Paroisse orthodoxe de la sainte Transfiguration
Numéro 73, février 2022
Avec ce récit du pharisien et du publicain, nous entrons pleinement dans la période de préparation du Grand Carême que, d’une façon très pédagogique, la liturgie nous ménage chaque année. Le Seigneur met devant nos yeux cette image du publicain dont la prière humble et repentante contraste avec celle, orgueilleuse, du pharisien.
Ainsi, l’Église veut nous faire comprendre toujours davantage que ce qui doit être l’âme de notre Grand Carême, c’est avant tout l’humilité et le repentir.
Les saints pères nous disent que l’humilité n’est pas une vertu
comme les autres, une vertu parmi les autres ; ils ont cette expression que l’on retrouve chez plusieurs d’entre eux : « L’humilité est aux autres vertus ce que le sel est à l’ensemble des mets d’un repas ». Sans l’humilité, ni notre prière, ni aucune de nos pratiques, ni aucune de nos vertus n’auraient de valeur devant Dieu.
Et les saints pères vont jusqu’à dire que sans les vertus, sans toutes ces pratiques que sont le jeûne et les autres usages que nous mettrons en œuvre pendant le carême, l’humilité à elle seule peut suffire pour nous rendre justes devant Dieu. Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas attacher d’importance au jeûne, à l’aumône, au partage avec les plus démunis, mais tout cela n’aurait aucune valeur, aucune saveur pour Dieu, si ce n’était pas assaisonné par l’humilité, par la conscience et
la reconnaissance de notre pauvreté, de notre impuissance, de
notre incapacité devant Dieu, sans la conscience aussi de notre
péché qui aggrave encore notre impuissance de créature. Et c’est
cela que nous devons contempler dans cette image du Publicain.
Ce Publicain qui prie humblement, qui prie prosterné, qui prie,
dirions–nous, en faisant des métanies devant le Seigneur. Car l’hu-
milité, comme le repentir, ce n’est pas seulement un sentiment in-
térieur, ce qu’il est bien sûr, mais il faut, qu’il soit vrai, que ce soit
un sentiment qui imprègne notre cœur, qui en jaillisse, et non pas
simplement quelque chose de cérébral, d’imaginaire. Il faut que cela s’incarne dans notre comportement, et c’est pour cela qu’une
attitude humble dans la prière est tellement nécessaire. As-
surément, il est des moments où on peut prier debout, car cette
position debout exprime notre condition de fils de Dieu, de ressus-
cités avec le Christ, mais cette pauvreté qui est la nôtre, cette con-
science de notre misère de créatures pécheresses devant Dieu, doit
s’exprimer dans ces métanies dont, surtout en carême, nos offices à l’église et nos prières en cellule sont ponctués.
Le jeûne qui doit caractériser très particulièrement le Grand Carême, ce jeûne n’a de sens que dans la mesure où il incarne l’humilité de notre cœur. Car si notre humilité ne s’incarne pas dans des comportements concrets, ce sera une humilité en imagination, ce sera une humilité virtuelle qui n’aura aucune réalité. Il faut qu’elle s’incarne. Le jeûne, justement, si nous lisons toute la Bible, est une des façons dont le peuple de Dieu a toujours exprimé son humilité et son repentir dans une prière qui engage tout son être. C’est parce que tout son être y est engagé que
l’homme peut vraiment, ce moment–là, être pénétré, imprégné dans son cœur de cette humilité ; elle ne reste plus quelque chose d’imaginaire, quelque chose d’artificiel.
Nous sommes corps et âme, et notre corps doit exprimer nos senti-
ments pour que ces sentiments soient quelque chose de réel qui engage tout notre être. Si, pendant le carême, nous jeûnons, ce n’est pas du tout par mépris du corps ; si nous menons une vie un peu austère pour notre corps, ce n’est pas du tout parce qu’il faudrait écarter le corps de la vie spirituelle ; bien au contraire, c’est pour l’y faire participer ; mais la bonne façon de l’y faire participer, ce n’est pas de le flatter et de l’épanouir, mais de le faire passer par une sorte de mort pour qu’il ressuscite.
II faut que notre corps participe à notre vie spirituelle, un peu comme la semence que le cultivateur ensevelit pour qu’elle ressuscite sous forme d’une moisson abondante : « Celui qui épargne son corps montre qu’il n’a pas une foi bien vive en sa résurrection ». Si la mortification du corps est importante dans notre vie spirituelle, si tous les saints y ont toujours attaché autant d’importance, ce n’est pas du tout par mépris du
corps ; pas plus que lorsque le cultivateur enterre la semence, ce n’est par mépris de la semence, bien au contraire. Mais si nous épargnons la semence, si nous épargnons notre corps, c’est que nous n’avons pas une foi bien vive dans sa résurrection.
Toute cette ascèse du carême, le jeûne, l’austérité de notre vie, tout
cela est l’expression de notre attente de la résurrection, de notre foi dans la résurrection de tout notre être. Notre corps doit participer à la vie spirituelle non pas en l’épanouissant simplement selon sa vie naturelle, purement humaine, mais en le faisant participer à la Croix du Christ, à cette Croix qui est non seulement la voie de la résurrection, mais qui contient déjà en elle d’une façon secrète, d’une façon cachée,la force, la puissance de la résurrection.
Entrons dans le carême dans ces sentiments. Mais entrons–y en suivant cette pédagogie si sage de l’Église que manifeste ce temps depréparation au carême que nous parcourons en ce moment.
D’après l’Archimandrite Placide Deseille, La couronne bénie
de l’année chrétienne, volume 2, pages 15–19.
Divine Liturgie
Tous les dimanches à 9h30
Dimanche 6 : l’humilité et la foi
Epitre : II Cor 6, 16 – 7,1 ; Evangile : Mat 15, 21–28
13 : le publicain et le pharisien
Epitre : II Tim 3, 10–15 ; Evangile : Luc 18, 10–14
20 : le fils prodigue
Epitre : I Cor 6, 12–20 ; Evangile : Luc 15,11–32
27: le jugement dernier
Epitre: I Cor 8,8 – 9,2; Evangile: Mat 25, 31-46
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