Un dialogue intéressant (3/4)

 

LOPEZ: En quoi les problématiques des  orthodoxes différent de celles qui sont typiques de la théologie occidentale ?

MATHEWES-GREEN: Un bon exemple est la question de la façon dont le Christ nous sauve; comment sa mort sur ​​la Croix se rapporte à nos péchés?  L’avis de l’église primitive (qui a été maintenu dans l’Orient) est que Christ est mort pour aller dans le royaume de la mort et vaincre le mal. C’est analogue en ce sens à l’Exode d’Egypte ; nous sommes sauvés et rachetés de la captivité. Comme pour le pardon, le Père pardonne nos péchés gratuitement. Mais au XIe siècle, une idée a surgi en Europe à savoir que le Père devait recevoir un dédommagement de quelque sorte avant qu’il ne puisse nous pardonner. Dans ce cas, la mort de Christ a rétabli l’honneur blessé du Père, et il a remboursé le Père de la dette pour nos péchés, et il a accompli la punition pour nos péchés ; il y avait beaucoup de théories différentes. Cela a été une source de désaccord pendant mille ans dans l’Occident, mais la question n’a jamais été soulevée dans l’Orient chrétien. L’orient chrétien croit encore que le Père pardonne nos péchés gratuitement, et considère la mort et la résurrection de Christ comme une opération de sauvetage.

LOPEZ : Et à propos de la souffrance, vous écrivez que cela implique la question de savoir pourquoi il y a la souffrance dans le monde, et en particulier pourquoi les innocents souffrent. Ceci est un mystère qui tourmente l’Occident, aussi bien les chrétiens que les non-chrétiens. Cependant (et il m’a fallu plusieurs années pour remarquer cela) dans l’orthodoxie ça ne se présente pas ainsi. Les chrétiens orthodoxes souffrent autant que les gens ailleurs, et ils s’affligent aussi profondément. Mais il n’y a pas la confusion et de l’amertume à ce sujet qui infecte les discussions dans l’Ouest. Il m’a fallu un certain temps pour saisir pleinement la raison. Vous pointez une barrière de la langue. Cela peut-il être traduit en action ? Dans la Croix ? Que pensez-vous que les chrétiens occidentaux ne perçoivent pas ?

MATHEWES-GREEN : Plus loin dans le livre j’aborde cela plus en détail. Ce n’est pas vraiment une barrière de la langue. Il y a le fait que les orthodoxes croient que le diable est réel, et qu’il hait l’humanité. Il est celui qui provoque la souffrance. En particulier, il est la cause de la souffrance des innocents, et cela lui fournit une « double récolte », à la fois il y a ceux qui souffrent et ceux qui assistent impuissants à aider. Dans l’une des paraboles de Jésus, quelqu’un trouve qu’un ennemi a semé de l’ivraie parmi son blé, et il dit, « c’est un ennemi qui a fait cela». Voilà ce que croient les orthodoxes sur la souffrance – c’est un ennemi qui a fait cela. Mais nous croyons aussi que nos péchés contribuent à la brisure de ce monde, et font de nous des alliés du malin. Le péché est la condition dominante de la cassure dans le monde, le péché est omniprésent et débilitant, il est comme la pollution de l’air. Nous contribuons tous au péché, et nous souffrons à cause du péché. C’est la raison pour laquelle les orthodoxes sont tellement sérieux au sujet de la lutte contre la tentation et pour la résistance au péché. C’est parce que le péché nous empoisonne, il déforme notre pensée et empoisonne nos esprits, et ses effets néfastes se déversent vers ceux qui le méritent le moins. Nous luttons contre le péché afin que nous puissions être guéris spirituellement et porter la lumière du Christ.

LOPEZ : En ce moment, comme beaucoup d’orthodoxes et d’autres chrétiens d’Orient souffrent la persécution d’une manière particulièrement intense, est-ce que la compréhension de ces différences (entre chrétiens) est-elle cruciale ?

MATHEWES-GREEN : Je n’ai pas écrit ce livre avec cet aspect comme objectif ; Je voulais juste présenter cette forme de christianisme à des gens qui ne sont pas familiers avec elle. Mais elle nous aide à comprendre et à nous identifier avec nos coreligionnaires subissant la persécution au loin. Plus nous voyons les chrétiens persécutés comme véritablement nos frères et sœurs, plus nous sommes enclins à les aider et à prier pour eux, et plus nous nous préparons pour le moment où nous serons nous-mêmes mis à l’épreuve.

