Mois : mars 2021
La repentance est la prise de conscience que la communion (avec Dieu) est perdue (I)
Son Eminence Mgr Atanasije (Jevtić)(1938-2021) de l’Église orthodoxe serbe s’est endormi dans le Seigneur le 4 mars…Des milliers de fidèles orthodoxes, y compris des hiérarques, des membres du clergé, des moines et des laïcs sont venus faire leurs adieux à l’ancien hiérarque bien-aimé de Zahumlje-Herzégovine lors de ses funérailles et de son enterrement le 6 mars. Mgr Atanasije était un enfant spirituel du grand dogmaticien Saint Justin (Popović) et était un théologien respecté à part entière. En fait, dans son message lu lors des funérailles d’Atanasije, Sa Sainteté le patriarche Porfirije le dénombre avec les grands théologiens Sts. Justin et Nikolai (Velimirović).
Le repentir (métanoïa) est le début d’une nouvelle vie chrétienne, ou d’une nouvelle existence chrétienne – une vie en Christ. Ainsi, l’Évangile commence par les paroles de saint Jean le Précurseur: Repentez-vous, car le Royaume des Cieux est proche. Et la prédication du Christ après son baptême était de se repentir et de croire en l’évangile. Mais à notre époque, les gens se demandent pourquoi il est nécessaire de se repentir. D’un point de vue social, il est inapproprié de parler de repentir. Il y a, bien sûr, un semblant de repentir, en particulier dans les pays totalitaires, quand quelqu’un a quitté la ligne du parti, alors le «repentir» est exigé de lui, ou lorsque les chefs du parti eux-mêmes s’écartent de leur plan initial – seulement ceci n’est pas appelé repentir, mais une sorte de «réajustement» ou de «réalignement». Il n’y a pas de véritable repentir ici. Combien d’entre vous ont vu le film Repentance d’Abuladze? On y parle de faux repentir, et ce n’est qu’à la fin du film que vous voyez ce qu’est le vrai repentir. Le film expose la fausse repentance comme une sorte de changement dans «l’idéal» ou le «style» mais le fond reste essentiellement le même. Et en effet, une telle «repentance» n’a rien à voir avec la vraie repentance. Dans le texte grec de la Sainte Écriture, il y a deux expressions différentes pour la repentance. Une expression est la métanoïa et l’autre est la métamélie. Parfois, cette seconde expression n’est pas traduite par «repentir», mais par «regret». Par exemple, j’ai pensé aller à Francfort, mais j’ai «regretté», c’est-à-dire que j’ai changé d’avis: je n’irai pas. Dans les Saintes Écritures, cela s’appelle métamélie. C’est juste un changement d’intention. Cela n’a aucune signification spirituelle. Il y a aussi quelque chose comme le «regret» au sens social ou psychologique, c’est-à-dire des changements. Dans le domaine de la psychologie, il y a la «restructuration» de son caractère, de sa propre névrose. Dans la psychologie d’Adler, Freud ou même Jung, il n’y a pas de concept de repentir. La repentance est un concept religieux. Vous devez vous repentir devant quelqu’un. Cela ne signifie pas simplement changer votre style de vie ou vos sentiments intérieurs ou votre expérience, comme cela est sous entendu, disons, dans les religions et cultures orientales. Ces religions parlent de la façon dont un homme doit acquérir sa propre expérience, doit se connaître, doit s’actualiser pour que la lumière de sa conscience s’éveille. Mais Dieu n’est pas nécessaire pour un tel changement. Cependant la repentance chrétienne doit certainement être en face de quelqu’un. Voici un exemple. Un de nos Serbes – il a déjà soixante ans maintenant – était un communiste dans sa jeunesse et, comme tous (les communistes) , a fait beaucoup de mal à la population. Mais ensuite il est venu à la foi, à Dieu, à l’Église, et quand ils lui ont offert la communion, il a dit: « Non, j’ai fait beaucoup de mal. » «Alors va te confesser. «Non, non», dit-il, «j’irai me confesser à un prêtre, mais j’ai péché devant le peuple, et je dois avouer ouvertement devant le peuple.» C’est une expression de la pleine conscience de ce qu’est la repentance. Ici, vous voyez l’Église, l’ancien chrétien et la perception véritablement biblique que l’homme n’est jamais seul au monde. Surtout, il se tient devant Dieu, mais aussi devant les hommes. Par conséquent, dans la Bible, le péché d’un homme devant Dieu est toujours lié à son prochain, ce qui signifie qu’il a des dimensions et des conséquences sociales et communautaires. Cela se ressent à la fois chez notre