Sur la capacité de l’Eglise à attirer les gens

 

Entretien avec l’Archimandrite Elisée, higoumène de Simonopetra (mont Athos).

 

Question : Un sujet de préoccupation majeur et qui concerne les membres de notre Eglise qui désirent vivre une vie spirituelle profonde aussi bien ici que dans le monde est le suivant : jusqu’à quel degré l’Eglise est capable d’attirer les gens ? Durant les trois dernières décennies les conditions de vie ont changé de plus en plus vite, aussi bien sur le plan matériel que sur le plan des idées, y a-t-il donc un moyen d’attirer les gens vers la vie religieuse ou vers l’Eglise ou bien c’est devenu difficile ? D’autant plus que les changements que nous vivons affectent aussi bien la société que nos vies personnelles.

 

Réponse : Cela a toujours été difficile. Si on regarde l’Histoire, si on se reporte aux sources historiques ou à une période déterminée nous constaterons que ce problème a toujours existé. Il n’est pas possible d’arrêter les transformations qui se déroulent ou même de les annuler comme on ne peut empêcher le désir d’augmenter les connaissances et de découvrir de nouvelles techniques qui peuvent servir les gens. En un mot, nous ne pouvons retourner en arrière et nous devons aller de l’avant. C’est pourquoi nous devons envisager ces transformations d’un autre point de vue et les considérer comme étant positives pour nos sociétés.

L’Eglise peut employer les technologies modernes pour attirer les gens. En tant qu’Eglise nous pouvons nous interroger : où rassembler les gens ? Comment leur parler ? Quel vocabulaire utiliser ? Que proposer comme exemples ou images ? Même le Christ a utilisé des images (les paraboles)… Nous avons à notre disposition beaucoup de méthodes modernes qu’il est possible d’utiliser mais cela n’est pas la raison essentielle qui amène les gens vers l’Eglise. Une personne vient vers l’Eglise lorsqu’elle a le désir de se connaître elle-même. La question n’est donc pas d’avoir des religieux ou des fidèles mais elle est de savoir si la personne a le désir de se connaître elle-même.

L’Eglise peut avoir une structure institutionnelle mais là n’est pas sa nature essentielle. L’Eglise est le corps du Christ qui appelle l’homme à acquérir la connaissance véritable. Mais est-ce que l’homme a en lui le désir de connaître la vérité ? C’est cela que l’Eglise peut offrir et qui se résume en deux choses : la Vie et la victoire sur la mort. Lorsqu’un homme est intéressé par ces deux choses il n’a plus rien besoin d’autre car c’est cela qui est essentiel.

L’Eglise échoue lorsqu’elle veut devenir une institution de ce monde et elle a toujours échoué lorsqu’elle a voulu s’imposer et se présenter comme une institution dynamique. L’Eglise est l’icône du monde à venir. Il ne peut en être autrement. En d’autres termes l’Eglise nous renseigne sur les réalités dernières et non sur celles de ce monde. Ce qui se passe dans le monde, les gens le savent beaucoup mieux que l’Eglise ou ce que nous en savons nous-mêmes. Voilà ce que nous pouvons dire : « Est-ce que vous désirez que nous vous montrions les réalités du monde invisible ? Nous partagerons avec vous  (ce que nous savons)  » Qu’est-ce que le monachisme ? Le monachisme est un flambeau qui éclaire le monde et qui annonce aux gens que la Lumière existe, voyez, cela est la Lumière ! De quelle lumière s’agit-il ? C’est la lumière de la communion entre l’homme et Dieu, c’est apprendre comment communiquer avec Dieu ; comment s’unir à Lui, comment Le comprendre et Le goûter.

Lorsque l’Eglise parle en vérité de ces choses, vous verrez les églises se remplir de fidèles. Bien entendu, on peut pour cela employer des technologies mais là n’est pas l’essentiel.

