Le moine, le paysan et le renard.

LE MOINE, LE PAYSAN ET LE RENARD

 

En Egypte où dans son passé chrétien dans les temps anciens il y eut de grands monastères, vivait un moine qui se lia d’amitié avec un simple agriculteur inculte. Un jour ce simple agriculteur dit au moine « Moi aussi je crains Dieu Créateur de l’univers ! Chaque soir je verse un bol de lait de chèvre et le place sous un palmier. Durant la nuit Dieu vient et boit mon lait ! Il l’apprécie beaucoup ! Pas une seule fois Il n’a laissé une goutte de lait dans le bol ».

En écoutant ces paroles, le moine ne put s’empêcher de sourire. Avec gentillesse et logique il expliqua à son ami que Dieu n’a pas besoin d’un bol de lait de chèvre. Mais l’agriculteur s’entêtait disant qu’il avait raison; alors le moine suggéra de passer la nuit pour observer ce qui se passait pour le bol de lait placé sous le palmier. Aussitôt dit aussitôt fait. A la nuit tombante, le moine et l’agriculteur se sont tenus à une certaine distance du palmier ; et peu après, dans la clarté de la lune, ils virent un petit renard venir et boire tout le lait. L’agriculteur poussa alors un soupir et dit avec déception :   «  Maintenant je vois bien que ce n’était pas Dieu ». Alors le moine a essayé de consoler l’agriculteur en lui expliquant que Dieu est esprit et bien au-delà de nos faibles capacités de compréhension… . Mais l’agriculteur écoutait avec tristesse penchant sa tête. Ensuite il rentra chez lui en pleurant. Le moine rentra aussi chez lui, mais en arrivant devant sa cellule, il fut étonné de voir un Ange lui bloquant le passage. Complètement terrorisé, le moine tomba à genoux. L’Ange lui dit : «Cet homme simple n’a pas fait d’études et n’a pas reçu ni la sagesse ni la connaissance dans les livres pour comprendre Dieu autrement. Et toi avec ta sagesse et tes connaissances dans les livres tu lui as enlevé le peu qu’il avait ! Tu vas dire que tu as raisonné de façon juste, mais il y a une chose que tu dois apprendre toi l’homme instruit : Dieu, voyant la sincérité et le vrai cœur de ce bon agriculteur envoyait chaque nuit le petit renard vers ce palmier pour apporter du réconfort à cet agriculteur et accepter son offrande ».

Du Prologue.  Publié dans « Orthodox Heritage » Vol.11, Issue 09-10. (2013)

 

De l’amitié et de la douleur

Sur l’amitié et la douleur.

Les anciens ont compris qu’il existe différentes formes d’’amour et des différentes formes d’’amitié.  La description que fait Hippodame le pythagoricien de l’amitié a exercé une telle impression sur Clément d’Alexandrie que celui-ci l’a cité comme référence en ce qui concerne les diverses formes de relation amicale. Fondamentalement, le philosophe (Hippodame) distingue trois sortes de relations amicales « celles fondées sur la connaissance des dieux, celles fondées sur les dons des hommes et celles fondées sur les réjouissances ».

Mais pour les chrétiens l’amitié la plus précieuse n’est pas basée sur le donnant-donnant ou bien sur le bon temps passé ensemble mais sur la connaissance du Christ et sur l’acquisition des vertus. C’est ce type d’amitié que le Psalmiste loue : «Voici, oh ! Qu’il est agréable, qu’il est doux pour des frères de demeurer ensemble !  C’est comme l’huile précieuse qui, répandue sur la tête, descend sur la barbe, sur la barbe d’Aaron, qui descend sur le bord de ses vêtements. C’est comme la rosée de l’Hermon, qui descend sur les montagnes de Sion ; Car c’est là que l’Éternel envoie la bénédiction, La vie, pour l’éternité » Psaume 133. Continuer la lecture de De l’amitié et de la douleur

Sur la mort et la résurrection

Sur la mort et la résurrection.

Chaque personne va goûter à la mort et goûter à la résurrection. Elle ne goutte pas uniquement au néant.

Personne n’accepte de passer au néant par la mort mais nous acceptons (en tant que chrétiens) de passer par la mort car nous avons la foi qu’il y a au-delà de la mort quelque-chose de nouveau ainsi que la permanence de notre existence. Il est nécessaire de subir un abaissement, une mort. On ne peut ressentir la résurrection ou la promesse de la résurrection qu’après avoir observé et contemplé la mort. Cela est notre mystère : nous ne ressentons pas la vie comme permanence de la vie. Il faut que la vie soit brisée par la mort pour qu’elle nous donne le meilleur. Je suis étonné que la plupart des humains craignent le caractère certain de la mort parce-qu’ ils qu’ils ne ressentent pas (en eux) la promesse de la résurrection car Dieu seul est donateur de vie.

