Entretien avec l’Archimandrite Elisée, higoumène de Simonopetra (mont Athos).
Question : Un sujet de préoccupation majeur et qui concerne les membres de notre Eglise qui désirent vivre une vie spirituelle profonde aussi bien ici que dans le monde est le suivant : jusqu’à quel degré l’Eglise est capable d’attirer les gens ? Durant les trois dernières décennies les conditions de vie ont changé de plus en plus vite, aussi bien sur le plan matériel que sur le plan des idées, y a-t-il donc un moyen d’attirer les gens vers la vie religieuse ou vers l’Eglise ou bien c’est devenu difficile ? D’autant plus que les changements que nous vivons affectent aussi bien la société que nos vies personnelles.
Réponse : Cela a toujours été difficile. Si on regarde l’Histoire, si on se reporte aux sources historiques ou à une période déterminée nous constaterons que ce problème a toujours existé. Il n’est pas possible d’arrêter les transformations qui se déroulent ou même de les annuler comme on ne peut empêcher le désir d’augmenter les connaissances et de découvrir de nouvelles techniques qui peuvent servir les gens. En un mot, nous ne pouvons retourner en arrière et nous devons aller de l’avant. C’est pourquoi nous devons envisager ces transformations d’un autre point de vue et les considérer comme étant positives pour nos sociétés.
L’Eglise peut employer les technologies modernes pour attirer les gens. En tant qu’Eglise nous pouvons nous interroger : où rassembler les gens ? Comment leur parler ? Quel vocabulaire utiliser ? Que proposer comme exemples ou images ? Même le Christ a utilisé des images (les paraboles)… Nous avons à notre disposition beaucoup de méthodes modernes qu’il est possible d’utiliser mais cela n’est pas la raison essentielle qui amène les gens vers l’Eglise. Une personne vient vers l’Eglise lorsqu’elle a le désir de se connaître elle-même. La question n’est donc pas d’avoir des religieux ou des fidèles mais elle est de savoir si la personne a le désir de se connaître elle-même.
L’Eglise peut avoir une structure institutionnelle mais là n’est pas sa nature essentielle. L’Eglise est le corps du Christ qui appelle l’homme à acquérir la connaissance véritable. Mais est-ce que l’homme a en lui le désir de connaître la vérité ? C’est cela que l’Eglise peut offrir et qui se résume en deux choses : la Vie et la victoire sur la mort. Lorsqu’un homme est intéressé par ces deux choses il n’a plus rien besoin d’autre car c’est cela qui est essentiel.
L’Eglise échoue lorsqu’elle veut devenir une institution de ce monde et elle a toujours échoué lorsqu’elle a voulu s’imposer et se présenter comme une institution dynamique. L’Eglise est l’icône du monde à venir. Il ne peut en être autrement. En d’autres termes l’Eglise nous renseigne sur les réalités dernières et non sur celles de ce monde. Ce qui se passe dans le monde, les gens le savent beaucoup mieux que l’Eglise ou ce que nous en savons nous-mêmes. Voilà ce que nous pouvons dire : « Est-ce que vous désirez que nous vous montrions les réalités du monde invisible ? Nous partagerons avec vous (ce que nous savons) » Qu’est-ce que le monachisme ? Le monachisme est un flambeau qui éclaire le monde et qui annonce aux gens que la Lumière existe, voyez, cela est la Lumière ! De quelle lumière s’agit-il ? C’est la lumière de la communion entre l’homme et Dieu, c’est apprendre comment communiquer avec Dieu ; comment s’unir à Lui, comment Le comprendre et Le goûter.
Lorsque l’Eglise parle en vérité de ces choses, vous verrez les églises se remplir de fidèles. Bien entendu, on peut pour cela employer des technologies mais là n’est pas l’essentiel.
Il n’est pas rare que l’emploi des technologies modernes ait échoué ; cela est arrivé à certaines églises. Ces églises n’ont pas réussi car elles n’ont pas parlé des choses dernières. Nous, nous mettons l’accent sur l’élévation de l’homme vers Dieu et sur l’abaissement de Dieu vers l’homme. Bien sûr nous parlons également de la vie présente et des moyens pour l’améliorer, sur le moyen de ressentir le calme, le repos et l’abondance de Vie et cela dans ce monde. Mais en même temps nous proclamons : n’ayez pas peur de la mort, l’homme doit se réconcilier avec la mort, la mort n’est qu’un passage. Ces questions ne subissent de changement dans l’Eglise, et lorsque nous en parlons de façon sérieuse en connaissance de cause (c’est-à-dire par expérience), alors ce ne sont plus uniquement des paroles creuses, et l’Eglise peut à ce moment attirer les gens, mais de quels gens s’agit-il ? Uniquement de ceux qui ont le désir (de chercher).
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