoir reçu la Sainte Onction, il a continué à faire sa règle de prière quotidienne et de lire tout le Psautier. La veille de son repos, il dit à ses enfants spirituels :

« Bientôt, bientôt je partirai. Hier, je n’ai pas pu terminer le psautier…seulement la moitié. »

« Est-il possible, mon père, que jusqu’à hier vous lisiez toutes vos règles habituelles ?»

« Oui, le Seigneur m’a aidé, après tout, je le fais maintenant par mémoire, je ne peux pas le faire avec mes lèvres car je n’ai plus de souffle, mais hier, je ne pouvais même pas le compléter même par la mémoire, car ma mémoire m’abandonne. J’ai seulement la prière de Jésus et les louanges à la Mère de Dieu auxquels je m’accroche sans cesse « (Vie orthodoxe, n ° 3, 1969).

Et dans la vie de saint Abba Dorothée (de Gaza), nous lisons la mort touchante de son disciple, saint Dosithée, qui était dans le monastère depuis seulement cinq ans, mais « qui était comme mort à cause de l’obéissance », car à aucun moment il ne faisait quelque chose selon sa volonté propre et ayant coupé tout attachement. Il avait toujours pratiqué la prière de Jésus, et quand sa maladie devint sévère, saint Abba Dorothée lui dit :

« Dosithée, prenez soin de la prière, veillez à ne pas en être privé. »

Très bien, mon père, répondit le moine, priez pour moi seulement.

Quand son état empira, saint Abba Dorothée lui dit :

« Eh bien, Dosithée, comment se porte la prière? Cela continue-t-il comme précédemment ?»

Il lui répondit : « Oui, mon père, par vos prières ».

Quand, cependant, cela devenait extrêmement difficile pour lui et que la maladie devint si sévère qu’il devait être porté sur une civière, Abba Dorothée lui demanda :

« Comment est la prière, Dosithée ?»

Il a répondu : « Pardonnez-moi, mon père, je ne peux plus continuer. » Alors Abba Dorothée lui dit :

« Eh bien laissez la prière, gardez Dieu dans votre esprit et faites comme s’il était présent devant vous » (The Orthodox Word, vol. 5, n ° 3).

De même, nous avons un exemple glorieux et inspirant de la place de la prière en période de maladie dans le récit de saint Grégoire de Naziance sur la maladie de son père :

« Il a souffert de la maladie et de la douleur corporelle. Le temps des souffrances de mon père a été la saison de la Sainte Pâques, la Reine des Jours, la nuit brillante qui dissipe l’obscurité du péché. De quelle sorte ses souffrances étaient-elles, je vais brièvement l’expliquer : tout son corps était en feu avec une fièvre élevée et brûlante, sa force l’avait abandonné, il ne pouvait pas prendre de nourriture, il ne connaissait plus le sommeil, et il était dans la plus grande détresse. Toute sa bouche était si ulcérée que c’était difficile et même dangereux d’avaler même de l’eau. La compétence des médecins, les prières de ses amis, aussi sérieuses et sincères étaient-elles, et toutes les attentions possibles, ne suffisaient pas. Dans cet état désespéré, sa respiration était courte et rapide et il n’avait plus la perception des choses présentes. Le moment de la Divine Liturgie divine était arrivé, c’est le moment de l’ordre qu’il convient de respecter et de garder le silence pour les rites solennels. A ce moment, mon père a été ressuscité par Celui qui éveille les morts. Au début, il s’est déplacé légèrement, puis plus résolument. Et d’une voix faible et indéfinie, il appela un serviteur par son nom pour qu’il lui fasse porter ses vêtements et le soutienne avec sa main. Le serviteur vint rapidement et l’attendait avec joie alors qu’il s’appuyait sur le serviteur comme sur un bâton, imitant Moïse sur la montagne et rassemblant ses faibles mains en prière  …

(Après la Divine Liturgie) Il s’est retiré à nouveau sur son lit et, après avoir pris un peu de nourriture et dormi, sa santé s’est lentement rétablie et ainsi le premier dimanche après Pâques, il était capable d’entrer dans l’église et d’offrir des actions de grâces …

« Au cours de cette maladie, la souffrance n’a pas chômé. Son seul soulagement était la Liturgie divine durant laquelle sa douleur disparaissait, comme pour un édit de bannissement » (Grégoire de Naziance : Sur la Mort de son père).