peuple et chez les grands écrivains russes. Les orthodoxes ont le sentiment qu’un voleur ou un tyran, ou quelqu’un qui fait du mal à son voisin, est la même chose qu’un athée. Laissez-le croire en Dieu, mais c’est pour rien – il blasphème simplement Dieu, car sa vie est en contradiction avec la foi. D’où la compréhension équivalente de la repentance comme une position appropriée devant Dieu et devant l’homme. Le repentir ne peut pas être mesuré uniquement par des échelles sociales ou psychologiques, mais il s’agit toujours d’un concept chrétien biblique révélé par Dieu. Le Christ commence son Évangile, sa bonne nouvelle, son enseignement pour l’humanité par la repentance. Saint Marc l’Ascète, disciple de Saint Jean Chrysostome, qui vécut en ermite du quatrième au cinquième siècle en Asie Mineure, enseigne que notre Seigneur Jésus-Christ, la puissance de Dieu et la Sagesse de Dieu, en contemplant le salut pour tous, de tous les différents dogmes et commandements une seule loi a été gardée – la loi de liberté, mais aussi que nous arrivons à cette loi de liberté uniquement par la repentance. Le Christ a commandé aux apôtres: « Prêchez la repentance à toutes les nations, car le Royaume des Cieux est proche. » Et par cela, le Seigneur voulait dire que la puissance de la repentance contient la puissance du Royaume céleste, tout comme le levain contient le pain ou le grain contient la plante entière. Ainsi, la repentance est le début du Royaume céleste. Rappelons l’épître du Saint Apôtre Paul aux Hébreux: Ceux qui se sont repentis ont ressenti la puissance du Royaume des Cieux, la puissance de l’âge à venir. Mais dès qu’ils se sont tournés vers le péché, ils ont perdu ce pouvoir, et il était nécessaire de renouveler à nouveau la repentance. Ainsi, la repentance n’est pas seulement une capacité sociale ou psychologique à s’entendre avec les autres sans conflit. La repentance est ontologique, c’est-à-dire une catégorie existentielle du christianisme. Quand le Christ a commencé l’ Evangile par l’appel à la repentance , Il faisait référence à la réalité ontologique de l’homme. Disons dans les paroles de saint Grégoire Palamas: Le commandement de la repentance et les autres commandements donnés par le Seigneur correspondent pleinement à la nature humaine elle-même, car au commencement Il a créé cette nature humaine. Il savait qu’il viendrait alors Lui-même et donnerait les commandements, et par conséquent, Il a créé la nature selon les commandements qui seraient donnés. Ainsi le Seigneur a donné des commandements qui correspondaient à la nature qu’Il a créée au commencement. La parole du Christ sur la repentance n’est pas un dénigrement sur la nature humaine, ce n’est pas une «imposition» de quelque chose d’étranger à la nature humaine, mais c’est la chose la plus naturelle et la plus normale, correspondant à la nature humaine. La seule chose est que la nature humaine est tombée, et par conséquent, elle est maintenant dans un état non naturel. Mais c’est précisément la repentance qui est le levier par lequel un homme peut corriger sa nature et la ramener à un état normal. Par conséquent, le Sauveur a dit: «Métanoïte», c’est-à-dire «changez d’avis» ou «repentez-vous»
Le fait est que notre pensée a quitté Dieu, nous-mêmes et les autres. Et c’est l’état malade et pathologique de l’homme qu’on appelle «passion» – en grec: pathos (pathologie). C’est simplement une maladie, une perversion, mais pas encore une destruction, car la maladie n’est pas la destruction d’un organisme, mais simplement une corruption. L’état de péché de l’homme est une corruption de sa nature, mais l’homme peut récupérer et accepter la correction, et par conséquent la repentance vient comme le retour à la santé d’un lieu malade, de la nature humaine malade. Et comme le Sauveur a dit que nous devons nous repentir, même si nous ne ressentons pas le besoin de nous repentir, nous devons Le croire – que nous avons vraiment besoin de nous repentir. Et en effet, plus les grands saints s’approchaient de Dieu, et plus ils ressententaient le besoin de se repentir, dans la mesure où ils ressentaient la profondeur de la déchéance de l’homme. Autre exemple des temps modernes: un certain écrivain péruvien, Carlos Castaneda, a déjà écrit huit livres sur un sage et magicien indien, un Don Juan au Mexique, qui lui a appris à se droguer pour atteindre l’état d’une