LOPEZ : Est-ce que votre paroisse a des attaches particulières avec une paroisse dans le Moyen-Orient ou bien vous ressentez une urgence particulière dans la prière et le service ?

MATHEWES-GREEN : Pas dans un sens officiel, mais nous avons beaucoup de liens d’amitié avec le village chrétien de Taybeh, et ​​la famille Khoury qui produit Taybeh Beer (une bière). Les américains d’origine arabe font un accueil merveilleux pour ceux qui se convertissent à l’orthodoxie.

LOPEZ:  Dans quelle mesure  votre paroisse de fiction de sainte Félicité est comme la vôtre qui vous est propre ?

MATHEWES-GREEN : Elle est très semblable si on considère comment les choses sont disposées à l’intérieur du bâtiment de l’église ; ce  qui a été d’une grande aide dans la rédaction. En termes de nombre de personnes dans la congrégation, il en est comme beaucoup d’églises où je suis allé aux États-Unis et à l’étranger, mais il y a d’autres églises qui perdent leurs membres et se réduisent aux membres âgés. Je pense que cela se passe dans de nombreuses paroisses, puisque la jeune génération ne voit pas de raison de se s’intéresser à l’église. D’autre part, il y a des paroisses comme la mienne où il y a beaucoup de convertis, beaucoup de jeunes, et beaucoup de bébés. Entre parenthèses, j’ai fait une courte vidéo de huit minutes sur des extraits de la Semaine Sainte et de Pâques 2014, qui montre avec couleurs ce que je décris.

LOPEZ : Qu’est-ce qui vous a amené vous et votre époux au séminaire ?

MATHEWES-GREEN : Il s’agit d’une histoire drôle. Nous nous sommes rencontrés à l’université au début des années 70 et nous étions deux non-chrétiens ; anti-chrétiens serait plus précis, en fait. Dans sa troisième année à l’université (senior) mon mari a été chargé de lire un Evangile pour son cours de philosophie, et, ce faisant il a trouvé la figure du Christ saisissante. Je me suis inquiété, et je l’ai mis en garde contre le fait de devenir un «fervent de Jésus ». Nous avons tous les deux continué à penser que toutes les religions sont pareilles, et nous trouvions le christianisme enfantin en comparaison avec les religions les plus matures comme le bouddhisme et l’hindouisme. Mon mari a trouvé que les  théologiens libéraux «démythologisaient» (l’approche chrétienne) et ouvraient une issue pour l’étude de la théologie chrétienne, parce qu’ils disaient que Jésus était un grand maître, et qu’il n’a pas fait de miracles ou ressuscité des morts. Donc, il a passé une année au séminaire, et quand nous nous sommes mariés, j’espérais entrer dans une formation de cinéma dans une école voisine. (Mon objectif était de devenir critique de cinéma, il est amusant que j’écris aujourd’hui des critiques de films pour la revue National Review). Mais quand l’école de cinéma n’a pas marché, j’ai pris une décision impulsive d’aller au séminaire aussi. C’était au cours de ce semestre que nous avons rencontré d’autres étudiants qui connaissaient Jésus d’une manière personnelle et vivante. Après l’obtention du diplôme, mon mari a été ordonné dans l’Eglise épiscopale, et j’ai prévu d’attendre un couple d’années avant de demander l’ordination (l’ordination des femmes était alors nouvelle, et les évêques désireux d’ordonner des femmes étaient rares). Mais lorsque j’ai vu qu’être pasteur était un travail difficile j’ai décidé que ce n’était pas pour moi. Je ne suis pas courageuse.

LOPEZ : En quoi la vie de la femme d’un pasteur est différente ?