« Se reconnaître comme méritant un châtiment temporel et éternel précède la connaissance du Sauveur et conduit à la connaissance du Sauveur » (Evêque Ignace Brianchaninov).

(A SUIVRE)

 Source : http://fatheralexander.org/booklets/english/fathers_illness.htm

 

Les Saints Pères: sur la maladie (3)

  1. Le but de la maladie.

 L’Esprit Saint lui-même témoigne à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.  Et puisque nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu, et donc cohéritiers de Christ, puisque nous souffrons avec lui pour avoir part à sa gloire. (Romains 8 :16-17)

Notre Sauveur et les Pères porteurs de Dieu (les Pères théophores) enseignent que notre seule préoccupation dans cette vie devrait être le salut de nos âmes. L’évêque Ignace (Brianchaninov) dit : «La vie terrestre – cette brève période – est donnée à l’homme par la miséricorde du Créateur afin que l’homme puisse l’utiliser pour son salut, c’est-à-dire pour sa restauration de lui-même de la mort à la vie» (L’arène). Par conséquent, nous devons «regarder tout dans ce monde comme une ombre évanescente et n’attacher notre cœur à rien (qui appartienne à ce monde) … « parce que nous regardons, non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles ; car les choses visibles sont passagères, et les invisibles sont éternelles.»(Saint Jean de Kronstadt, conseils spirituels citant 2 Corinthiens 4 :18). Pour les chrétiens orthodoxes, le centre de notre vie n’est pas ici, mais là, dans le monde éternel.

Combien de temps nous allons vivre, quelle maladie ou infirmité va accompagner notre mort – ces choses ne sont pas la préoccupation propre des chrétiens orthodoxes. Bien que nous chantions «plusieurs années» l’un pour l’autre aux jours des fêtes et autres célébrations, ce n’est que parce que l’Église dans sa sagesse sait que nous avons vraiment besoin de «plusieurs années» pour nous repentir de nos péchés et être convertis, et non pas parce qu’une longue vie  a une valeur en soi. Dieu ne va s’intéresser pas à notre âge nous quand nous allons nous présenter devant son jugement, mais si nous nous sommes repentis ; Il ne s’intéresse pas tant de savoir si nous sommes morts d’une crise cardiaque ou d’un cancer mais si notre âme est en bon état de santé.

Par conséquent, « nous ne devons pas redouter les maladies à l’exception du péché, ni la pauvreté, ni les infirmités, ni l’insulte, ni le traitement malveillant, ni l’humiliation, ni la mort » (saint Jean Chrysostome, Sur les Statues) car ces « maux » ne sont que des mots ; Ils n’ont aucune réalité pour ceux qui vivent pour le Royaume des Cieux. La seule vraie « calamité » dans cette vie est de déplaire à Dieu. Si nous avons cette compréhension fondamentale du but de la vie, la signification spirituelle de l’infirmité corporelle peut être ouverte pour nous.

Dans le chapitre précédent, nous avons appris comment le Dieu tout-sage a permis à la souffrance d’entrer dans le monde afin de nous montrer que nous ne sommes que des créatures. C’est une leçon encore pas apprise par la race d’Adam qui, dans sa fierté, a toujours cherché à être comme «des dieux» : car chaque péché est un renouvellement du péché des premiers ancêtres, un détournement volontaire de Dieu vers soi. De cette façon, nous prenons la place de Dieu, en nous adorant nous-mêmes au lieu du Créateur. Ainsi, la souffrance de la maladie a le même but aujourd’hui qu’elle l’avait au début : pour cette raison, c’est un signe de la miséricorde et de l’amour de Dieu. Comme le disent les saints Pères à ceux qui sont malades : «Dieu ne vous a pas oublié, il prend soin de vous» (Sts. Barsanuphe et Jean de Gaza, VIème siècle, Philocalie).