seconde réalité particulière, à entrer dans les profondeurs du monde créé et ressentir sa spiritualité, et rencontrer des êtres spirituels. Castaneda est anthropologue et a suscité un grand intérêt parmi les jeunes. Et malheureusement, ces huit volumes ont déjà été traduits en serbe. Il y a quelques jours, il y a eu une discussion à Belgrade sur Castaneda et sur l’opportunité de l’accepter ou de le rejeter. Un psychiatre a déclaré que la consommation de drogues pour halluciner est une voie dangereuse dont il est peu probable qu’on puisse s’en sortir. Un écrivain a fait l’éloge de Castaneda. J’étais le critique le plus dur. Il n’y a rien de nouveau dans le diagnostic de Don Juan par Castaneda. L’humanité est dans un état tragique et anormal. Mais que propose-t-il pour sortir de cet état? Ressentir une autre réalité, se libérer un peu de nos limites. Et que se passe-t-il? Rien! L’homme reste un être tragique, ni racheté ni libéré. Il ne peut pas, comme le baron Munchausen, sortir du marais par les cheveux. L’apôtre Paul fait remarquer: Ni un autre ciel, ni une autre création, ni le monde spirituel, ni le septième ciel ne peuvent sauver l’homme, car l’homme n’est pas un être impersonnel qui n’a besoin que de paix et de tranquillité. Il est une personne vivante qui cherche une communion vivante avec Dieu. Un paysan communiste serbe a dit assez grossièrement: «Eh bien, où est Dieu, pour que je puisse le saisir par la gorge?» Est-il athée? Non, il n’est pas athée, mais il ressent vivement Dieu et se dispute avec Lui, comme Jacob. Bien sûr, c’est un scandale de la part de ce Serbe de parler ainsi, mais il ressent une vie vibrante. Et penser que le salut est dans une certaine félicité calme, dans le nirvana, dans la paix intérieure de la concentration et de la méditation ne conduit l’homme nulle part. Elle ferme même la possibilité de son salut, car l’homme est un être créé de la non-existence à l’existence et il est invité à la communion. Dans le Cantique de Salomon ou dans les Psaumes, nous voyons un dialogue existentiel entre Dieu et l’homme. Ils souffrent tous les deux. Dieu est désolé pour l’homme et l’homme aussi est désolé. Dostoïevsky a particulièrement clairement montré que lorsque l’homme se détourne de Dieu, il perd quelque chose de grand et de précieux. Une telle bévue, un échec à rencontrer Dieu, est toujours une tragédie. La tragédie est la conscience de perdre ce que nous aurions pu atteindre. Quand l’homme perd l’amour, quand il s’éloigne de Dieu, il le ressent tragiquement, parce qu’il a été créé pour l’amour. La repentance nous ramène à cet état normal, ou, du moins, au début du chemin normal. La repentance, comme le P. Justin (Popovic ) dit, c’est comme un tremblement de terre qui détruit tout ce qui semblait stable mais qui s’avère être faux, et puis il est nécessaire de changer tout ce qui était. Commence alors la création authentique et constante d’une personnalité, d’un homme nouveau. La repentance est impossible sans rencontrer Dieu. Par conséquent, Dieu sort à la rencontre de l’homme. Si la repentance était simplement un examen, une contrition ou une utilisation différente de notre énergie, ce serait un réalignement, mais pas un changement d’essence. Un homme malade, dit saint Cyrille d’Alexandrie, ne peut pas se guérir, mais a besoin de Dieu pour le guérir. Et quelle est sa maladie? La corruption de l’amour. Il ne devrait pas y avoir d’amour unilatéral. L’amour devrait au moins être à deux faces. Mais pour la plénitude de l’amour, en fait, vous avez besoin de trois: Dieu, l’autre et moi-même. Moi, Dieu et l’autre. L’autre, Dieu et moi. C’est la périchorèse, l’interpénétration de l’amour, le cycle de l’amour. C’est la vie éternelle. Dans la repentance, l’homme se sent malade et cherche Dieu. Par conséquent, la repentance a toujours un pouvoir régénérateur en elle-même. La repentance ne consiste pas seulement à se sentir désolé pour soi-même, à la dépression ou à un complexe d’infériorité, mais toujours la conscience et le sentiment que la communion est perdue et immédiatement la recherche et même le début de la restauration de cette communion. Le fils prodigue est revenu à lui-même et a dit: «Dans quel état je suis. Mais j’ai un père, et j’irai le voir!» S’il avait simplement réalisé qu’il était perdu, cela n’aurait pas été la repentance chrétienne. Mais il est allé voir son père! Selon