MATHEWES-GREEN : J’ai grandi en tant que catholique romaine, donc je n’ai jamais vu une femme de pasteur ; c’est un rôle dont je ne sais rien. Quand j’étais au séminaire, cependant, les autres épouses au séminaire parlaient des attentes difficiles qu’elles seront amenées à confronter, et des commérages et du jugement auxquelles elles devront faire face. Je suis reconnaissante de ne pas avoir eu à subir une telle expérience, et j’étais libre pour essayer d’être une épouse d’un membre du clergé à ma façon. Au fil des années, j’ai trouvé ce rôle réjouissant, et j’en fais tout le crédit à mon mari. Il est un pasteur né. Les paroissiens l’aiment, se tournent vers lui et le suivent. Je pense qu’il est très significatif que beaucoup de ses paroissiens au cours des années ont décidé de devenir pasteurs eux-mêmes. Donc, je ne peux pas dire que j’ai souffert des attentes que les gens ont de la femme du pasteur, mais je pense que c’est parce que je me suis marié un pasteur qui est aimé par ses paroissiens. Lorsque nous nous préparions à entrer dans l’orthodoxie, je me demandais s’il y avait des attentes spéciales pour la femme d’un pasteur et que je ne connaissais pas. Dans l’orthodoxie, l’épouse d’un prêtre a un titre honorifique (comme presbytera en grec, khouria en arabe) et est considérée comme partageant la pastorale de son mari. Donc, je me suis inquiété au sujet des attentes inconnues. J’ai demandé à une russe matouchka (femme de prêtre) s’il y avait quelque chose que les gens attendent que je fasse dans la paroisse, et elle ne comprenait pas ce que je demandais. Quand elle a finalement compris elle a dit, « Soyez juste une chrétienne !  Juste pries et sois chrétienne !  »

LOPEZ : Vous écrivez : «Je ne devrais pas le dire, mais le malin est vraiment mauvais ». Pourquoi le dites-vous de toute façon ?

(A suivre)

Source : http://www.nationalreview.com/article/419718/orthodox-way-knowing-god-nr-interview

Kathryn Jean Lopez est senior fellow à l’Institut National Review et  éditeur (at large) de la National Review Online.

Frederica Mathewes-Green est une orthodoxe américaine. (Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Frederica_Mathewes-Green)

Un dialogue intéressant (2/4)

 

LOPEZ: Vous écrivez: «Nous, les chrétiens nous savons que Quelqu’un est là. Nous savons qu’Il nous aime et qu’Il nous a promis qu’il ne nous (Matt 28:20) quitterait pas. Mais qu’en est-il des doutes ?

MATHEWES-GREEN : Les gens disent qu’ils ont «des doutes», mais ce qu’ils ont vraiment sont des pensées de doute. Penser à ce sujet de cette manière çà fait une différence, et la compréhension de nos pensées est une pierre angulaire de la spiritualité orthodoxe. Nous sommes constamment assaillis par des pensées qui ne sont pas souvent utiles, ou même pas vraies. L’objectif est de reprendre possession de ce domaine mental et de se tenir dans la prière, avec attention dans la présence de Dieu. Il s’agit d’apprendre à rester dans la réalité, plutôt que d’errer dans notre brouillard habituel de pensées sans but. Les pensées de doute sont typiquement futiles. Elles vont tourner autour de nous. Donc, vous ne devez pas passer du temps à essayer de les résoudre, car il n’y a pas de solution. Dans cette vie, vous n’allez pas tout simplement pas vous mettre à recueillir suffisamment d’informations pour «prouver» la question d’une façon ou d’une autre. Ainsi, vous pouvez apprendre à reconnaître une pensée de doute simplement par son approche, par sa forme, alors qu’elle n’est pas encore entrée en vous. Et vous pouvez décider de ne pas passer du temps à discuter avec elle. Cela ne signifie pas que vous n’avez absolument aucun doute ; cela signifie juste de prendre une décision à propos de comment vous allez consacrer votre temps. Et nous pouvons dire aux pensées de doute : «Je ne vais pas tourner en rond avec ce sujet à nouveau ». Et nous pouvons dire, « je vais faire ce que j’ai décidé de faire : je vais continuer à aller à la Liturgie le dimanche, je ne cesserai pas de dire mes prières et de continuer à lire la Bible. ».Cela simplifie les choses. Vous continuez à vous affirmer. Vous ne devez pas faire comme dans un match de catch avec des pensées qui n’ont aucune fin. Bien sûr, cela fonctionne pour beaucoup d’autres sortes de pensées troublantes aussi.

LOPEZ: Que voulez-vous dire par «la vie dans le Christ»?