Il n’est pas rare que l’emploi des technologies modernes ait échoué ; cela est arrivé à certaines églises. Ces églises n’ont pas réussi car elles n’ont pas parlé des choses dernières. Nous, nous mettons l’accent sur l’élévation de l’homme vers Dieu et sur l’abaissement de Dieu vers l’homme. Bien sûr nous parlons également de la vie présente et des moyens pour l’améliorer, sur le moyen de ressentir le calme, le repos et l’abondance de Vie et cela dans ce monde. Mais en même temps nous proclamons : n’ayez pas peur de la mort, l’homme doit se réconcilier avec la mort, la mort n’est qu’un passage. Ces questions ne subissent de changement dans l’Eglise, et lorsque nous en parlons de façon sérieuse en connaissance de cause (c’est-à-dire par expérience), alors ce ne sont plus uniquement des paroles creuses, et l’Eglise peut à ce moment attirer les gens, mais de quels gens s’agit-il ? Uniquement de ceux qui ont le désir (de chercher).

http://www.alboushra.org/news/2697/

http://www.pemptousia.gr/2015/12/i-anodos-tou-anthropou-pros-ton-theo-ke-i-kathodos-tou-theou-ston-anthropo/

 

 

Début du Triode de Carême

 

Source: http://orthodoxologie.blogspot.com/

AU SUJET DU TYPICON ET DU TRIODE DE CARÊME

Aujourd’hui (dimanche 21 février 2016) commence le cycle des fêtes mobiles, le Triode commençant le dimanche du Pharisien et du Publicain et s’achevant avec la Semaine de la Passion. Ce cycle tire son nom d’un livre liturgique, le « Triode », appelé ainsi en raison de certains canons des matines qui s’y trouvent et ne contiennent que trois odes, tandis qu’habituellement celles-ci sont au nombre de neuf. Le ton général du Triode dit « de carême » est celui de la prière unie à la pénitence. Le Triode contient des compositions appartenant à une vingtaine d’hymnographes, dont les plus célèbres remontent aux VIIIème et IXème siècle : André de Crète, Cosmas de Maïouma, Jean Damascène, Joseph, Théodore et Syméon les Studites, l’empereur Léon le Sage, Théophane le Marqué, et d’autres encore. Leurs préceptes, exprimés dans les offices, enseignent aux chrétiens orthodoxes depuis plus de mille ans de quelle manière il convient de passer le temps du Grand Carême.

La préparation du Grand Carême commence peu après la Théophanie, parce que Notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même,  après Son baptême, s’éloigna dans le désert pour jeûner. Par cette préparation, la sainte Église, agit dans ses offices « comme un général qui, par des paroles opportunes et sages, encourage ses soldats avant le combat » (synaxaire du jour). Pour cette raison, elle montre en ce jour que l’humilité est le commencement et le fondement du repentir : « Par l’élévation (de soi-même) tout bien se vide, par l’humilité tout mal est purifié » (canon des matines). Au cours de la semaine du Publicain et du Pharisien, il est permis de manger toute nourriture, même le mercredi et le vendredi, afin de dénoncer l’orgueil du Pharisien, qui se vantait de jeûner deux fois par semaine.  Selon les paroles du saint hiérarque Athanase de Kovrov (†1962), « les offices et les règles de prières n’ont pas été créés par hasard ou n’importe comment. Tous ces offices, tout ce qui se trouve dans le Typicon [livre contenant les règles de célébration de l’office] et les livres liturgiques, est, pour la plupart, le fruit des labeurs dans la prière des meilleurs enfants de l’Église, les grands saints de Dieu. Ceux-ci consacraient toute leur vie à la prière incessante, brûlaient de l’aspiration pour le monde céleste. Ils« préféraient la rudesse du désert à toutes les douceurs du monde entier » (kondakion de St Gérasime) et, s’éloignant complètement des hommes, devenus habitants du désert, ils « affermirent l’univers par leurs prières » (tropaire de S. Antoine le Grand), et, lorsqu’ils « chantaient les saintes prières, ils avaient pour concélébrants les anges » (tropaire de St Spyridon). L’Église a reçu et conservé ces paroles sacrées, dans lesquelles ils épanchaient leur âme devant Dieu. La Sainte Église, guidée par l’Esprit Saint a, dans la richesse de l’expérience de prière de ses meilleurs fils, rassemblée de cette façon, choisi ce qu’il y avait de meilleur, de plus nécessaire, puis l’a systématisé, corrigé ce qui était inachevé, et a ajusté le tout en une unité harmonieuse. C’est ainsi que s’est constitué le Typicon que les anciens écrivains russes appelaient non sans raison « un livre inspiré ».