la Sainte Écriture, on peut supposer que le père était déjà sorti à sa rencontre, que le père avait fait le premier pas, et cela se reflète dans l’impulsion du fils à revenir. Bien entendu, il n’est pas nécessaire d’analyser le premier ou le second: la réunion peut être double. Dans la repentance, Dieu et l’homme entrent tous deux dans l’activité de l’amour. L’amour cherche la communion. La repentance est le regret de l’amour perdu. Ce n’est que lorsque le repentir lui-même commence que l’homme en ressent le besoin. On pourrait penser qu’un homme aurait d’abord besoin de sentir qu’il a besoin de se repentir, que c’est le salut pour lui. Mais en fait, paradoxalement, il s’avère que lorsque l’homme expérimente déjà la repentance, alors il en ressent le besoin. Cela signifie que le cœur inconscient est plus profond que la conscience que Dieu donne à ceux qui veulent la repentance. Le Christ a dit: Que celui qui peut comprendre comprenne. Saint Grégoire le Théologien demande qui peut la recevoir. Et il répond: celui qui le veut. Bien sûr, la volonté n’est pas seulement une décision consciente, mais bien plus profonde. Dostoïevsky l’a également senti, et l’ascèse orthodoxe sait que la volonté est beaucoup plus profonde que l’esprit de l’homme; elle est enracinée dans le noyau de l’homme, qui s’appelle le cœur ou l’esprit. Comme dans le 50e Psaume: Crée en moi un cœur pur, ô Dieu, et renouvelle un esprit juste en moi. C’est un parallélisme: un cœur pur – un esprit juste; créer – renouveler; en moi – à l’intérieur de moi; c’est-à-dire qu’il ne fait que confirmer ce qui a déjà été dit dans la première partie en utilisant d’autres mots. Le cœur ou l’esprit – c’est l’essence de l’homme, la profondeur de la personnalité divine de l’homme. On peut même dire que l’amour et la liberté sont contenus au centre même, au cœur de l’homme. L’amour de Dieu a appelé l’homme à sortir de la non-existence. L’appel de Dieu a été réalisé et a reçu sa réponse. Mais cette réponse est personnelle! Autrement dit, l’homme est la réponse à l’appel divin. (À suivre) … Cette conférence a été donnée en 1988, avant la chute du communisme.
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Une parole de Saint Ephrem le Syrien
Le Grand Carême
Le Grand Carême
Saint Sophrony l’Athonite.
Je désire vous parler maintenant un peu du jeûne. Combien de fois n’avons-nous pas dit qu’il ne dépend que de nous d’introduire dans nos actions, dans nos paroles, tel ou tel sens. Comment et que pouvons-nous faire pour transformer ce « carême terrifiant » en « carême inspirant »?
Lorsque le moine va à la rencontre du grand Carême avec enthousiasme, celui-ci passe vraiment comme une période d’inspiration, de préparation pour recevoir la lumière de la Résurrection. Mais si l’homme est rempli de peur, il peut nuire à sa santé en jeûnant, et le jeûne sera pour lui un tourment.
Nous devons restaurer l’image de Dieu en nous.
Que chacun de vous arrête son esprit, son intelligence sur quelque image sainte qui puisse l’inspirer. Je vous mentionnerai quelques pensées qui me furent précieuses dans ce sens.
Qu’ai-je observé dans la vie du monde, du monde des hommes et, en général, du monde du règne animal?. Que seul l’homme est capable de se contrôler par l’abstinence lorsque de la nourriture se trouve devant lui. Arrêtez-vous sur cette pensée: seul l’homme, qui a reçu l’esprit comme image du Dieu éternel, est capable de créer du nouveau. Ainsi donc, si nous nous abstenons de nourriture ou de sommeil ou encore de quelque chose d’autre, tout cela contribuera à restaurer en nous ce qui appartient à l’image de Dieu. Purifier notre image de Dieu, obscurcie par le péché, – voilà l’effort qui nous attend. Lorsque nous aurons cette pensée, notre abstinence ne sera pas privée de sens. C’est là la grande tâche que notre vie monastique nous assigne: ressembler au Christ qui, en assumant la condition humaine, manifesta sa divinité.
Le Christ a jeûné pendant quarante jours au désert.
Durant les cinquante jours qui viennent, chacun de vous passera par des moments difficiles, mais alors nous nous souviendrons du Christ. En effet, le carême a été établi en mémoire du jeûne de quarante jours que le Seigneur fit au désert où Il était entouré d’animaux sauvages et où, à la fin, Il se laissa même approcher par le démon et parla avec lui.
Devenir semblable au Christ pour l’éternité.
