En quoi est-ce différent?

 

En quoi est-ce différent?

Source:http://www.pravmir.com/what-s-the-difference/  (P. John Breck)

Un petit groupe d’une dizaine de jeunes professionnels de la santé étaient assis autour d’une table, grignotant des biscuits et buvant des boissons gazeuses. Ils étaient tous des protestants « main line » ou des évangéliques. Certains étaient très attachés à la tradition de leur église ; d’autres avaient soif de quelque chose d’autre, ce qui signifiait clairement qu’ils cherchaient quelque chose de plus. Ils nous ont demandé de venir parler de l’Orthodoxie. La plupart d’entre eux n’avaient jamais été à un service de culte orthodoxe, et ils étaient autant curieux qu’accueillants. Dans l’ensemble, l’ambiance était chaleureuse et cordiale.

Ils ont soulevé la question habituelle : «Quelle est la différence entre votre foi et la nôtre, entre les orthodoxes et, disons les baptistes ? »  Plusieurs d’entre eux avaient demandé ce genre de question à d’autres chrétiens orthodoxes, seulement pour recevoir des réponses confuses et insatisfaisantes. Aussi bien les prêtres que les laïcs leur avaient donnés l’impression que les différences concernaient soit des choses ecclésiales -ou des dogmes, habituellement enveloppés dans un jargon théologique obscur. Ils avaient noté les vêtements (cléricaux), le jeûne, de longs services, de l’encens, des icônes et des coupoles. Certains ont insisté sur l’importance (et l’indisponibilité de l’ « hétérodoxe ») à la communion et la confession. D’autres ont parlé en termes plus théologiques du point de vue orthodoxe sur la papauté et sur la question du «filioque» qui a été ajouté au Credo de Nicée. Quelques-uns avaient mis l’accent sur l’interprétation de Romains 5:12 et la «transmission» du péché et de la culpabilité. Et presque tous avaient dénoncé la notion «protestante» qui affirme «une fois sauvé, toujours sauvé», et en même temps ils diminuaient l’importance des longs sermons, du renouveau et de l’activisme social.

 

Les gens dans le groupe nous regardaient et voulaient savoir s’il n’y avait pas plus que ça. Pendant plus de deux heures, nous avons échangé des idées sur nos croyances et nos traditions respectives. Enfin nous nous sommes quittés avec des poignées de mains chaudes, tandis que quelques-uns ont demandé si nous pouvions continuer avec ce genre d’échange.

 

À la maison plus tard ce soir-là, j’ai pris le journal local et j’ai jeté un coup d’œil sur la section Religion (une caractéristique populaire à Charleston, la «ville sainte»). Une colonne a offert les réflexions de deux ecclésiastiques sur la question des «guérisons miraculeuses ». Que doit faire une personne malade faire pour vivre un miracle ? Une réponse, fournie par le pasteur de la « Unity Temple on the Plaza » à Kansas City, contenait un aveu- une confession virtuelle de la foi qui m’a fait réaliser à quel point mes réponses avaient été inadéquates aux questions soulevées plus tôt dans la soirée sur les différences entre l’orthodoxie et d’autres traditions. Alors que la plupart des protestants ne seraient pas d’accord avec les remarques de ce pasteur, ces remarques sont néanmoins représentatives d’une attitude générale répandue dans la culture postchrétienne de l’Amérique.

 

Ce bon pasteur a écrit : «Je ne crois pas que Dieu intervient dans notre vie », « mais je crois que l’Esprit de Dieu [sic] est en chacun de nous, et plus nous nous éveillons à cette puissance, plus nous sommes capable de l’utiliser pour la guérison physique, émotionnelle et mentale ». Cela m’a rappelé des expériences entreprises récemment par un professeur (non croyant) à l’école médicale de Harvard, pour déterminer l’utilité de la prière pour la guérison de diverses maladies.

 

Quelles sont les principales différences entre l’orthodoxie et d’autres expressions du religieux ou, plus spécifiquement, de la foi chrétienne ? Il faudrait beaucoup plus d’espace que ce qui est disponible ici pour commencer une réponse adéquate. Il y a une chose, cependant, qui est trop rarement dite, mais qui semble être parmi les différences les plus importantes. C’est la perspective, d’une vision du monde qui voit la présence, le but et la puissance d’un Dieu aimant et compatissant, dans toute la création et dans tous les aspects de notre vie et de notre expérience personnelle. Qu’est-ce que cela signifie pour nous et pour notre «vie en Christ» ?