http://orthodoxologie.blogspot.com/

Evangile du Dimanche du Pharisien et du Publicain: Luc 18 10:14 (Bible du Semeur)

10 —Deux hommes montèrent au Temple pour prier: un pharisien et un collecteur d’impôts.

11 Le pharisien, debout, faisait intérieurement cette prière[a]:
    «O Dieu, je te remercie de ne pas être avare, malhonnête et adultère comme les autres hommes, et en particulier comme ce collecteur d’impôts là-bas.

12 Moi, je jeûne deux jours par semaine, je donne dix pour cent de tous mes revenus.»

13 Le collecteur d’impôts se tenait dans un coin retiré, et n’osait même pas lever les yeux au ciel. Mais il se frappait la poitrine et murmurait:
«O Dieu, aie pitié du pécheur que je suis!»

14 Je vous l’assure, c’est ce dernier et non pas l’autre qui est rentré chez lui déclaré juste par Dieu. Car celui qui s’élève sera abaissé; celui qui s’abaisse sera élevé.

La seule chose que le progrès ne peut faire

La seule chose que le progrès ne peut réaliser

Source : http://blogs.ancientfaith.com/glory2godforallthings/2016/02/06/the-one-thing-progress-cannot-do/

Fr. Stephen Freeman

Il est courant chez les orthodoxes d’identifier la prière avec la «seule chose nécessaire» dont le Christ parle dans Luc10. On insiste sur la prière comme communion avec Dieu – et la communion avec Dieu est la source même de notre vie. Je vais développer le sens de l’expression «une seule chose est nécessaire» et inclure «l’état d’’esprit» indispensable à sa mise en pratique. Ensuite, comme nous le verrons, cela est remarquablement en contradiction avec les habitudes de notre culture. La prière est devenue peut-être la plus difficile de toutes les activités spirituelles.

Il y a un côté très populaire dans l’enseignement sur la prière qui résonne bien avec la culture contemporaine. C’est la prière qui « obtient des résultats. » Chaque quelques années, un nouveau livre arrive sur le marché, offrant une nouvelle prière avec des résultats merveilleux et prometteurs… Mais même au sein de la Tradition catholique, différents groupes préconisent certaines prières ou des pratiques spirituelles avec des promesses de grands résultats. Au sein de l’orthodoxie, certains saints ont une grande popularité en raison de leur association avec la prière réussie. Je note ces derniers exemples seulement pour dire que « obtenir des résultats » a toujours attiré les gens de tous bords.

Presque humoristiques sont les expériences occasionnelles comme prier en groupe, ou de prier d’une manière particulière, et qui auraient un effet statistique sur les résultats. Les « une » des journaux s’interrogent : «Est-ce que la prière fonctionne ? » Et, bien sûr, il y a les fréquents appels à la prière à travers un large spectre avec le message implicite que plus il y a des gens qui prient et plus une chose donnée est susceptible d’être obtenue. Ceci est la prière par la démocratie.

Mon expérience me dit que cela n’est tout simplement pas vrai. Ces prières sont souvent un peu plus « que des vœux pieux. » On dit parfois dans les messages « Nous prions pour vous ! » .Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ?

Saint Paul inclut souvent des demandes de prière dans ses lettres. Il y a des années, un « supporter » de Jésus m’a dit qu’il priait pour St. Paul -. Surpris, je lui ai demandé pourquoi ? « Eh bien, c’est dans la Bible, donc je pense que je ferais ce qu’il a demandé. » J’ai aimé sa réponse. Mais ce qui manque dans les Ecritures est une indication que la prière « fonctionnerait » d’une manière qui serait plus efficace si elle est entreprise par de grands groupes de personnes. « Deux ou trois » constitue à peu près de la limite supérieure.