Cependant il est difficile de voir comment la maladie peut être un signe du soin que Dieu nous fait si nous ne comprenons pas la relation qui existe entre le corps et l’âme. L’Ancien Ambroise du monastère d’Optina (XIXème siècle) en a parlé dans une lettre à la mère d’un enfant très malade :

« Nous ne devons pas oublier que, à notre époque de« sophistication », même les petits enfants sont spirituellement blessés par ce qu’ils voient et entendent. En conséquence, une purification est nécessaire, et cela ne se fait que par des souffrances corporelles … Vous devez comprendre que le bonheur du Paradis n’est accordé à personne sans souffrance. « 

Saint Nicodème de la Montagne Sainte (XVIIIème siècle) a expliqué que, puisque l’homme est double, composé de corps et d’âme, «il y a une interaction entre l’âme et le corps» (Conseils), chacun influençant l’autre et communiquant réellement avec l’autre. « Lorsque l’âme est malade, nous ne ressentons généralement aucune douleur », dit saint Jean Chrysostome. « Mais si le corps ne souffre qu’un peu, nous faisons tous les efforts pour être libres de la maladie et de la douleur. Par conséquent, Dieu corrige le corps pour les péchés de l’âme, de sorte que, en châtiant le corps, l’âme puisse aussi recevoir une certaine guérison »  … Le Christ a fait cela avec le Paralytique quand il lui dit : « Voici, tu as été guéri ; ne pèche plus de peur qu’il ne t’arrive quelque-chose de pire ». Qu’est-ce que cela nous apprend ? Que la maladie du paralytique avait été produite par ses péchés (Homélie 38, Sur l’Evangile de Saint-Jean).

Une fois, une femme fut amenée à saint Séraphim de Sarov. Elle était gravement paralysée et ne pouvait pas marcher parce que ses genoux étaient pliés vers sa poitrine. Elle a dit à l’Ancien qu’elle était née dans l’Église orthodoxe mais, après avoir épousé une personne hostile à l’Eglise, elle avait abandonné l’Orthodoxie et, à cause de son infidélité, Dieu l’avait puni … Elle ne pouvait pas que difficilement bouger la main ou son pied. St. Seraphim demanda à la malade si elle avait foi maintenant en sa Mère, notre Sainte Église orthodoxe. En recevant une réponse affirmative, il lui a dit de faire le signe de la Croix de la manière appropriée. Elle a dit qu’elle ne pouvait même pas lever la main Mais quand le Saint a prié et a oint ses mains et sa poitrine avec de l’huile de la lampe qui éclaire l’icône, sa maladie l’a laissée instantanément. Il lui a dit : voilà ; maintenant tu es rétablie dans ton intégrité. Ne pèche plus, afin que   pire chose ne vienne à toi !

Ce lien entre le corps et l’âme, le péché et la maladie, est clair : la douleur nous dit que quelque chose a mal tourné pour l’âme, que non seulement le corps est malade, mais aussi l’âme. Et c’est précisément comment l’âme communique ses maux au corps, éveillant un homme à la connaissance de soi et au désir de se tourner vers Dieu. Nous voyons cela encore dans la vie des saints, car la maladie enseigne également que « notre vrai soi, ce qui constitue essentiellement l’homme, n’est pas le corps visible, mais l’âme invisible, l’homme intérieur» (saint Nicodème de la montagne sainte, la morale chrétienne).

Mais cela signifie-t-il que l’homme qui jouit d’une bonne santé en continu est en «bonne forme» spirituellement ? Pas du tout, car la souffrance prend de nombreuses formes, qu’il s’agisse du corps ou de l’esprit et de l’âme. Combien de gens en bonne santé se plaignent que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue ? Saint Jean Chrysostome décrit ce genre de souffrance :

« Certains pensent que profiter d’une bonne santé est une source de plaisir. Mais ce n’est pas toujours le cas. Car beaucoup de personnes qui sont en bonne santé, ont mille fois souhaité de mourir, ne pouvant supporter les insultes qui leur étaient infligées … Car même si nous devenons des rois, nous devrons rencontrer beaucoup d’ennui et de tristesse … Par nécessité, les rois ont autant de tristesse qu’il n’y a de vagues sur l’océan. Donc, si devenir roi ne peut rendre la vie libre de tout chagrin, alors quoi d’autres pour atteindre cet objectif ? Il n’y a rien d’autre en effet, dans cette vie « (Homélie I8, Sur les Statues).

