Hortensias à petites fleurs
Source:http://blogs.ancientfaith.com/glory2godforallthings/2015/12/08/doing-good-in-a-bad-world/ Fr. Stephen Freeman
Un homme mauvais ne peut pas faire un monde bon.
« Il faut faire quelque chose ». S’il y avait un slogan qui convient pour le monde moderne, ce serait celui-ci. Son pouvoir réside dans sa vérité. Certaines choses sont tragiques et injustes, brisées et dysfonctionnelles. Toute analyse qui pourrait suggérer que rien ne doit être tenté va tomber dans l’oreille d’un sourd – et il devrait en être ainsi. Toutefois, c’est ici que la grande tentation de la modernité commence. Quelque chose doit être fait. Mais quoi ?
La modernité regorge de solutions et l’Amérique est la terre des solutions. Chaque Américain est un « mécanicien » de cœur. Nos arguments les plus forts et les plus durables sont sur la façon de réformer les choses : il faudrait plus de ceci, moins de cela ou plus ou moins de cela et davantage.
La première grande tentation de la modernité est l’illusion de la puissance et de la puissance efficace. Le pouvoir de faire une chose n’est pas le pouvoir de tout faire. Pour chaque exercice de la puissance vers une fin particulière, une foule de nouveaux problèmes inattendus et imprévus surgissent. Plusieurs fois, nous arrangeons les choses seulement pour découvrir que la solution est pire que le mal. Nous sommes nos pires ennemis.
La séduction exercée par la possibilité de contrôler est presque irrésistible. Chaque anxiété est une supplique pour avoir les moyens de contrôler l’objet de la peur. Et si nous pouvons faire beaucoup de choses, nous ne pouvons jamais tout faire. Le plus souvent, nos échecs et nos catastrophes opèrent au-delà de nos intentions et sont à l’extérieur de notre portée.
L’exemple du Christ se présente comme une contradiction à notre envie de contrôler. Car, bien que comme Dieu, Il aurait clairement pu faire tout, Il a fait seulement un nombre limité de choses. Tout son ministère a eu lieu dans un rayon de 100 km. A son achèvement, il avait rassemblé seulement quelques centaines de disciples. Il a été largement silencieux sur le sujet de la puissance romaine, et n’a dit presque rien sur les structures sociales. Bien qu’Il ait guéri quelques-uns, la plupart des malades sont restés malades. Nous entendons le cri du « New York Daily News », « Dieu ne résout pas ces problèmes ».
Bien sûr, l’hypothèse sous-jacente du « New York Daily News » (et de la plupart des gens) est que quelqu’un doit résoudre ces problèmes. Si Dieu ne le fait pas, alors nous le ferons ! D’autres concluent que Dieu pouvait le faire, mais que pour une certaine raison il veut que nous le fassions à sa place. Et d’autres encore diront que si Dieu ne le fait pas c’est parce qu’il n’y a pas de Dieu.
Toutes ces réponses sont fondées sur la croyance que quelque chose peut être fait et que, par conséquent il faut faire quelque chose (je ne pense pas spécifiquement au problème du terrorisme – car «ce quelque-chose qui doit être fait» que Dieu ne fait pas pourrait concerner presque tout). Aucune de ces réponses ne considère la possibilité que Dieu en fait, est en train de faire quelque chose, mais quelque chose de tout à fait inattendu et non envisagé.
La foi chrétienne enseigne que l’homme est lui-même le problème. Elle ne nous enseigne pas que les êtres humains sont mauvais, mais que nous sommes brisés, imparfaits et mal orientés dans nos vies. Le projet humain s’est égaré. Le Christ Lui-même est la première réponse : Il est l’Homme Nouveau.
Saint Séraphin de Sarov a dit «Acquiers l’esprit de paix et les âmes par milliers autour de toi seront sauvées ». Séraphim de Sarov ne peut pas être accusé de n’avoir rien fait. Il a immergé sa vie dans la prière et le jeûne et il a acquis l’Esprit de Paix. En tant que tel, il est devenu le salut de milliers d’âmes.
