L’impassibilité prématurée est dangereuse.
Portons notre attention sur une autre loi importante de la vie spirituelle. Elle consiste dans « la similarité de l’interconnexion des vertus et des vices » ou, pour le dire autrement, dans la loi de conséquence et de conditionnement mutuel de l’acquisition des vertus aussi bien que de l’action des passions. Saint Ignace écrit : « À cause de cette relation semblable, la soumission volontaire à une bonne pensée conduit à la soumission naturelle à une autre bonne pensée ; l’acquisition d’une vertu amène une autre vertu dans l’âme qui est semblable à la première et inséparable de celle-ci. L’inverse est également vrai : la soumission volontaire à une pensée pécheresse entraîne involontairement la soumission à une autre ; l’acquisition d’une passion pécheresse entraîne une autre passion qui lui est liée dans l’âme ; commettre volontairement un péché entraîne la chute involontaire dans un autre péché né du premier. Le mal, comme disent les pères, ne peut supporter d’habiter comme un célibataire dans le cœur ». C’est un sérieux avertissement ! Combien de fois les chrétiens, ne connaissant pas cette loi, considèrent-ils avec insouciance les péchés dits « mineurs », les commettant volontairement, c’est-à-dire sans y être forcés par la passion. Et puis ils sont perplexes quand, douloureusement et désespérément, comme des esclaves, ils tombent involontairement dans des péchés graves qui conduisent à de grands chagrins et tragédies dans la vie. Jusqu’à quel point il est nécessaire dans la vie spirituelle d’observer strictement la loi de conséquence est montré par les paroles suivantes d’un maître de vie spirituelle des plus expérimentés, saint Isaac le Syrien (Homélie 72), et citées par saint Ignace : « C’est la bonne volonté du Seigneur le plus sage que nous récoltions notre pain spirituel à la sueur de notre front. Il a établi cette loi non pas par colère, mais plutôt pour que nous ne souffrions pas d’indigestion et que nous ne mourrions pas. Chaque vertu est la mère de celle qui la suit. Si vous quittez la mère qui enfante la vertu et cherchez sa fille, sans avoir d’abord acquis la mère, alors ces vertus deviennent comme des vipères dans l’âme. Si vous ne les repoussez pas, vous mourrez bientôt ». Saint Ignace avertit sévèrement à ce propos : « L’impassibilité avant l’heure est dangereuse ! Il est dangereux de jouir de la grâce divine avant l’heure ! Les dons surnaturels peuvent détruire l’ascète qui n’a pas appris sa propre infirmité » . Ce sont des paroles remarquables ! Pour quelqu’un qui est spirituellement inexpérimenté, la seule pensée qu’une vertu puisse être acquise avant l’heure, mortelle pour l’âme, « comme une vipère », semblerait étrange et presque blasphématoire. Mais telle est la réalité même de la vie spirituelle ; telle est l’une de ses lois les plus strictes, révélée par la vaste expérience des saints. Dans le cinquième volume de ses Œuvres, que saint Ignace intitula « Une offrande au monachisme contemporain », au dixième chapitre intitulé « De la prudence dans la lecture des livres sur la vie monastique », il déclare ouvertement : « L’ange déchu s’efforce de tromper les moines et de les attirer à la perdition, en leur offrant non seulement le péché sous ses diverses formes, mais aussi de hautes vertus qui ne leur sont pas naturelles ».
( A suivre )
Source: https://pravoslavie.ru/53476.html