Que pouvons-nous choisir du contenu de la vie du Christ, telle que nous la discernons d’après l’Évangile, les épîtres et la Tradition?. L’apôtre Paul, ce poète de génie, dit que nous devons avoir les mêmes pensées, les mêmes sentiments que le Christ (cf. Philippiens 2, 5).En quoi consiste ce mystère? – En ce que, si nous devenons semblables au Dieu incarné, cela passe jusque dans l’éternité d’avant la création du monde. Nous voulons dire que l’hypostase humaine doit se développer en nous, et contenir en elle la pensée du Christ.
Soyez vos propres créateurs.
Que faut-il avoir à l’esprit, pour ne pas être troublé par le caractère banal de beaucoup de nos activités liées au jeûne et, d’une manière générale, à l’ascèse du mode de vie monastique?. Il nous faut veiller à ce que le sens – je le répète – que nous avons vu en Christ soit aussi en nous.
Chez Jean le Théologien, l’Évangéliste, on peut lire une expression remarquable: « Nous savons que nous sommes les enfants de Dieu. Mais il ne nous a pas encore été révélé comment nous serons après notre sortie de ce monde. Nous savons cependant – dit-il – que, lorsque nous verrons comment Il est, nous pourrons devenir comme Lui, semblables à Lui » (cf 1 Jean 3, 2, citation approximative).
Par conséquent, je vous en prie, mes jeunes frères et sœurs, souvenez-vous de cela, et soyez vos propres créateurs, comme dit Saint Grégoire le Théologien qui exprime cette idée. Créateurs de tout, nous commençons par de petites choses, puis soudain, à partir de là, nous préparons notre esprit, notre être, à recevoir le Souffle divin incréé.
L’énergie qui nous ressuscitera.
Je vous ai dit que l’apôtre Paul était un poète, un théologien et un philosophe génial. Soyons donc ses imitateurs (cf 1 Corinthiens Il, 1) et ainsi nous serons tous les artisans de notre salut éternel en Dieu: « J’attends la résurrection des morts » (Credo). Souvenez-vous en: nous avons dit que, lorsque nous prononçons ces paroles de notre Symbole de foi, nous devons nous rappeler qu’elles manifestent l’état de l’esprit qui attend la venue du Christ. Et cette attente, qui est maintenant la nôtre:
« J’attends la résurrection des morts », est le résultat de notre création. C’est et ce sera l’énergie qui à coup sûr nous ressuscitera.
Nous devons devenir des poètes inspirés …
Oh!. comme je voudrais que vous deveniez tous des poètes!.
Sans inspiration créatrice, il est difficile de passer même un seul jour comme il convient à un chrétien.
Ainsi donc, en nous approchant de ce Carême, ouvrons nos cœurs et nos esprits à la Résurrection qui est devant nous, comme le Seigneur qui, avant de commencer sa prédication, jeûna quarante jours au désert, au milieu des animaux sauvages.
… mais aussi des lutteurs courageux
Ainsi aujourd’hui, j’ai dit quelques paroles pour fixer notre esprit sur l’exploit ascétique qui nous attend. Je veux encore ajouter à cela, qu’il faut être, non seulement poète, mais aussi un lutteur courageux. Le Seigneur a dit que le Royaume des cieux se conquiert par l’effort et l’ascèse, et que seuls ceux qui font des efforts sur eux-mêmes s’en emparent. (cf Matthieu Il, 12).
Lorsque nous vivons sur terre, notre expérience de la vie dans le corps montre qu’il nous faut régulièrement boire, manger, dormir, nous reposer, pour le remplir d’une nouvelle énergie biologique indispensable à la vie. Il en est de même sur le plan spirituel. Nous devons nourrir notre âme, notre intellect, et cela ne va pas sans efforts. Vous connaissez tous cette expression, souvent utilisée ironiquement: « Oh! il est dans les affres de la création! » On peut parler ainsi de tout artiste, dans chaque domaine de l’art.
Nous recevons la vie incréée de Dieu.
De cette manière, en commençant par ce qui est tout petit, nous devenons disponibles à la manifestation de Dieu en nous. Et notre foi, c’est que nous recevons réellement la vie incréée de Dieu. Lorsque nous imitons le Dieu incarné- je parle du Christ – cela passe ensuite également sur le plan de l’esprit, après notre mort. Si nous sommes semblables à Lui tel qu’Il était sur terre, nous Lui serons aussi semblables dans son éternité sans commencement.
Intellect et folie de la foi.
Voici, vous voyez quelles paroles nous prononçons: l’éternité sans commencement de Dieu nous sera communiquée! Une telle audace n’est-elle pas le signe de notre folie?. Mais voici que le génial Paul dit que c’est cette folie qui sauve le monde (cf. 1 Corinthiens 1, 21).