Le mystère de la prière exaucée est grand. Ce qui semble plus vrai, dans l’expérience de l’Église à travers les siècles, est que les prières de certains individus semblent très efficaces, et que ce mystère est également lié à ce que nous entendons lorsque nous appelons quelqu’un un « saint ». Et c’est l’état d’esprit de ces saints qui retient mon intérêt à ce stade.

Saint Paul dit : «Ayez cet esprit parmi vous», puis il décrit l’anéantissement (la kénose) du Christ sur la Croix (Philippiens 2: 5-11). Cette « kénose» est le marqueur de la sainteté et elle se situe au cœur de ce que nous appelons « l’humilité. » C’est le cœur humble qui plaît à Dieu, nous dit-on, alors que Dieu « résiste aux orgueilleux» (Jacques 4 : 6). Et c’est à ce niveau particulier que la modernité et sa dynamique de progrès sont mis à nu.

« Je veux être un homme meilleur, » résonne comme les mots du cœur d’un saint. Mais le contraire est vrai. Saint-Paul a été un tel « homme meilleur » quand il était le pharisien que lui-même a décrit plus tard comme «irréprochable». Ce pharisien irréprochable, étrangement, s’était fait de lui-même l’ennemi de Dieu.

C’est le même saint Paul qui écrit avec une telle éloquence et se soucie de notre faiblesse et du péché. J’avais écrit précédemment que nous ne sommes sauvés que dans notre faiblesse. Le Christ n’est pas venu pour sauver les justes mais seulement les pécheurs. De la même façon, nous ne sommes pas sauvés grâce à notre excellence, ni à notre maîtrise de la vie. Ceux qui imaginent leur vie comme une dynamique pour le progrès et l’excellence risquent de se faire des ennemis de Dieu. Heureusement, la plupart d’entre nous sont incapables d’être excellent, mais notre échec souvent conduit au désespoir plutôt que vers Dieu.

On enregistre un certain nombre d’exemples dans les évangiles de personnes qui sont venues à Jésus et qui ont été refusées. Par exemple l’homme qui est venu à Christ et qui voulait que Jésus intervienne auprès de son frère pour partager l’héritage a été simplement repoussé (Luc 12:13). De la même façon, le Christ refuse de répondre aux questions de ceux qui ne cherchent qu’à le prendre au piège de ses propres paroles.

St. Jacques présente un bref commentaire sur ces refus :

Vous convoitez, et vous ne possédez pas ; vous êtes meurtriers et envieux, et vous ne pouvez pas obtenir ; vous avez des querelles et des luttes, et vous ne possédez pas, parce que vous ne demandez pas. Vous demandez, et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, dans le but de satisfaire vos passions.
(Jacques 4: 2-3)

Chacun de nous peut penser à beaucoup d’exemples flagrants de nos propres vies et de celles des autres quand nos désirs nous submergent nous-mêmes et nos prières avec. Je peux penser à un certain nombre de fois dans ma vie au cours desquels je priais avec une grande ferveur pour quelque chose que, avec le recul, était tout simplement né de mon désir d’éviter l’angoisse de ne pas posséder cette chose. Et cela est justement le point.

L’observation de St. Jacques pourrait facilement être limitée à ces exemples qui semblent évidents : la prière avec la forte envie d’obtenir quelque-chose ne mène nulle part. Mais son principe fonctionne beaucoup plus profondément. Nous ne serons pas sauvés en obtenant ce que nous voulons. Les seules créatures de l’univers qui obtiennent ce qu’elles veulent sont les démons – en fait, ils ne sont largement rien de plus que d’être devenus un « vouloir» : leur rationalité a presque complètement disparu.

La vraie prière est un mouvement de plus en plus dans le mouvement de faire le vide en soi (la kénose). La prière est le moyen normatif de notre union quotidienne avec le Christ. Comme le Christ, la prière porte en elle ceux qui sont perdus et ceux qui sont dans la servitude. La vraie prière entre volontiers avec Lui dans l’Hadès (l’enfer) (littéralement et symboliquement) afin d’intercéder pour ceux qui sont toujours en captivité. Saint-Paul même a souhaité être damné si cela signifiait le salut d’Israël. C’est cela le cœur du Christ.