Plusieurs églises protestantes réclament souvent «la santé» au «Nom du Christ». Elles considèrent la santé comme quelque chose dont le chrétien a naturellement le droit. De leur point de vue, la maladie trahit un manque de foi. C’est exactement le contraire de l’enseignement orthodoxe comme l’illustre la vie du Job le juste dans l’Ancien Testament. Saint Jean Chrysostome dit que les saints servent Dieu non pas parce qu’ils s’attendent à une sorte de récompense spirituelle ou matérielle, mais simplement parce qu’ils l’aiment : «pour les saints, sachez que la plus grande récompense de tous est de pouvoir aimer et servir Dieu ». Ainsi, « Dieu, voulant montrer que ce n’était pas pour une récompense que ses saints le servaient, a dépouillé Job de toutes ses richesses, l’a livré à la pauvreté et lui a permis de tomber dans des maladies terribles ». Et Job, qui ne vivait pour aucune récompense dans cette vie, restait fidèle à Dieu (Homélie I, Sur les Statues).

 

De même que les personnes en bonne santé ne sont pas sans péché, Dieu aussi permet parfois aux personnes vraiment justes de souffrir, « pour devenir un modèle pour les faibles » (Saint-Basile, le Grand, Les grandes règles). Car, comme l’enseigne saint Jean-Cassien, «un homme est davantage instruit et formé par l’exemple d’un autre» (Conférences).

C’est ce que nous voyons dans le cas du pauvre Lazare de l’Evangile. « Bien qu’il ait souffert de blessures douloureuses, il n’a jamais murmuré contre l’homme riche ni lui a demandé quoique ce soit … En conséquence, il a trouvé le repos dans le sein d’Abraham, comme celui qui a accepté humblement les malheurs de la vie » (Saint Basile le Grand, Les grandes règles).

Les Pères de l’Église enseignent également que la maladie est un moyen par lequel les chrétiens peuvent imiter la souffrance des martyrs. Ainsi, dans la vie de beaucoup de saints, on constate qu’ils ont eu des souffrances corporelles intenses vers la fin de leur vie, de sorte que par leur juste souffrance ils puissent égaler le martyre physique. Un bon exemple peut être trouvé dans la vie de ce grand champion de l’orthodoxie, saint Marc d’Éphèse :

« Il était malade durant quatorze jours, et la maladie, comme il l’a dit lui-même, avait sur lui le même effet que les instruments de torture appliqués par les bourreaux aux saints martyrs. Cette douleur a ceinturé ses côtes et ses organes internes et ils étaient tellement comprimés entraînant une souffrance absolument insupportable. Ainsi ce que les hommes n’auraient pas pu faire à son corps sacré et martyrisé était fait par la maladie. Selon le jugement indescriptible de la Providence, et afin que ce Confesseur de la Vérité et Martyr, Victorieux de toutes les souffrances possibles, apparaisse devant Dieu après avoir traversé toute sorte de misère, et cela jusqu’à son dernier souffle, comme l’or qui est éprouvé dans la fournaise, et que grâce à cela, il puisse recevoir pour l’éternité encore plus d’honneur et de récompenses de la part du Juste Juge. » (The Orthodox Word, vol. 3, numéro 3).

Vous qui croyez être bien, veillez à ne pas tomber loin de Dieu au temps du malheur. – St. Jean de Kronstadt.

Source : Source : http://fatheralexander.org/booklets/english/fathers_illness.htm

 

 

Les Saints Pères : sur la maladie (2)

‏L’origine et la cause de la souffrance.

 

Or, nous savons que, jusqu’à ce jour, la création toute entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement. (Romains 8:22)

Mais étroite est la porte, resserré le chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent. (Matthieu 7:14).

Cela est spécifié à la fois par le saint exemple de notre Seigneur et par son saint enseignement. Le Seigneur a prédit à ses disciples et à ceux qui le suivraient que dans le monde, c’est-à-dire pendant leur vie terrestre, ils auront des tribulations (Jean 16:33; 15:18; 16: 2-3) … De là, il est clair que le chagrin et la souffrance sont précisément désignés par le Seigneur lui-même pour ses vrais serviteurs durant leur vie sur terre « (Évêque Ignace Brianchaninov, L’Arène).

Mais pourquoi en est-il ainsi ? Pourquoi les «chagrins et les souffrances», ainsi que les maux qui vont avec, nous sont effectivement affectés ? L’enseignement des saints Pères montre comment la souffrance doit être comprise dans le contexte de l’état premier créé par l’homme et sa chute ultérieure dans le péché.