Ce que le Christ nous a promis, l’intellect humain ne le contient pas. Notre intellect terrestre peut être très doué pour la pensée ou l’activité scientifique, pour la philosophie ou pour bien d’autres disciplines, mais non pour croire en l’éternité. Par contre, même les enfants peuvent croire en l’éternité, comme l’a dit le Seigneur (cf. Matthieu 11, 25). Ainsi, vous le voyez, aujourd’hui aussi, c’est toujours le même élan vers notre Dieu céleste, toujours le même Esprit qui nous entraîne à suivre le Christ.
Haine de soi par amour de Dieu et du prochain.
Il y a quelque temps, j’ai entendu quelqu’un me dire: « Je suis fatigué de souffrir. Je ne veux plus souffrir. Je cherche le repos, la joie, le bonheur sur terre. Mon âme est dégoûtée de souffrir. » Bien que l’homme qui me disait cela fut orthodoxe, à vrai dire il ne pensait pas d’une manière orthodoxe. Pour devenir capables d’embrasser par notre amour toute la création, nous devons passer par bien des états douloureux et par beaucoup de souffrances. L’énergie pour supporter ces souffrances, nous la trouvons dans le commandement du Christ de se haïr soi-même par amour pour Dieu et même pour notre prochain (cf. Luc 14,26).
Le Christ souffrit par amour des hommes.
Voilà, je vous ai parlé de choses, à vrai dire, terribles. Vous m’avez entendu dire que, aux jours de sa vie de Dieu incarné sur terre, Jésus-Christ était l’unique homme qui, ayant donné le commandement de se haïr par amour pour Dieu et pour le prochain, monta sur le Golgotha, non pour se sauver Lui-même: Il alla au-devant de toutes les souffrances, plein d’amour pour sauver l’homme, l’humanité. Oh! Cette image de l’Homme!. Ceux qui ont expérimenté cette vision, évidemment, ne peuvent trouver nulle part ailleurs quelque chose de semblable.
Ce que le Seigneur nous a commandé, Il l’a accompli Lui-même. Par amour pour le prochain, Il s’est livré à toutes les souffrances. Non seulement à la mort, mais encore à une mort qui était ressentie comme une malédiction dans l’Ancien Testament:
« Maudit soit celui qui pend à un arbre » (cf Deutéronome 21, 23; Galates 3, 13).
Nous ne parvenons pas à la mesure que nous voyons en Christ.
Souvenez-vous du Jugement dernier.
Avant le début du Grand carême, nous aurons le service du Grand pardon au cours duquel, dans notre petit cercle, nous demanderons humblement pardon à nos frères et sœurs pour tout ce en quoi nous avons péché devant eux, même dans nos pensées.
Souvenez-vous alors aussi du Jugement dernier.
Passer du petit à l’infini.
Il est dit que le Seigneur viendra dans la gloire, et que, lorsqu’Il s’assiéra sur son trône, tous les peuples se rassembleront devant Lui, depuis la création de l’homme jusqu’au dernier à être né d’une femme. C’est-à-dire: détachez votre esprit des petites choses et transportez-le vers d’autres, illimitées, dont les premières sont néanmoins l’image. Voilà ce qui nous est demandé.
Au cinquième chapitre de Matthieu, on trouve beaucoup de paroles du Christ qui complètent la loi de Moïse. Il dit: « Il est écrit dans la Loi ceci et ceci, mais Moi, je vous dis cela et cela. » Chaque fois, à partir des commandements de l’Ancien Testament, Il passe au sens infini de chacun d’entre eux. Ainsi donc, moi aussi, j’essaie de vous proposer, en tant que votre frère, d’utiliser ce moyen dans le but de rendre notre vie féconde: à partir de petites choses, passez à ce qui est infini.
Référence :
Paroles à la communauté. Février 1994, N*18.
Posted by Holy Trinity Family – Douma
https://holytrinityfamily.blogspot.com/2021/03/le-grand-careme-saint-sophrony-lathonite.html
Une perspective orthodoxe de la femme chrétienne dans le monde et dans l’Eglise
UNE PERSPECTIVE ORTHODOXE DE LA FEMME CHRETIENNE DANS LE MONDE ET DANS L’EGLISE.
(Ce texte a été composé par une jeune femme du diocèse orthodoxe de Madagascar et des Mascareignes et publié le 6 mars 2015 sur ce site. Depuis cette époque elle s’est établie en Australie).