MATHEWES-GREEN:  C’ est difficile à mettre en mots, mais je peux au moins dire que cela signifie quelque chose de littéral. Ce n’est pas une bulle pieuse. Le Christ est une personne, et nous Le connaissons en tant que personne. Comme lorsque nous nous rapprochons des gens que nous aimons alors nos cœurs deviennent mystérieusement mêlés avec leurs cœurs ; il y a là aussi une union ineffable. Nous devenons de façon semblable un avec le Christ. Mais il y a quelque chose de plus. Parce que Dieu remplit toute la création, chaque molécule, Il est déjà en nous, plus profondément que nos esprits, plus profondément que la vie qui anime notre corps. Devenir un en Christ est un processus de découverte de quelque chose qui est déjà vrai, bien que ce soit un procédé pour le rendre vrai, en écartant les rebuts et les distractions, et apprenant à rester régulièrement à sa présence. Et aussi, cela est merveilleux. C’est la vie.

LOPEZ: Pourquoi l’orthodoxie est si difficile? C’est cela est le christianisme est-ce pas ?

MATHEWES-GREEN: Oui, le christianisme est intrinsèquement difficile, mais il y a quelques décennies, il y a des gens qui ont décidé de le rendre plus facile. J’ai grandi dans les années 60, et je me souviens quand tout le monde était en effervescence autour de l’idée que l’église devrait être «pertinente». Un long et lent processus de banalisation s’est mis en place.  La « pertinence » est apparue pour désigner tout ajustement destiné à satisfaire les « besoins ressentis » de la congrégation, les éléments plus difficiles ont été jetés dehors, et la sentimentalité a été mise en vogue. Le culte a changé en passant de quelque chose offert à Dieu, à quelque chose offert par          « l’équipe du culte » aux fidèles. Je pense que, dans ce cadre, les gens finissent par se sentir vaguement instables, mécontents, mais ils ne savent pas vraiment pourquoi. Certains passent d’une église à l’autre ; d’autres arrêtent totalement d’aller à l’église. Le but de toute religion est de connecter les gens avec quelque chose de plus grand que soi, mais une religion qui se hâte à vous plaire devient de la taille de quelque-chose de familier. Il y a de la place pour toutes sortes d’églises dans le monde, et il y a une place pour celle qui est franchement difficile.

LOPEZ: Vous écrivez à propos de la façon dont les icônes semblent avoir « une manière troublante de devenir vivantes ». Comment elles «regardent à travers vous » et quelle différence cela fait-il ?

MATHEWES-GREEN: La foi en la résurrection signifie croire que les gens représentés dans les icônes sont vivants – qu’ils sont en vie en ce moment, dans le Paradis, dans la présence du Seigneur. Les Icônes ne sont pas des objets magiques ; ils ne saisissent pas ou n’incarnent pas les gens qu’ils représentent, mais plutôt ils offrent un point de contact, un lieu de rencontre (comme une photo d’un être cher peut l’être pour une personne qui est en deuil).Les Icônes ne sont pas des portraits ; ils sont destinés à nous montrer comment cette personne devient quand la lumière du Christ brille à travers elle. Les icônes nous montrent où nous allons, ce que nous visons. Vous mettez tout ça ensemble, en ajoutant que la personne que vous regardez dans une icône regarde directement ​​le spectateur, la prise de contact visuelle étant complète, oui, cela peut être déstabilisant. C’est également un autre aspect du « défi ».

LOPEZ: Serait-il juste de penser que vous ne semblez pas particulièrement préoccupée par l’unité des chrétiens? Ou bien que vous êtes plus préoccupée que quelqu’un soit authentiquement chrétien déjà, qu’il vive différemment le christianisme et comprenne sa foi ?