Sans doute, notre monde moderne va continuer à «faire des progrès», au moins selon son propre esprit. Mais ceux qui adoptent cet esprit (du monde) pour leur vécu de chrétien se trouveront frustrés à chaque étape. La caricature qui est le soi-disant « évangile de la prospérité», avec ses prédicateurs à la télévision qui fanfaronnent et demandent en même temps de l’argent est la modernité rapportée à la prière. Cette caricature construit des empires sur le sol sablonneux de la volonté des gens pour le progrès et la promesse de leur nouvelle formule. Une telle prière ne nous rend pas saint, mais nous attire plus profondément dans l’illusion.

De les premiers temps, il a été clair que la religion existe pour servir les désirs des gens. Que ce soit éviter la catastrophe ou de se procurer le succès dans l’agriculture, la fertilité, ou la guerre, toutes les religions proposent ces choses qui répondent à nos désirs humains. Cela réconforte ceux dont les désirs ont été contrariés et leur assure que tout sera bien un jour.

J’ai désigné cela par le terme de «religion». En tant que tel, la foi chrétienne est pas une religion, sauf quand elle est détournée. Il est à noter que ce détournement est une menace constante et est universelle. Aucun groupe de chrétiens n’est à l’abri de l’attrait pour la religion. [Je dois noter ici que Alexandre Schmemann et John Romanides, ainsi que d’autres, ont utilisé le mot «religion» pour décrire cette déformation. Il est évident que le terme peut être utilisé avec d’autres significations.]

Le christianisme n’est pas une religion. Le christianisme est un chemin spirituel vers l’union avec Dieu. Jésus n’est pas venu établir un nouveau système sur la façon d’obtenir ce que nous voulons. Il « s’est vidé lui-même, » et à plusieurs reprises il nous invite à faire de même. La kénose est le chemin de l’union avec Dieu et elle est la définition même de l’amour. Si les désirs inassouvis pouvaient être utiles pour nous, alors ce monde deviendrait l’arène parfaite pour réaliser notre salut. Car, en vérité, nous n’avons pas généralement besoin de devenir faible ou incompétent pour être sauvé. Nous le sommes déjà. Ceux qui sont sur le chemin le savent et le montrent dans leurs prières.

 

 

 

La vie chrétienne

cryptomerias
Source : http://holytrinityfamily.org/niqat.php?var=HZf0ZBSGq3gVvfPPrUzAY1YKWLeyPZDrNh-j6DtKdss

 

(Extrait d’une conférence donnée le 22 janvier 2016 (à l’occasion de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens) par l’Archimandrite Touma Bitar higoumène du monastère de Saint Silouane de l’Athos situé à Douma- Liban)

La vie chrétienne ne requiert pas moins que la perfection évangélique. « Soyez donc parfaits comme votre Père Céleste est parfait » (Mathieu 5 :48). Cet enseignement concerne tout le monde. Il n’y a pas de christianisme à moitié ou au quart. Etre chrétien c’est être entièrement attaché au Christ ou pas du tout. La faiblesse humaine n’est pas un problème mais un avantage car elle pousse à demander la grâce divine. « Ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse » (2 Corinthiens 12 :9). Le problème n’est pas non plus dans les pêchés que nous commettons. Qui ne pêche pas ? Le problème c’est de faire volontairement le pêché en toute connaissance de cause. Le pêché involontaire est pardonné relativement aisément, mais en ce qui concerne le pêché effectué en toute connaissance de cause, s’en repentir est difficile et l’enseignement de l’Eglise est ferme à son sujet. Celui qui commet volontairement et régulièrement le pêché perd le sens du pêché et c’est pourquoi (lorsqu’il retourne vers l’Eglise) l’Eglise est ferme avec lui afin qu’il ne s’atrophie pas dans son pêché. Dans l’Eglise primitive le baptême des adultes était aussi fréquent que celui des enfants. La cause n’est pas la foi personnelle ou l’étude ou la connaissance. La cause était la conscience que celui qui se baptise ne peut plus commettre par la suite volontairement le pêché. Il y en a qui ont même dit que le pêché effectué après le baptême ne peut être pardonné. D’autres ont dit qu’un tel pêché ne peut être pardonné qu’à la mort. Bien sûr que cela ne représente en rien l’enseignement de l’Eglise. Le pardon est toujours possible car notre Dieu est un Dieu miséricordieux. Cependant ceux qui ont exprimé ces opinions l’on fait pour souligner la gravité du pêché commis volontairement.

