HOMELIE POUR LE DIMANCHE DU PUBLICAIN ET DU PHARISIEN P. Jean – La Réunion- 5 février 2012
Ce dimanche du publicain et du pharisien marque l’entrée dans le temps du Triode du Carême qui comprend trois dimanches préparatoires suivis du Grand Carême et de la Semaine Sainte.
A partir d’aujourd’hui il y a un chant des matines qui donne la tonalité générale de toute cette période : « Ouvre-moi les portes du repentir, Toi qui donne la vie ».
Le repentir avec l’humilité est un thème qui va nous occuper pendant les soixante-dix jours qui nous conduisent jusqu’à Pâques.
Le repentir est une attitude fondamentale, une dimension permanente de la vie spirituelle. L’Evangile nous donne aujourd’hui le contre-exemple du pharisien orgueilleux et l’exemple de l’attitude du publicain.
Le pharisien traditionnellement considéré par les autres comme une personne religieuse est tourné vers lui-même, il n’a pas besoin de Dieu. Il se justifie lui-même en déroulant la liste de ses œuvres et il méprise son voisin. Son attitude au sujet de lui-même est très égoïste et égocentrique, même en position debout dans le temple de Dieu. Au lieu de prier, il commença à énumérer toutes ses vertus inexistantes. Il s’est levé et a commencé sa conversation avec Dieu comme d’égal à égal, comparant les vertus humaines avec la vertu de Dieu.
Malheureusement la société d’aujourd’hui offre une surabondance de ce type de personne, et l’Eglise a plus que sa part. Pour ces personnes, le cri qui secoue les fondements mêmes de l’Eglise, la prière du publicain ; « Dieu, aie pitié de moi pêcheur », a très peu de signification. Selon Saint Jean Chrysostome, l’orgueilleux est capable de commettre le mal. Pourquoi ? Parce-que la fierté amène l’homme loin de Dieu à une distance très grande. L’orgueilleux élève ses capacités à tort en exagérant leur vraie valeur. Un homme fier ignore l’opinion de ses semblables. Et ce qu’il y a de plus terrible, est qu’il assimile la majesté et la puissance de Dieu selon ses propres normes erronées.
Socrate appelait les orgueilleux et ceux qui se vantent eux-mêmes « peaux stupides et gonflées » ; « les peaux sont gonflées par l’air, et l’homme insensé par l’orgueil ». Le philosophe moraliste Diogène écrit : « Que l’homme pris au piège de la passion de l’orgueil devient esclave de l’orgueil ». C’est exactement ce qui s’est abattu sur le pharisien dans le temple de Dieu. Il ne remercie pas Dieu pour sa santé ou sa fortune mais pour ne pas être comme les autres gens qui sont « injustes et adultères ». Il est étonnant que le pharisien trouve le temple de Dieu comme le lieu approprié pour accuser les autres !
Le contraire de l’orgueil est l’humilité, c’est-à-dire ne pas s’exalter soi-même au-dessus des autres. Quelle est l’humilité acceptée par Dieu ? Ce n’est pas l’humilité du bout des lèvres mais un sentiment interne et une prise de conscience.
Le publicain, qui, en raison de son travail, a été méprisé comme étant une personne très pécheresse, sait qu’il n’a rien de bon à présenter. Il n’a que Dieu vers qui se tourner. Il ne peut compter que sur la miséricorde de Dieu pour vivre. Il n’a que cette prière : « O Dieu, aie pitié de moi pêcheur ».
Dans le même état d’esprit, nous avons cette prière de Saint Macaire dans les prières du matin : « Mon Dieu, purifie-moi pécheur car je n’ai jamais fait le bien devant Toi ». Certains penseront que c’est exagéré de dire que nous n’avons jamais fait le bien : nous ne prenons pas le plaisir à faire le mal et nous nous efforçons à faire ce qui est bien à nos yeux ! A nos yeux peut-être, mais sous le regard de Dieu, comment ? Lorsque nous acceptons de dire humblement cette prière devant Dieu, nous nous rendons compte que nous n’avons pas de quoi nous glorifier et que nos œuvres ne pèsent pas lourds devant la miséricorde de Dieu.
Cependant le repentir ne consiste pas à se décourager. C’est le contraire du découragement. Le repentir nous est donné pour nous relever. Ecoutons en effet ce que disent nos prières :
« C’est Toi le Seigneur très haut, compatissant, longanime et plein de miséricorde, qui regrette les iniquités des hommes ; Toi qui dans l’abondance de Ta bonté, Seigneur, a promis le repentir et le pardon à ceux qui auraient péché devant Toi, et qui ,dans l’abondance de Ta compassion, as établi pour les pécheurs le repentir en vue du salut… » (Prière de Manassé, Grandes Complies).
« Tu ne méprises pas le pécheur, mais Tu as établi le repentir pour le salut » (Prière du Trisagion dite par le prêtre durant la Divine Liturgie).
« Toi qui, par Ta résurrection vivifiante au troisième jour, as relevé notre ancêtre déchu, relève-moi, moi qui ai succombé au péché en m’offrant les moyens de me repentir » (Prière avant la communion de Syméon Métaphraste).
Le repentir ne consiste pas à de plaindre et à gémir sur son sort. C’est une conversion : repentir et conversion sont le même mot en grec, métanoïa, qui signifie se tourner non pas vers soi-même mais vers Dieu. Apprendre à se confesser, à dire son péché, c’est se tourner vers Dieu et non vers son propre échec. Car qu’est-ce qui est en échec, qu’est-ce qui est blessé, sinon l’égo ? Lorsqu’on souffre de ne pas être à la hauteur, de ne pas être capable de faire en sorte que tout aille bien, c’est encore l’orgueil qui parle, même blessé. Il y a l’orgueil du pharisien qui se vante de ses réussites, mais il y a aussi l’orgueil blessé de l’amertume, voire de la jalousie.
L’attitude à cultiver est celle de se tourner vers Dieu en disant : non pas moi mais Toi. Mes réussites, mes échecs, cela n’a finalement pas beaucoup d’importance. C’est une indication pour avancer, et éventuellement changer de direction, mais non décisif en ce qui concerne le jugement. Car c’est la Parole de Dieu, la miséricorde de Dieu, l’amour de Dieu qui forment le critère décisif.
Le repentir ne signifie pas non plus l’attristement : « rends-moi la joie de Ton salut » dit le roi David dans le psaume de la repentance (Ps.50 ;14). « Il y a de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent » dit le Seigneur (Luc 15 ;10). Et Saint Paul ne cesse de répéter : « Réjouissez-vous dans le Seigneur ».
Chers frères et sœurs dans le Christ, nous ne prétendons pas offrir toutes les réponses aux problèmes soulevés dans la parabole d’aujourd’hui impliquant deux hommes. Cependant, nous ne répétons et soulignons que l’urgente parole de notre Seigneur soit toujours dans nos cœurs et nos esprits comme la seule norme à maintenir un équilibre semblable au Christ en ce qui concerne l’humilité et l’orgueil : « Car tous ceux qui s’élèvent seront abaissés et ceux qui s’abaissent seront élevés ».
Amen.