Au début, il n’y avait pas de douleur, pas de souffrance, ni maladie ni mort. L’homme était «étranger au péché, aux peines, aux soucis et aux nécessités difficiles» (St. Symeon, le nouveau théologien, Homélie 45).

Si Adam et Eve n’avaient pas transgressé, «ils auraient progressivement acquis la gloire la plus parfaite et, en changeant, se seraient rapprochés de Dieu … et la joie et la réjouissance avec lesquelles nous aurions été remplis par la communion ente humains, véritablement cela aurait été quelque-chose d’indicible bien au-delà de notre structure de pensée (actuelle) « (Ibid.). Comme il n’y aurait pas eu de souffrance, il n’y aurait pas eu de maladie et, par conséquent, il n’y aurait pas eu besoin de la médecine.

« Mais quand l’homme a été trompé et séduit par le diable … Dieu est venu à l’homme comme le médecin qui vient chez un homme malade » (Saint Jean Chrysostome, Homélie 7, Sur les Statues). Dieu est descendu au Paradis dans la fraicheur de la journée et a appelé, Adam, où es-tu ? (Genèse 3: 9). Sa première manifestation à l’homme après le péché de la désobéissance n’était pas celui d’un juge vengeur, « car Dieu, quand il trouve un pécheur, ne considère pas comment il peut lui faire payer la sanction, mais comment il peut l’amender et le rendre meilleur » (St. Jean Chrysostome, Ibid.).

L’homme, la créature, avait succombé à la tentation d’être comme Dieu, le Créateur ; chose qui est contre toute raison ou possibilité. Ceci, le premier péché, a amené avec lui non pas «la divinité», mais la douleur, la maladie et la mort – et non par «hasard», mais pour une raison corrective spécifique : afin que l’homme puisse le savoir sans aucun doute et pour tout le temps qu’il n’est pas « comme Dieu ».

Par conséquent, le Médecin céleste « a rendu le corps [de l’homme] soumis à beaucoup de souffrances et de maladies, afin que l’homme puisse apprendre de sa nature même qu’il ne doit plus jamais entretenir la pensée « qu’il pourrait être comme Dieu » (saint Jean Chrysostome, Homélie 11, Sur les Statues). Dieu a dit à Eve :   « dans la douleur, tu enfanteras » (Genèse 3:16) ; et à Adam : « la terre sera maudite à cause de toi. C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris ; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière » (Genèse 3:17, 19).

Il est extrêmement important de comprendre cela dès le début, car si nous ne comprenons pas cette vérité sur la nature de l’homme déchu, rien de ce que les saints Pères enseignent sur ce sujet n’aura du sens. D’autre part, « si nous pouvons comprendre cela, nous pourrons apprendre de nous-mêmes et nous pourrons connaître Dieu et l’adorer en tant que Créateur » (Saint Basile le Grand, Hexameron). « Le péché engendre le mal, et le mal engendre la souffrance », écrit le Professeur Andreyev; « pourtant, cette souffrance même, qui a son origine en Adam et Eve, est une bénédiction pour nous tous, car cela nous oblige à réaliser combien est dangereuse pour nos âmes et nos corps  notre infidélité envers Dieu » (Orthodox Christian Apologetics).

(A suivre)

Source : http://fatheralexander.org/booklets/english/fathers_illness.htm

Les Saints Pères : sur la maladie (1)

Introduction.

 

Chacun d’entre nous qu’il soit chrétien ou non doit s’attendre à la maladie ou aux inconvenances dans sa vie. La douleur physique est universelle ; personne ne peut en échapper. Par conséquent, combien nous souffrons de la maladie et avec quelle intensité ne compte pas autant que notre compréhension de ces infirmités. La compréhension est ce qui compte.

Pour celui qui suppose que la vie devrait être semblable à des vacances longues et confortables alors toute souffrance qui lui survient est insupportable. Mais si un homme considère la vie comme un temps de peines, de correction et de purification, la souffrance et la douleur deviennent non seulement supportables, mais aussi utiles.