Partant de là notre Eglise est de caractère monastique en ce sens qu’elle est entière dans l’approche de la vérité de l’Evangile. Au cours des trois premiers siècles de l’Eglise il n’y avait pas de moines comme nous les connaissons aujourd’hui pour la simple raison que tout chrétien était comme un moine. Et lorsque le relâchement est entré dans l’Eglise après l’édit de Constantin en 312, des groupes se sont retirés vers les lieux non peuplés (les déserts) ou les montagnes pour fuir le relâchement qui s’insinuait. Ce retrait était motivé par la tiédeur qui a commencé à s’installer et à se répandre parmi certains croyants, et ils craignaient cette tiédeur. Cette tiédeur était un avertissement important et en réaction, parmi ces groupes, on s’attachait encore davantage à être fidèle au Christ en montrant que le christianisme était à prendre dans son intégralité, car sinon ce n’est plus du christianisme. Dans ses débuts, cette vie dans les déserts, en d’autres termes le monachisme naissant, cherchait à garder le témoignage de l’Eglise primitive, et ce monachisme primitif en était le prolongement. Parallèlement au témoignage du sang, en particulier aux temps des persécutions, s’est affirmé le martyre non sanglant de la voie monastique conformément à la parole du Seigneur « mon royaume n’est pas de ce monde » et à celle de saint Paul « nous n’avons pas ici de cité permanente mais nous recherchons celle qui est à venir » (Hébreux 13 :14).

Compte-tenu de ce qui précède, nous pouvons comprendre la parole de saint Basile le grand (+379) qui affirme que la voie monastique est l’unique voie qui est conforme à une vie chrétienne, et que la vie en communauté est la forme la plus achevée de la vie monastique. Que cela ne nous empêche pas de voir la différence entre l’essence de la vie monastique et sa forme extérieure. L’essence de la vie monastique est la vie selon les préceptes évangéliques que tout chrétien doit mettre en pratique, c’est pourquoi il a été dit que la voie monastique est pour tous. Et le monachisme en tant qu’institution est une forme parmi d’autres de la vie chrétienne et elle concerne ceux qui sont désireux d’obéir aux règles du monachisme institutionnel. Certains se marient et d’autres restent célibataires. Ce n’est pas cela le sujet. Aussi bien le mariage que le célibat peut conduire au salut éternel ou à la perte éternelle. La valeur ne dépend pas du choix mais d’une vie dans la virginité. Eh, oui, la virginité !!!  La virginité est proposée à tous sans exception!!! Il n’y a pas de christianisme sans virginité !!! Mais attention, il faut bien comprendre la signification de ce terme ; la virginité consiste en le fait que la personne devient la maison de Dieu conformément à la parole divine : « vous êtes le temple de Dieu, (Sa demeure), et l’Esprit de Dieu habite en vous »(1 Corinthiens 3:16). Le mot « vierge » en hébreu est « beitoul » ou « beitil » soit « beit » (maison) et « eyl » qui signifie Dieu dieu [penser à Bethel] ainsi en hébreu (ou araméen) le mot vierge signifie la maison de Dieu. Il en est de même pour la question de la chasteté. Tout chrétien est chaste sinon il n’est pas chrétien. Ici encore il faut comprendre par chasteté l’absence de relation avec ce qui est mal, le refus de faire quelque-chose contraire à la volonté de Dieu, ce qui garantit une conduite selon les commandements de Dieu. La chasteté n’est pas une qualité relative au corps, (à la chair), comme si la personne mariée était (forcément) moins chaste que le moine qui n’est pas marié ; la chasteté est en premier lieu une question reliée à la pureté du cœur et qui peut être traduite (entre autres) par une attitude vis-à-vis de ce qui a trait au charnel. Et en quoi consiste l’adultère ? L’adultère ne se limite pas à des relations charnelles qui contreviennent aux commandements. Plus en profondeur, l’adultère consiste à employer le corps de façon contraire à la loi de l’Amour dans le sens évangélique du terme. L’adultère est une intention impure qui jaillit du cœur que l’être humain traduit en pensée ou encore simultanément en pensée et de façon charnelle. D’où la parole : « Celui qui regarde une femme pour la convoiter a déjà accompli un adultère avec elle dans son cœur » (Mathieu 5 :28). Et ce qui concerne les relations intimes, s’applique également à la relation avec la nourriture. Manger n’est pas un pêché et jeuner n’est pas une vertu. Il s’agit de prescriptions humaines liées à la nécessité et à la volonté. Dans ce cas, manger avec gloutonnerie est un pêché et la vertu opposée à ce vice est la « chasteté » du ventre. Et on peut également trouver d’autres exemples.

