Méditation effectuée par un membre de la communauté orthodoxe de La Réunion
Alléluia
Il existe des journées d’exception. La splendeur du Monde affleure et déborde. Leur rencontre nous enseigne le bonheur à venir. Le 15 Aout est nommé Assomption en Occident, fête de la Dormition de la Vierge en Orient. Le sens est le même : Marie qui fut choisie par Dieu, pour incarner son fils Jésus, quitte le Monde et va le rejoindre. Le tropaire de la liturgie grecque de la fête le chante : Dans ta dormition tu n’as pas quitté le monde, Ô Mère de Dieu, tu a été transférée à la vie. Dans le cycle liturgique byzantin, cette fête est la dernière de l’année avant la nouvelle année qui commence en Septembre par l’Induction que le Patriarche Bartholomée célèbre comme une glorification de la création.
J’ai connu ce temps béni, d’une France encore digne, ou dans les villages, la procession parcourait les routes et les sentiers, faisant des stations aux chapelles, ou les chants se succédaient « Chez nous Soyez Reine, O vierge souveraine », et tant d’Ave Maria après les bénédictions des champs. Et dans les villes ces autres processions, ou nous nous postions aux fenêtres pour jeter des pétales de roses sur les fidèles.
Je dirai à mes amis qui affirment une profession de foi d’athéisme: croire en Dieu, c’est croire d’abord, immédiatement dans la beauté du Monde qui se révèle à nous simplement. Communier à cet éclat, cet éclair, cette lumière qui surgit d’une paupière entrouverte : Beauté de la nature déployée comme un livre, de la langue qui la célèbre, des émotions qui jaillissent au delà des mots. Des figures qui émergent. Les révélations et les dogmes émanent, surgissent plus tard.
Il en fut ainsi ce jour là : une balade sur un voilier dans l’Ouest ou l’on croise la danse des baleines, les tortues qui montrent leur tête entre deux vagues et le bonheur des dauphins. Au loin les voiles rouges et blanches de ce vieux gréement norvégien, que l’on croyait condamné et qui revit comme un vaisseau fantôme. Un bonheur..! L’ile déployant ses grandes pentes, jusqu’à l’azur sans nuage. On oublierait presque les jet skis qui souillent l’Océan. Eden est là devant nous. Pourquoi ce désir forcené de le détruire ?
Plus tard près de la jetée de Saint Paul, se célèbre la messe des pécheurs. Emouvante et intense liturgie, l’une des plus belles que j’ai rencontrée ici. Marie, c’est la femme couronnée d’étoiles, un manteau de soleil et la lune à ses pieds comme la célébra en Bourbonnais le Maitre de Moulins, Celle qui affronte le Dragon rouge de l’Apocalypse, lecture du jour, mais c’est surtout la Stella maris, Notre dame du Port ; celle que l’on invoque dans la détresse de la tempête, celle que l’on loue à l’aurore et au crépuscule sur le Grand Océan, sur la Mer Indienne. L’effigie de la vierge est portée en procession dans une barque qui sera bénie avec toutes les autres barques. Les patrons pécheurs sont là, des réunionnais, des hommes, un peu plus vrais que bien d’autres. Le servant lit la longue litanie de ceux qui ont disparu en mer, de ceux qui ont été la victime des requins, de Sarah la jeune fille dévorée le 15 juillet dans la baie de Saint Paul.
Les pécheurs et la procession s’avancent jusqu’au bout du wharf, face à l’Océan ou l’on jette en offrande aux défunts, des couronnes et des fleurs. La chorale chante avec ferveur un beau chant de résistance et de prière dans la tempête et dans la mort.
Au loin c’est déjà l’or du crépuscule proche, le vieux gréement se détache en filigrane sur l’horizon, retournant vers le port.
C’est déjà l’heure des Vêpres qui dans la tradition byzantine, s’ouvrent par le chant du psaume 103
Bénis le Seigneur, Ô mon âme : Seigneur mon Dieu, tu t’es grandement magnifié :
Tu t’es enveloppé de louange et de splendeur…
Tu t’es revêtu de lumière comme d’un manteau,
Tu as déployé le ciel comme une tente.
Sur les eaux tu as bâti tes chambres hautes, des nuées tu t’es fais un char, tu avances sur les ailes du vent.
Et plus loin dans la liturgie Slavonne
Bienheureux l’homme qui ne s’est pas rendu au conseil des impies
Alléluia, Alléluia… Alléluia
Car le Seigneur connaît la voie des justes et la voie des impies se perdra
Alléluia, Alléluia. Alléluia
Lève Toi Seigneur, Sauve moi Ô mon Dieu
Alléluia, Alléluia. Alléluia
JF