Ce que nous désignons par résurrection n’est pas seulement une continuité entre cette vie ici-bas et celle qui est accordée d’en-haut selon sa nature (qui n’est pas de ce monde). Il s’agit d’une vie meilleure. C’est cela le mystère : c’est que par la mort il t’est accordé une vie meilleure, une vie qui t’est offerte par Dieu. Continuer la lecture de Sur la mort et la résurrection

Sur les fêtes chrétiennes

Texte paru dans un journal belge (La Libre Belgique)

 

Le débat de la semaine, lancé par l’anthropologue Dounia Bouzar, est évidemment l’abandon de deux jours fériés chrétiens en France pour les remplacer par l’Aïd et Yom Kippour. Par cette proposition, l’on peut une fois de plus constater dans quel gouffre d’oubli et de négation sombre la France, entraînant sans doute une partie de l’Europe à sa suite. On voudrait gommer le passé, le reléguer dans un musée, l’effacer des mémoires.

Bien sûr que chacun a le droit de fêter ce qu’il veut chez lui : Yom Kippour pour les Juifs, l’Aïd pour les Musulmans, la Tara Verte pour les bouddhistes, Beltaine pour les Wiccans, Thanksgiving pour les expatriés américains ou l’anniversaire du petit… Faut-il pour cela acter officiellement les désidératas particuliers de tout un chacun ?

Bien sûr que non. N’en déplaise au lobbying laïcard athée, la France et l’Europe sont des entités baptisées et chrétiennes. En tant que telles, elles peuvent et doivent être ouvertes à la diversité d’opinion et sans doute de religion dans une certaine limite, mais doit-on pour autant complètement se déraciner dans une sorte de folie moderniste incohérente et libérale ?

Il faut s’entendre sur les mots. Je défends l’idée d’une société traditionnelle opposée à la dite société moderniste. Qu’est-ce à dire ?

Par société traditionnelle, j’entends non pas une société moralement conservatrice, figée, réactionnaire, autoritariste et cloisonnée mais une société qui donne du sens. Or pour donner du sens, il faut s’inscrire dans le passé et s’enraciner dans le temps. « Même une plaisanterie a bien plus d’éclat quand elle a mille ans derrière elle» (2) disait C.S.Lewis. Et il avait raison, car au-delà de la boutade, les fêtes chrétiennes s’inscrivent dans une logique cyclique, rythmant la vie spirituelle et communautaire. Au-delà des croyances individuelles, elles inscrivent la société toute entière dans une logique propre qui est celle du christianisme, à savoir :

1) Naissance de la Lumière dans le monde (Noël)

2) Mort du vieil homme et des liens de haine qui entravent l’Humanité et victoire de l’Amour sur la mort (Pâques)

3) Dignité affirmée de l’Humanité par sa montée au ciel aux côtés de Dieu (Ascension)

4) Liens insécables tissés entre Dieu et les Hommes, nécessité pour l’Homme de répondre à l’appel créatif de Dieu pour s’accomplir (Pentecôte)

5) Dignité de l’Homme capable d’accepter son accomplissement en acceptant Dieu et affirmation importance primordiale de la femme dans le destin spirituel de l’Humanité (Assomption)

6) Liens entre les vivants et les morts par delà le temps et l’espace et par la même importance de la mémoire fondant notre humanité (Toussaint).

Bien vécu et bien compris, le cycle des fêtes liturgique structure le temps et le sacralise. Il sert de ciment à la population qui le vit en communion, il sort chacun de son égoïsme lui donnant conscience, par sa logique homogène, de sa destinée individuelle et collective.

Au contraire, un cycle de congés disparate est, par définition, complètement incohérent. Lorsque je critique le modernisme libéral, il ne s’agit bien sûr pas de la modernité synonyme de liberté légitime ou de progrès sociaux et techniques heureux. Mais bien plutôt de la société qui rejette systématiquement ce qui donne sens spirituel afin d’établir in fine, une société superficielle de la consommation. Les fêtes traditionnelles évacuées ou mélangée, le sens spirituel perdu, on pourra alors les remplacer par de simples « jours de congés » vides de sens.

Certes, on pourra me rétorquer que peut-être nous sommes à la veille d’une nouvelle culture, d’un basculement, avec de nouveaux référents et de nouvelles fondations. Je répondrai que si je crois à l’évolution des choses, je ne crois pas au fait de faire table rase du passé. a chaque fois que cela a été tenté, cela a donnée lieu à l’élaboration d’une société superficielle, inique, non durable et non créative. Créative ? Oui, car la Tradition est la condition de la créativité qui a besoin de racines profondes pour se développer : Tout homme séparé du passé est un homme injustement déshérité (3).

Une société qui rejette son passé est une société qui ne sait plus produire du Beau, du sens, de l’art et de l’humain. C’est une société qui est comme une coquille vide et qui finit par mourir.

 

(1) « Devenir soi-même, chronique d’un chrétien du XXIe siècle », Mercure Dauphinois, 2013.

(2) C.S.Lewi, Poems, p. 41

(3) Chesterton, préface au Paradis Perdu