MATHEWES-GREEN : Je pense que cette dernière assertion est la bonne, je pense que les chrétiens doivent en priorité chercher l’unité avec leur Seigneur, et vivre leur foi d’une manière humble qui soit visible. Et nous devons accepter que ce faisant, rendre visible notre foi, cela peut entraîner un rejet. Mais quand les chrétiens brillent avec une foi vivante, même s’ils sont sans influence sociale, ils affectent subtilement tout le monde autour d’eux. Les petits feux commencent à être allumés. Les vies commencent à changer. Ceci est quelque chose qui ne se produit que lorsque les gens établissent des relations entre eux, directement et honnêtement. Cela ne vient pas d’une commission publiant un communiqué. Notre inquiétude sur la façon dont le christianisme est perçu par l’opinion publique est mal placée. Il n’y a pas «de public». Il n’y a que des personnes – chacun est un être unique et irremplaçable. Chacun a son propre destin, et a sa propre vocation dans le Christ. Donc, nous les chrétiens nous devons mettre en priorité le repentir (c’est-à-dire la transformation de soi), la prière, l’humilité – en bref, la sainteté. Et aussi s’attendre à être ridiculisés et méprisés. Mais nous pouvons nous attendre aussi à découvrir des moments de véritable lien avec ceux que le Christ appelle. Un saint orthodoxe très aimé, saint Séraphim de Sarov (1759-1833), a déclaré, «acquiers l’esprit de paix, et des milliers autour de toi seront sauvés ». Mais à propos de la première question – que dire de l’unité institutionnelle ? Eh bien, les orthodoxes n’ont même pas l’unité institutionnelle entre eux. L’Eglise sur le plan institutionnel est une organisation qui couvre une nation ou un peuple, mais il n’y a pas un conseil supérieur international réunissant toutes les églises nationales ensemble. Cela ne semble ne pas nécessaire.   Ce qui tient les orthodoxes ensemble est une foi commune – croyant en les mêmes choses. C’est comme une connexion intérieure, comme dans un squelette. Les gens apprennent la foi à partir des anciennes liturgies, des icônes, des hymnes et des fêtes, et tout cela est le même dans toutes les cultures. Tout le monde est responsable de la préservation de l’ancienne foi, et personne n’a le pouvoir de changer, donc nous restons unis. Je sais que cela semble impossible, mais ça marche. (Dans le livre, je raconte une histoire à propos d’une congrégation qui a changé les serrures de leur prêtre, quand il a enseigné quelque chose qu’ils savaient ne pas être vrai.) Étant donné que nous ne disposons pas ou bien que nous ne voulons pas disposer d’une organisation internationale unissant tous les orthodoxes, nous ne ressentons pas la nécessité d’appartenir (et encore beaucoup moins se soumettre à) une organisation réunissant tous les chrétiens.  Je me demande même si nous ne sommes pas allés trop loin en minimisant les différences théologiques entre chrétiens. C’est comme si nous n’accordons pas vraiment de l’importance à ce que nous croyons. Mais la théologie a des répercussions pratiques ; la théologie est un guide, et elle a son importance. Je souhaiterais que nous puissions expliquer et défendre les croyances différentes qui comptent pour nous, sans insulter l’autre. Je pense aux publicités de Colgate et Crest, qui se sentent évidemment libres de proclamer combien ils sont merveilleux, et de montrer leurs traits distinctifs, mais sans dénigrer l’autre.

LOPEZ: En quoi les problématiques des  orthodoxes différent de celles qui sont typiques de la théologie occidentale ?

Source : http://www.nationalreview.com/article/419718/orthodox-way-knowing-god-nr-interview

Kathryn Jean Lopez est senior fellow à l’Institut National Review et  éditeur (at large) de la National Review Online.

Frederica Mathewes-Green est une orthodoxe américaine. (Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Frederica_Mathewes-Green)

(A suivre)

Un dialogue intéressant (1/4)

 

En imaginant une paroisse fictive, Frederica Mathewes-Greene ouvre une porte vers le christianisme oriental. Qui sont les orthodoxes ? C’est une question de plus en plus présente à l’esprit des (chrétiens) occidentaux alors que les chrétiens d’Orient souffrent énormément de la persécution au point que l’avenir du christianisme dans la région semble incertain. Frederica Mathewes-Green, dont le mari est prêtre de l’Eglise orthodoxe de la Sainte Croix à Linthicum dans le Maryland (USA) fait une présentation sur l’Eglise orthodoxe dans son nouveau livre «  Bienvenue dansl’Église Orthodoxe: Une introduction à la chrétienté orientale » (Welcome to the Orthodox Church :  An introduction to Eastern Christianity) .Elle parle de sa foi et des croyances chrétiennes et recommande des pratiques qui peuvent être bénéfiques sur le plan œcuménique.

KATHRYN JEAN Lopez: Si vous aviez à résumer votre introduction à l’orthodoxie, quelle définition feriez-vous?