La société au sein de laquelle nous vivons aujourd’hui est structurée d’une façon telle qu’elle présente les femmes selon le point de vue de ce monde. Le rejet de l’idéal chrétien de la femme est directement lié au rejet du christianisme lui-même. Les conséquences évidentes de cette situation -qui est une conséquence de notre monde déchu- est le rabaissement et le dénigrement des idéaux chrétiens concernant les vertus et l’humilité ; par conséquent l’humanité s’éloigne davantage de ce que Dieu nous a assigné comme but, l’humanité s’emploie alors à atteindre ce but dans le mauvais sens ou pour les mauvaises raisons.
L’Eglise orthodoxe appelle les hommes et les femmes à se détourner des conceptions erronées portées par la société et à se tourner en vue de la déification et l’union avec Dieu par la grâce du Christ.
Examinons selon le point de vue orthodoxe le rôle de la femme dans l’Eglise, comme l’ont enseigné les Pères de l’Église ainsi que par l’exemple donné par une multitude de saintes femmes.
En tant que chrétiens orthodoxes notre objectif commun est que nous reflétions dans la société à la mesure de ce qui nous est possible, une image du Divin, de la sainteté. Dieu créa la femme en lui conférant deux puissants symboles de la sainteté – la pureté de la jeune fille et la fécondité de la maternité. Ces deux idéaux féminins de la pureté et de la fécondité élèvent et affinent l’humanité tout entière et sont glorieusement synthétisées dans la Mère de Dieu – la Nouvelle Eve, qui brille comme le diamant de la Création vers laquelle les femmes qui sont mariées ou non mariées centrent leurs vies.
Cela montre que l’âme féminine est tellement plus proche des sources de la création spirituelle que même des personnages masculins importants dans l’Église vont utiliser comme St. Paul l’image de la maternité dans son ministère : «Mes enfants, pour qui j’éprouve de nouveau les douleurs de l’enfantement, jusqu’à ce que Christ soit formé en vous» (Ga 4:19).
Plus la civilisation se sécularise et plus les femmes sentent qu’elles doivent se détacher de ce qui est vraiment féminin. Tandis que la société met de moins en moins l’accent sur la cellule familiale, en mutilant ainsi la vision de ce que Dieu voulait quand Il créa la femme – l’Eglise exalte la femme comme celle étant celle qui enfante, (l’Eglise) élève sa nature et souligne son rôle social unique et sacré.
Cela ne signifie pas cependant que l’Eglise réduit les femmes à être les seules à assurer l’éducation (des enfants) dans la famille et que c’est à elles seules à accomplir toutes les tâches domestiques. Il est clairement dit que Dieu a créé Eve pour Adam afin d’être une aide et une personne qui soit son semblable. (Ils se doivent) d’être deux personnes en communion pour s’entraider dans leur cheminement vers le salut.
Le divin Chrysostome parle en outre sur la nécessité du respect mutuel permanent entre les époux, l’amour et l’égalité des droits et des devoirs. Pour cela, la famille doit être sacro-sainte – ce qui signifie que les hommes et les femmes doivent veiller ensemble sur leur foyer. Cela n’est pas un dénigrement de l’homme ni de la femme, mais un appel à chacun en vue de buts spirituels.
Souvent, l’épître de saint Paul aux Ephésiens dans laquelle il demande aux femmes d’obéir à leurs maris est mal interprétée. » Or, de même que l’Eglise est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l’être à leurs maris en toutes choses. » (Eph. 5:24). Il n’y a rien ici qui suggère que la femme (doit être) opprimée dans le mariage pas plus que l’on pourrait décrire l’Eglise comme opprimée dans sa relation avec le Christ.
St. Augustin note également que la femme a été créée de manière à ce qu’elle ne soit pas supérieure à l’homme, ni non plus à être son esclave. Le saint dans son exposé montre que Dieu n’a pas créé la femme à partir des os de la tête de l’homme ni des os du pied de l’homme, mais à partir des os de son côté soulignant ainsi l’égalité de l’homme et de la femme devant Dieu.
La femme du point de vue orthodoxe n’est donc pas subordonnée à l’homme. Quand une femme adopte avec amour tous les aspects de la vie de famille dans le cadre d’une vie en l’Église, ce qui entraîne une vie spirituellement enrichissante aussi bien à l’intérieur de sa famille que dans la société, alors elle peut transformer son foyer en havre de vertu chrétienne. C’est cette sorte de femme qui existe dans l’Eglise et qui constitue « le sel et le levain de la piété » (Matt 5:13) et (Gal 5: 9).
Il faut mentionner que la tradition chrétienne morale n’a jamais interdit aux femmes de travailler dans le monde et à l’extérieur de la maison. Beaucoup de femmes aujourd’hui n’ont pas d’autre choix que de travailler pour elles-mêmes et pour leurs familles. En fait, nous avons de nombreux exemples de femmes saintes qui ont effectué toutes sortes de travaux : elles s’occupaient des malades et de ceux qui sont dans la misère (Ste.Philothée), ont construit et monastères (Sainte-Hélène), ont gouverné des pays (Ste.Theodora l’Impératrice) et ont évangélisé des peuples (Ste.Nina).