Saint Ambroise de Milan dit de l’attitude chrétienne à l’égard de la maladie : «Si l’occasion l’exige, un sage acceptera volontiers l’infirmité corporelle et même offrira tout son corps jusqu’à la mort pour l’amour du Christ … Ce même homme n’est pas affecté en esprit ou brisé par les douleurs corporelles si sa santé décline. Il est consolé par sa lutte pour la perfection dans les vertus. En entendant cela, l’homme qui raisonne suivant ce monde est susceptible de s’exclamer et de dire en criant : «mais quelle idée ! Comment quelqu’un peut-il accepter facilement la maladie et la souffrance ? »

Pour un incroyant, cela est en effet incompréhensible. Il ne peut pas concilier le fait de la souffrance humaine avec sa propre idée de Dieu. Pour lui, la pensée même que Dieu puisse permettre la douleur est répugnante ; habituellement, il considère toute forme de souffrance comme un mal dans un sens absolu.

Sans l’aide de la Révélation Divine, l’homme ne peut comprendre l’origine et la cause de la douleur, ni son but. Beaucoup de gens, n’étant pas aidés à comprendre, sont hantés par la peur de la douleur, terrifiés à la pensée d’une maladie persistante, et cherchent au plus vite un remède médical parce qu’ils pensent que la maladie n’est que le résultat du «hasard».

S’il est vrai que l’infirmité vient à travers une «mauvaise chance» (cependant même le bon sens nous dit que ce n’est pas tout à fait ainsi, car beaucoup de maladies sont le résultat d’une vie immodérée), alors il est permis et même souhaitable d’utiliser tous les moyens pour éviter la douleur de la maladie et même la maladie elle-même. En outre, lorsqu’une maladie devient irréversible et terminale, la sagesse de ce monde enseigne qu’il est acceptable de mettre fin à la vie du patient – ce que l’on appelle l’euthanasie, ou «mort miséricordieuse» – puisque, selon ce point de vue, la souffrance sur le lit de mort est inutile et cruelle, et donc c’est un mal.

Mais même dans la vie quotidienne, nous savons que la souffrance n’est vraiment pas «un mal absolu». Par exemple, nous nous soumettons au bistouri du chirurgien pour avoir une partie malade du corps amputée ; la douleur de l’opération est grande, mais nous savons qu’elle est nécessaire pour préserver la santé ou même la vie. Ainsi, même à un niveau strictement matérialiste, la douleur peut servir un bien supérieur.

Une autre raison pour laquelle la souffrance humaine est un mystère pour un incroyant est que sa conception même de Dieu est fausse. Il est choqué quand les saints Pères parlent de Dieu de la manière suivante : «Si Dieu nous envoie une famine, ou une guerre ou toute autre calamité, Il le fait à cause de Sa grande bienveillance et Sa bonté» (saint Jean Chrysostome , Homélie 7, Sur les Statues).

Le saint théophore Macaire d’Optina, dans la Russie du XIXe siècle, a écrit à un ami : «Ayant une santé faible comme vous, je ne peux pas manquer d’avoir beaucoup de compassion pour votre situation. Mais la bonne Providence n’est pas seulement plus sage que nous, Elle est également sage d’une manière différente. C’est cette pensée qui doit nous soutenir dans toutes nos épreuves, car elle nous console comme aucune autre pensée ».

« Sage d’une manière différente » … Ici, nous pouvons commencer à voir que la façon de comprendre des Pères des voies de Dieu est contraire à la vision selon le monde. En fait, cette façon dont les Pères comprennent est unique : elle n’est pas spéculative, savante ou « universitaire ». Comme l’évêque Théophane le Reclus l’affirme : «La foi chrétienne n’est pas un système doctrinal, mais un moyen de restauration pour l’homme déchu». (Un moyen de guérison spirituelle). Par conséquent, le critère de la foi – de la vraie connaissance de Dieu – n’est pas un critère intellectuel. La mesure de la vérité, comme le professeur Andreyev le souligne, «est la Vie elle-même … Christ l’a dit clairement et définitivement : Je suis le chemin, la vérité et la vie (Jean 14: 6). C’est-à-dire que je suis le moyen de percevoir la Vérité : je suis moi-même la Vérité incarnée (tout ce que je dis est vrai) … et je suis la Vie (sans moi, il n’y a pas de vie) « (Orthodox Christian Apologetics). Ceci est très loin de la sagesse de ce monde.