FREDERICA MATHEWES-GREEN : «Pourquoi la foi chrétienne indigène en Afrique, en Asie et en Europe de l’Est a si peu changé au cours des siècles? C’est parce que cela fonctionne. Venez et voyez ». Mais si je pouvais rogner le nombre de caractères j’ajouterais quelque chose de succinct qui se terminerait par « Vous ne croirez pas ce qui est arrivé ensuite. . .  »

LOPEZ: Qui sont les orthodoxes? Je pense que les gens deviennent très confus ici lorsque les choses se déplacent vers l’orient.

MATHEWES-GREEN: Prenons une carte. Ouvrez votre main gauche, la paume tournée vers vous, et affectez le pouce à Rome, et les doigts à Constantinople, Antioche, Jérusalem et Alexandrie. Ce sont les cinq villes les plus importantes du christianisme primitif ; mais les différences culturelles et théologiques ont progressivement conduit à une scission entre Rome et les quatre autres villes. L’orthodoxie chrétienne est la foi qui a continué dans ces terres plus à l’est. Et de là elle a diffusé    dans le monde, avant de venir en Amérique en 1794, avec des moines russes qui ont traversé le détroit de Béring pour apporter l’Evangile aux indigènes de l’Alaska. Les Eglises désignées comme «orthodoxe grecque», «orthodoxe russe», et ainsi de suite, appartiennent à la même Eglise Orthodoxe dans le monde ; ce ne sont pas des différentes confessions. Cela est analogue aux églises catholiques dans le 19ème siècle (aux USA), où l’on pouvait dire : «Voilà l’église catholique irlandaise, et celle-ci est l’Église catholique française ». Avec le temps, elles sont devenues des églises simplement américaines, et nous nous attendons à un processus similaire (avec les Eglises orthodoxes). Le culte dans les églises américaines (orthodoxes) est la plupart du temps en anglais.

LOPEZ: Vous écrivez que «l’orthodoxie n’est pas d’abord une institution religieuse, mais un chemin spirituel. » Y at-il un danger que cette voie ouvre le chemin vers l’absence d’appartenance religieuse ?

MATHEWES-GREEN : Moins maintenant qu’il y a dix ans, je crois. Comme le profil de l’orthodoxie chrétienne s’est affermi, il y a donc conscience de sa position traditionnelle sur les questions morales, ce qui la rend moins attrayante pour certains. En outre, ce n’est pas une de ces voies spirituelles confortables d’affirmation de soi. L’orthodoxie est exigeante ; elle est construite sur le principe que nous devons changer, que nous avons besoin d’apprendre l’humilité et à mieux résister au péché. Beaucoup de gens aiment l’idée d’être «transformés», mais ils ne veulent pas vraiment changer.

LOPEZ : Vous écrivez que « la chose la plus importante dans l’orthodoxie est la sainteté – la présence intérieure de Jésus-Christ qui transforme nos vies quotidiennes. » Voir la sainteté est ce que les gens attendent des chrétiens n’est-ce pas ? Pourquoi croyez-vous que les orthodoxes la réalisent mieux ?

MATHEWES-GREEN : j’aime ce que vous dites à propos des personnes qui ont besoin de voir la sainteté. Voilà qui est différent du chemin que des églises ont pris, de personnes qui pensent avoir besoin de voir le bonheur, ou se divertir, ou être réconfortés. Cependant la sainteté est un autre nom pour la vie du Christ en nous ; et cela est le but même du christianisme, se remplir de la lumière du Christ. Je veux dire que cela est valable pour tout le monde, pour les gens ordinaires, et pas seulement les mystiques. Voilà sur quoi l’orthodoxie met l’accent ; l’orthodoxie est la science qui enseigne la façon de devenir un avec le Christ, c’est un processus basé sur l’expérience des saints, hommes et femmes partout dans le monde depuis 2000 ans. Mais je ne peux pas prétendre que les orthodoxes  » réalisent ceci mieux. » Les gens vont à l’église pour des raisons différentes. Il ne suffit pas de posséder des connaissances sur la façon de faire quelque chose, vous devez effectivement les mettre en pratique. Mais il y a assez de gens qui relèvent le défi, et suivent le chemin, ce qui nous encourage à essayer. En observant des saints contemporains comme St. Paisios(+1994) ou Sainte Gavrilia (+1992) [Mère Gabrielle Papayannis] – nous pouvons voir par nous-mêmes que le programme fonctionne. Cela vous donne envie de faire un essai.