Le Christ a dit une fois à ses disciples, « Les pauvres, vous les aurez toujours avec vous. » Cela pourrait être pris (à tort) pour signifier, qu’il n’y a rien que vous pouvez faire pour les pauvres. Cependant il est vrai que beaucoup a été fait pour les pauvres en Son nom plutôt que pour une autre raison. Mais les pauvres sont toujours présents. Ils sont toujours présents parce qu’ils vivent au cœur du problème qui est celui de l’humanité brisée, imparfaite et mal orientée. Et même si la pauvreté devait disparaître pour quelque temps, elle reviendrait assez rapidement. Ses causes ne sont pas uniquement économiques : elles sont existentielles.
La vie chrétienne dans le monde moderne est un art. Son cœur se soucie à juste titre pour le monde et même couve ses problèmes. Mais cet art n’est pas plus grand que le Christ. Nous ne pouvons pas réaliser nous qui sommes mauvais, ce que le Christ Lui-même ne cherchait pas, Lui qui est l’Homme bon. Car, à la fin, la perfection réalisée grâce au contrôle ne peut fonctionner que grâce à ce contrôle. La perfection absolue signifie un contrôle absolu. Cela devient le centre de quelque chose de démoniaque. Il est cependant vrai que nous cherchons seulement une amélioration relative et non pas l’absolue perfection. Ceci est quelque chose que nous pouvons, de temps à autre, faire réellement. Mais plus ce qui est envisagé est grand et plus la nécessité d’un contrôle s’impose. L’art de faire du bien exige de l’humilité.
Ceci est également vrai lorsque l’on veut traiter le mal. Nous ne pouvons pas débarrasser le monde du mal, peu importe sa forme. Nous ne pourrons pas détruire le terrorisme. Nous pouvons chercher à limiter sa portée et ses effets. La volonté de l’éradiquer complètement créerait inévitablement soit plus de terreur, ou encore des conséquences imprévues (tout comme le terrorisme contemporain est lui-même une conséquence imprévue).
Cela est particulièrement vrai dans nos vies personnelles. Beaucoup de gens dans le monde contemporain substituent les opinions et les sentiments à propos de problèmes situés ailleurs à l’action réelle dans un domaine particulier. C’est une existence imaginaire dans lequel nous nous livrons à du vide. Elle est principalement motivée par la rhétorique politique de la droite ou de la gauche et n’a que peu de conséquence.
Mais la véritable action importante est en profondeur. La foi sans les œuvres est morte.
L’action véritable vient avec l’intégrité. La modernité veut faire du monde un endroit meilleur. L’action chrétienne reconnaît que moi-même je suis le premier de tous les problèmes. Si rien ne change en moi, alors rien de vrai n’est arrivé. C’est cela que saint Séraphim décrit comme « l’acquisition de l’Esprit de la Paix. »
Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? Ou comment peux-tu dire à ton frère : laisse-moi ôter la paille de ton œil toi qui as une poutre dans le tien ? Hypocrite ! Ote premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras clair pour enlever la paille de l’œil de ton frère. (Mat 7: 3-5)
Beaucoup traitent cette parole comme un avertissement pour éviter de juger les autres. Mais elle est aussi une description de la véritable action. Je peux aider mon frère concernant la paille dans l’œil, mais seulement si je suis occupé avec le problème plus vaste de ma propre poutre. Le péché entraîne le péché. Seule la justice guérit. Le monde a besoin de guérison et non pas de réforme.
«Faire du monde un endroit meilleur » est un discours prétentieux… Un starets plein de sagesse a dit une fois, « je n’ai pas besoin d’aller plus loin que mon propre cœur pour trouver la source de toute violence dans le monde. »
C’est là, dans mon propre cœur, que quelque chose doit être fait.