Nous pouvons croire ou ne pas croire aux paroles du Christ sur Lui-même. Si nous croyons, et que nous agissions en conformité avec notre foi, nous pouvons alors commencer à monter sur l’échelle de la connaissance vivante comme aucun manuel ou aucun philosophe ne peut jamais donner : Où est le sage ? Où est le scribe ? Où est le disputeur de ce siècle ? Dieu n’a-t-il pas choisi les choses folles pour rendre confuse la sagesse de ce monde ? (I Cor. 1:20)

 

L’une des difficultés dans la compilation d’un manuel d’enseignement des Pères sur la maladie est que la maladie ne peut être strictement séparée de la question générale de la douleur (par exemple, la douleur psychologique et les souffrances résultant de la guerre, de la famine, etc.). Une partie de ce que les saints Pères ont à dire ici sur la maladie établit également une base pour leur enseignement sur l’adversité (….).

Une autre difficulté est que les Pères orthodoxes utilisent parfois des mots tels que «péché», «punition» et «récompense» sans se restreindre aux significations que leur donne notre société moderne. Par exemple, le «péché» est une transgression de la loi divine. Mais dans la pensée patristique, c’est aussi plus que cela : c’est un acte de «trahison», une infidélité envers l’amour de Dieu pour l’homme et une «violation arbitraire de l’union sacrée [de l’homme] avec Dieu» (Andreyev, Ibid.). Le péché n’est pas quelque chose que nous devrions voir dans un cadre juridique strict de «crime et punition» ; l’infidélité de l’homme est une condition universelle, non limitée à telle ou telle transgression. C’est quelque-chose en nous, car tous ont péché, et sont privés de la gloire de Dieu (Romains 3:23).

 

Les relations de Dieu avec l’homme ne se limitent pas à nos idées juridiques sur la récompense et la punition. Le salut, qui est le but ultime de la vie chrétienne, n’est pas une «récompense», mais un don librement donné par Dieu. Nous ne pouvons pas «gagner» ou «le mériter» par tout ce que nous faisons, peu importe la façon pieuse ou  de ne pas se mettre en avant que nous croyons réaliser.

 

Dans la vie quotidienne, nous pensons naturellement que les bonnes actions devraient être récompensées et que les crimes doivent être sanctionnés. Mais notre Dieu ne « punit » pas sur la base des normes humaines. Il nous corrige et nous châtie, tout comme un père aimant corrige ses enfants égarés afin de leur montrer le chemin. Mais ce n’est pas la même chose que d’être «condamné» à une «sentence» de douleur et de souffrance pour certains méfaits. Notre Dieu n’est pas vindicatif ; Il est en tout temps parfaitement aimant, et sa justice n’a rien à voir avec les normes juridiques humaines.

 

Il sait que nous ne pouvons pas venir à Lui sans pureté de cœur, et il sait aussi que nous ne pouvons pas acquérir cette pureté, à moins que nous ne soyons libres de toutes choses: libres d’attachements à l’argent et à la propriété, libres des passions et du péché, et même détachés de la santé corporelle si cela constitue un obstacle entre nous et la vraie liberté devant Dieu. Il nous instruit, par la Révélation et la correction, en nous montrant comment nous pouvons acquérir cette liberté, car vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libre (Jean 8:32). Ainsi que l’enseigne saint Jean Cassien : Dieu « vous conduit pas à pas en vous élevant à cet amour où la peur est absente. Grâce à cela, vous commencez sans effort et naturellement à observer toutes ces choses que vous avez initialement observées par peur de Dieu et des sanctions, mais maintenant vous ne les faites plus par crainte du châtiment, mais pour l’amour de la bonté elle-même et de la joie dans la vertu « (Conférences de saint Jean Cassien).

Gardant à l’esprit le sens spirituel plus profond des mots tels que «péché», «récompense» et «châtiment», nous pouvons étudier les discours divinement sages des saints Pères sur le sujet de la maladie en remerciant Dieu que «notre Foi a été rendue sûre par les Saints sages et savants « (St. Cosmas d’Etolie (XVIIIème siècle ), car« vraiment, se connaître soi-même est ce qu’il y a de plus dur parmi tout », comme l’écrit saint Basile le Grand. Les saints pères indiquent le chemin. Leurs vies et leurs écrits agissent, en quelque sorte, comme un miroir dans lequel nous pouvons prendre la mesure de nous-mêmes, lourdement chargés que nous sommes par les passions et les infirmités. La maladie est l’une des façons dont nous pouvons apprendre ce que nous sommes réellement.                 (A suivre)

 

Source : http://fatheralexander.org/booklets/english/fathers_illness.htm

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