Je pense que l’influence des chrétiens dans la vie américaine continuera à décroître. Nous avons fonctionné pendant si longtemps avec l’hypothèse que nous avons un rôle à jouer dans la sphère publique, si toutefois nous agissons doucement et respectueusement ; mais le temps arrive où être étiqueté comme chrétien sera une bonne raison pour nous ignorer. Je ne prédis pas des persécutions comme sous l’Empire romain, mais nous allons faire face à l’augmentation du rejet social, la moquerie et le mépris. Lorsque ce moment arrivera, ce qui va compter sera le feu de la foi à l’intérieur du cœur de chaque personne. Alors quand une personne va dire, «Je suis un chrétien » alors cela signifiera quelque-chose parce que ce sera si facile, si tentant de dire : «Je ne Le connais pas ». La Sainteté va réellement importer. J’espère qu’une église qui propose un moyen exigeant et une transformation de la façon de vivre, un moyen qui a été confirmé à l’épreuve, aura un rôle à jouer.

LOPEZ: Comment la vie dans le Christ diffère de la vie sans Lui?

MATHEWES-GREEN: Dans le livre, je dis que les orthodoxes n’ont pas eu beaucoup de pratique dans l’explication de leur foi aux autres chrétiens, et donc ne sont pas familiers avec la plupart des controverses théologiques historiques de l’Occident. Mais ils ont beaucoup d’expérience avec les non-chrétiens (les Perses, les Mongols, les musulmans, les communistes), et ils « savaient bien comment la vie en Christ diffère de la vie sans Lui. »  Maintenant que vous me le demandez, je ne sais pas vraiment comment l’exprimer ! Le Christ est la Vie. C’est avoir le Créateur de l’Univers avec vous. C’est avoir la source de tout amour avec vous. C’est au-delà de toute description. Et c’est vrai, palpable et réel. J’ai eu une expérience de conversion miraculeuse, il y a 41 ans. Je faisais de l’auto-stop à travers l’Europe (à l’époque, je me considérai comme étant hindou), et je suis allé dans une église pour la visiter. Je regardais une statue de Jésus, et puis j’ai eu le sentiment d’être submergée par Sa présence avec moi, en moi. Je I’ ai « entendu » me parler (pas avec mes oreilles, mais dans mon intérieur). C’était un peu effrayant, et aussi vraiment merveilleux, et cela a retourné mon monde de fond en comble. Depuis, tout ce que j’ai souhaité c’est d’être plus proche de Lui – de rester en Sa présence. Quand je suis devenu orthodoxe il y a quelque 22 ans, je fus étonnée de constater que c’est la seule chose nécessaire tous comptes faits. C’est un moyen, un programme, une science, celle de l’union avec Dieu – 2000 ans de sagesse sur la façon certaine, saine, de vivre l’accroissement de la présence du Christ. Voilà pourquoi je suis heureuse dans l’orthodoxie ; c’est ce que je voulais toujours, et je ne savais même pas que ça existait.

LOPEZ: Vous écrivez: «Nous, les chrétiens nous savons que Quelqu’un est là. Nous savons qu’Il nous aime et qu’Il nous a promis qu’il ne nous (Matt 28:20) quitterait pas. Mais qu’en est-il des doutes ?

 

(A Suivre)

Source : http://www.nationalreview.com/article/419718/orthodox-way-knowing-god-nr-interview

Kathryn Jean Lopez est senior fellow à l’Institut National Review et  éditeur (at large) de la National Review Online.

Frederica Mathewes-Green est une orthodoxe américaine. (Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Frederica_Mathewes-Green)

 

Paroles des Pères (Archimandrite Sophrony (Sakharov)).

La sagesse selon ce monde est incapable de sauver le monde.

Les assemblées, les gouvernements, les institutions « complexes » des Etats les plus avancés de notre planète sont tous impuissants. L’humanité souffre et sa souffrance n’a pas de limites.

La seule issue consiste à trouver en nous-mêmes le discernement et la détermination pour ne pas vivre selon la sagesse de ce monde mais pour suivre le Christ.

Suivez le Christ dans son ascension sur le calvaire. Cette ascension est le combat que le Christ a accompli pour l’amour du monde entier.