 

Les spirituels orthodoxes (les « anciens » ou les « géronda ») ont souvent fait valoir que le caractère unique de l’Orthodoxie réside dans son appel à la sainteté. L’Orthodoxie vise à une transformation profonde de la personne humaine qui mène « à la ressemblance avec Dieu». Dieu veut que notre vie soit un pèlerinage, une aventure extraordinaire, qui va conduire progressivement à travers les étapes de la progression décrite dans la tradition monastique par en premier lieu la «purification», puis «l’illumination» et enfin « la déification», soit une participation réelle et éternelle à la vie de la Sainte Trinité. La quête de la «ressemblance» avec Dieu est une quête pour être saint comme notre Père céleste est saint, et il s’agit de lutter non pas pour notre propre perfection, mais pour La sienne. Il s’agit de permettre au Saint-Esprit de recréer en nous dans l’image divine, pour nous conduire à partir d’un état de péché, de corruption et de mort  à l’état de  justice, de paix et de joie et que nous demeurions en communion éternelle et intime avec le Seigneur de toutes choses.

 

Nos collègues protestants ont raison : nous ne pouvons jamais faire ce genre de pèlerinage par nous-mêmes. Nous ne pouvons jamais atteindre la sainteté, jamais réaliser la sainteté, par nos propres actions ou mérites. Appelez ceci le «salut» ou appelez-le une quête de theosis ou «déification». Dans tous les cas, la possibilité et l’initiative se trouvent entièrement dans les mains de Dieu. S’il y a la sanctification dans cette vie, s’il y a un espoir réaliste de partage de «la gloire éternelle», cela est un pur don, immérité et non gagné.

 

Dans l’expérience orthodoxe, cependant, ce don nous est communiqué de façon très spécifique, et il est ordonné par Dieu Lui-même. Cette expérience inclut (entre autres) de faire notre l’expérience de nos Pères : les convictions au sujet de Dieu et de la personne humaine qui ont conduit beaucoup de ces Pères à sacrifier leurs vies plutôt que de compromettre leur foi. Cette expérience comporte une participation active dans le Corps du Christ : son adoration, ses sacrements, et son service de don de soi pour le monde de Dieu. Cela signifie que tout, aussi bien les vêtements, l’encens, des positions particulières doctrinales ont leur place et leur signification. Pourtant, toutes ces «choses», comme tous les dogmes, servent une fin supérieure. Ils servent notre vie et notre croissance, notre pèlerinage, ce qui conduit vers la sainteté que Dieu seul incarne et peut transmettre.

 

La prochaine fois que je partagerai des cookies et du coca avec ces amis protestants, j’espère que je me souviendrai de commencer et de terminer là où l’orthodoxie commence et se termine : avec la notion de pèlerinage, de la transformation et de la croissance sans fin dans l’Esprit. Mgr Kallistos Ware commence son merveilleux petit livre « The Orthodox way » avec l’histoire d’une vieille femme qui vivait recluse à Rome. A la question de St Sérapion qui voulait savoir pourquoi elle passait son temps assise dans sa chambre, elle a répondu : «Je ne suis pas assise. Je suis en voyage « .

 

Si nous voulons voir la présence et la puissance de Dieu dans notre vie et dans toute la création, ce ne peut être en qu’en se lançant dans ce genre de voyage. Pour ceux qui le font et qui entreprennent, avec foi et amour, une quête ardente de sainteté, leur expérience de vie même révélera les différences les plus importantes qui définissent l’orthodoxie des autres expressions de la foi (y compris « l’Orthodoxie nominale »). Leur vie devient un témoignage puissant qui attire les autres dans le même pèlerinage, la même aventure de la foi et de l’amour… Et bien plus que la splendeur des vêtements ou de la beauté de la musique liturgique, plus que tous les arguments convaincants au sujet de la doctrine et de la pratique ecclésiale, ce témoignage va amener les autres à aller au-delà « des différences » vers une appréciation de l’orthodoxie dans son essence et dans son cœur.

 

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