L’idéal chrétien ne disparaît pas parce que les femmes travaillent, soit à la suite d’un appel spécial (ou d’un talent) que Dieu leur a donné, ou par nécessité. L’idéal est perdu lorsque nous évitons d’avoir des enfants afin de privilégier la carrière professionnelle, ou bien lorsque l’on place son intérêt propre au-dessus du sens du service et lorsque l’on préfère ce qui est du monde à ce qui est de Dieu.
Voyons maintenant la position de l’Eglise sur la femme et son ministère dans l’Église. Nous voyons que l’église primitive a nommé des diaconesses pour le service, en particulier dans l’administration des sacrements aux femmes et aux filles et afin de les préparer au baptême. Ste. Phoebe était l’une des premières à être nommée comme diaconesse et elle offrit de l’aide pour les femmes dans les lieux où les hommes n’étaient pas autorisés (par exemple, les prisons, les hospices pour les femmes, les maisons isolées pour les femmes malades ou âgées). Nous ne devons pas oublier que l’église primitive était sous la domination romaine et était soumise à la loi de l’Empire qui interdisait à tout homme sous aucun prétexte d’entrer dans une maison où vivaient des femmes célibataires. Il y avait donc un besoin évident de femmes pieuses célibataires ou de veuves pieuses pour remplir les fonctions de diaconesse dans l’Église.
Evidemment de telles circonstances et besoins n’existent plus aujourd’hui dans l’Église et d’ailleurs la consécration des diaconesses a cessé après le 11ème siècle.
Aujourd’hui, les femmes sont appelées à servir dans tous les domaines de la pastorale de l’église à l’exception du sacerdoce ordonné. Ce rôle n’est pas un droit donné aux hommes, mais il consiste en une vocation spécifique accordée seulement à une petite minorité d’hommes. L’ordination des hommes uniquement n’amoindrit en rien les femmes et n’en fait pas d’elles comme des hérétiques ainsi certains pourraient penser. Ceci est clairement démontré lors de la rencontre bénie du Starets Zossime (un prêtre) avec notre mère merveilleuse Ste. Marie l’Egyptienne [célébrée le 5ème dimanche du Grand Carême] dans le désert. C’est le Starets Zossime qui se prosterna devant la sainte et lui demanda sa bénédiction !
L’Eglise orthodoxe proclame qu’il y a un ministère que tous doivent faire, puisque nous faisons tous partie du «sacerdoce royal» (1 Pierre 2: 9). Dans l’église des femmes sont devenues des saintes et ont donné naissance à des saints. Des femmes sont devenues des martyrs pour la foi, des femmes sont devenues de grands enseignants (Sainte Mélanie a enseigné contre l’hérésie nestorienne) ; des femmes sont devenues missionnaires – et certaines ont été déclarées égales aux apôtres – et des femmes ont conservé la pureté (pureté dont il a été question au début) dans la vie monastique et ont offert la direction spirituelle dans le monastère au sein de la communauté que d’autres ont rejoint.
Aujourd’hui, l’Eglise orthodoxe continue à appeler les femmes à servir l’église chacune selon ses possibilités. L’Eglise appelle les femmes à être des enseignantes fidèles la foi, des presbytes (épouses du prêtre) exemplaires, des moniales pieuses, des mères responsables et des marraines, afin d’encourager d’autres dont les talents ne sont pas utilisés afin qu’elles deviennent (à leur tour) des membres actifs de l’Eglise en se mettant au service de la mission sociale de la paroisse de l’éducation, le soin des malades, la charité, l’administration et de l’évangélisation.
En conclusion, en tant que chrétiens orthodoxes, nous affirmons que la masculinité et la féminité ne sont pas interchangeables. Chaque membre du Corps du Christ est de la même façon appelé à vivre la vie chrétienne dans l’Église aussi pleinement que possible. Chacun a son rôle – et ces rôles dans certains cas sont différents, mais ils ne modifient pas notre valeur aux yeux de Dieu. Que nous autres, les hommes et les femmes chrétiens orthodoxes, nous nous efforcions d’atteindre le plus haut degré des vertus humaines – à l’exemple de la vie de la Toute Sainte la Mère de Dieu – et que nous cherchions à accomplir dans l’humilité et l’obéissance comme elle le faisait, les rôles que Dieu réserve de façon unique à chacun de nous tous.
M.K.