Lorsque les guerres liées aux passions se déchainent dans le monde, les hommes s’épuisent et vieillissent rapidement. Par contre, lorsque les souffrances résultent d’une lutte contre les passions, lutte effectuée selon l’esprit du Christ, alors les hommes connaissent une nouvelle naissance.

« Etre à la ressemblance de Dieu ». Cela signifie que nous parvenions à une obéissance semblable à celle du Christ, à celle de la Mère de Dieu et de tous ceux qui les ont suivis.

 

Source : [orthodoxt@archtripoli.org] karma   (27 septembre 2015)

Quelques paroles de Saint Isaac le Syrien

 

EXTRAITS DU 85eDISCOURS DE SAINT ISAAC LE SYRIEN

 

A propos de Saint Isaac le Syrien :

De l’homme lui-même, on ne sait presque rien, sinon qu’il fut, au viie siècle, évêque nestorien de Ninive. Né dans l’actuel Qatar (Golfe Persique), avec son frère, il devint moine alors qu’il était très jeune. Son renom de sainteté se répandit dans l’Empire perse, au point que les habitants de Ninive le réclamèrent comme évêque. Il fut consacré, vers 660, par le catholicos (patriarche suprême) de l’Église chaldéenne, Georges Ier (658-680). Il abdiqua seulement cinq mois plus tard pour se retirer comme anachorète au mont Matout parmi les ascètes du Nord (plus probablement Khuzistan, Iran, une région à forte population nestorienne jusqu’à la conquête musulmane). Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Isaac_de_Ninive

 

 

Question : quelle entrave empêche l’homme de courir au mal ?

Réponse : Il lui faut suivre continuellement la sagesse et se consacrer avant tout à l’enseignement de la vie. Il n’est pas d’autre entrave qui soit plus forte, pour empêcher le désordre des pensées.

Question : Jusques à quand celui qui suit la sagesse, doit-il la chercher ? Et où s’achève l’enseignement de celle-ci ?

Réponse : En fait il est impossible d’atteindre un tel terme quand on est en chemin. Les saints eux-mêmes n’accèdent pas à la perfection de la sagesse. On n’a jamais fini de marcher vers elle. Le chemin de la sagesse monte jusqu’à unir à Dieu celui qui la suit. Et tel est son signe : sa compréhension est infinie. Car la sagesse est Dieu Lui-même.

Question : Quel est au commencement le premier chemin qui nous fait approcher de la sagesse ?

Réponse : Rechercher de toute notre force la sagesse de Dieu. Nous y efforcer de toute notre âme jusqu’à la fin. Ne pas manquer, quand il le faut, de nous dépouiller de notre vie elle-même et de la rejeter pour l’amour de Dieu.

Question : quel est l’homme dont on peut justement dire qu’il est intelligent ?

Réponse : Celui qui a compris en vérité qu’il est un terme à cette vie, celui-là est capable de mettre un terme à ses fautes. Quelle connaissance ou quelle intelligence des choses est en effet plus grande que celle-ci : avoir eu la sagesse de sortir de cette vie en état d’incorruptibilité sans s’être laissé souiller par son agrément ? Si un homme affine ses pensées jusqu’à pénétrer le mystère de toutes les natures, s’il est riche de ce qu’il découvre et comprend en toute connaissance, mais si son âme est souillée par le pêché, s’il n’a pas témoigné de l’espérance de son âme, et s’il pense qu’il parviendra au port de confiance, il n’y a pas au monde plus insensé que lui. Car ses œuvres ne l’auront mené qu’à l’espoir de ce monde qu’il aura recherché tout au long du chemin.

Question : Quel dommage éprouve-t-on quand on chemine vers Dieu, si l’on délaisse les œuvres bonnes pour aller vers les tentations ?

Réponse : Sans affliction il n’est pas possible d’approcher Dieu. Et sans affliction il n’est pas possible de garder sa justice inaliénable. Si un homme ne fait pas les œuvres qui accroissent la justice, il refuse également ce qui la garde, et il se retrouve comme un trésor que rien ne protège plus, comme un combattant dépouillé de ses armes, comme un navire qui n’a plus son gréement, comme un paradis privé de la source des eaux.

Source : 85e discours d’Isaac le Syrien. Extraits de : Œuvres Spirituelles. Editions DESCLEE DE BROUWER. Traduction de Jacques Touraille. 1981.