 

La crainte de Dieu est le commencement de la sagesse (Prov. 1:7)

 

fond de la riviere

 

LA CRAINTE DE DIEU EST LE COMMENCEMENT DE LA SAGESSE (Saint Nicolas Vélimirovitch)

Homélie de Saint Nicolas Vélimirovitch(1881-1956). Voir également : https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_d%27Ochrid

Si quelqu’un peut connaître le nombre des étoiles dans l’univers, les noms des poissons dans la mer, le nombre des brindilles d’herbes dans les champs, le comportement des animaux dans les forêts et qu’il n’a pas la crainte de Dieu, alors sa connaissance est comme de l’eau dans un tamis. Et à l’heure de sa mort, sa connaissance fera de lui quelqu’un qui a beaucoup plus peur que celui qui est complètement ignorant.

Si quelqu’un peut savoir toutes les pensées des hommes, prévoir le destin de l’humanité, dévoiler tous les mystères cachés au tréfonds de la Terre, et qu’il n’a pas la crainte de Dieu, alors sa connaissance est comme le lait versé dans un récipient pollué et qui devient entièrement perdu. Et à l’heure de sa mort, sa sagesse ne brillera pas plus qu’un morceau de charbon éteint, mais la nuit de sa mort rendra cette dernière encore plus sombre.

La crainte de Dieu est le commencement de la sagesse.

Comment celui qui n’a pas commencé avec justesse peut-il finir correctement ?  Celui qui prend un chemin erroné depuis le début doit rebrousser chemin et prendre le bon chemin.

Celui qui n’a pas la crainte de Dieu ne peut pas aimer Dieu.

De quoi parlons-nous ici ? Celui qui n’a pas la crainte de Dieu ne croit pas en Dieu.

Les plus grands ascètes, ceux qui ont mené une ascèse très dure, et cela durant des décennies nuit et jour et jusqu’à leur mort, ceux-là étaient remplis de la crainte de Dieu et bien qu’ils étaient parmi les moins pêcheurs parmi les hommes, ils pleuraient à l’heure de leur mort disant « O mon Dieu, aie pitié de moi pêcheur ».

La crainte de Dieu est le sel de la véritable piété. Si ce sel est absent alors notre foi est inepte, sans qualités et sans saveur. La crainte de Dieu ceint les reins, ceinture l’estomac, rend sobre le cœur, donne un repère à l’intellect et met une limite à la volonté propre.

Que serait un repentir sans la crainte de Dieu ? Où serait l’humilité ? La maîtrise de soi ? La chasteté ? La patience ? L’esprit de service et l’obéissance ?

Mes frères, acceptons cette parole comme une sainte vérité : La crainte de Dieu est le commencement de la sagesse. Seigneur implante ta crainte dans nos cœurs. A Toi la gloire et la grâce. Amen

Source : Orthodox Heritage, Vol.07, Issue 09-10