HOMELIE POUR LE DIMANCHE DES MYRRHOPHORES
Aujourd’hui nous célébrons la mémoire des saintes femmes myrrhophores.
On appelle myrrhophores ces saintes femmes qui ont apporté la myrrhe, cette huile parfumée pour aller oindre selon la coutume juive le corps du Christ mort.
L’Eglise en célébrant cette fête nous apprend pas mal de choses à travers ces femmes. Tout d’abord, au moment où les apôtres, ses disciples, tous des hommes, étaient désespérés, découragés devant cet échec effroyable que paraissait être l’arrestation, la torture et la mise à mort de Celui en qui ils avaient mis toute leur espérance, au moment où on peut dire si on en juge d’après les deux disciples d’Emmaüs, qu’ils avaient perdu la foi, voilà cependant les femmes qui sont pleines d’amour.
Nous ne savons pas ce qu’elles pensaient, mais ce que nous savons, c’est ce qu’elles ressentaient. Elles voulaient aller auprès du corps de leur Maître pour Lui manifester leur amour et oindre Son corps de parfum. Elles vont vers la tombe de grand matin, le samedi elles ne pouvaient pas le faire car c’était le sabbat, le jour du repos, où il était interdit non seulement de travailler mais même d’aller faire une promenade. Mais, dès que le sabbat était terminé, avant même que le jour ne se lève, elles se mettent en route avec leurs parfums et leurs aromates. En chemin une pensée leur vient à l’idée ; « Comment pénétrerons-nous dans la tombe puisque la pierre est très lourde et qu’elle était même scellée ? ».
Confrontées à cette pensée, à cet obstacle, elles ne retournent pas en arrière pour faire appel à des hommes qui pourraient les aider, elles ne cherchent pas une solution pratique qui pourrait leur permettre d’entrer dans la tombe, mais elles avancent, elles continuent, elles font confiance.
Là il y a, je crois, un acte de foi en la Providence en présence de situations qui paraissent inextricables. Faisons confiance, avançons tranquillement et Dieu pourvoira. Elles avancent, arrivent à la tombe et Dieu a pourvu : la grosse pierre a été roulée, le tombeau est ouvert et vide. Assis sur la grosse pierre elles voient un jeune homme, de blanc vêtu, qui leur annonce la bonne nouvelle (l’Evangile en grec veut dire bonne nouvelle).
« Qui cherchez-vous ? » leur demande l’Ange. Les femmes avec leur myrrhe à la main vont vers le tombeau et répondent : « Jésus de Nazareth, le crucifié ».
« Il n’est point ici, Il est ressuscité comme Il vous l’avait annoncé. Allez dire à Ses disciples qu’ils l’attendent en Galilée ; là Il les rencontrera ».
Cette parole de Dieu transmise par un jeune homme de blanc vêtu elles la croient. Elles sont les premières et les premiers êtres humains à entendre et à croire à la Bonne Nouvelle de la résurrection.
Je pense que c’est là le charisme, le don particulier de la femme, de prendre conscience, peut-être avant les hommes, des réalités de l’au-delà, de la présence du Ressuscité. Elles vont aussitôt courir annoncer la Bonne Nouvelle aux apôtres. Aux autre gens de ce monde, elles ne diront rien, elles ont peur. Et les apôtres ne les croiront pas. L’Evangile insiste assez fortement sur ce point, le Seigneur Lui-même reprochera à Ses apôtres leur dureté de cœur, leur rationalité sèche, qui ne peut envisager un tel évènement et qui l’attribue à l’imagination féminine. Ils ne croiront pas. Parmi ces femmes il y a une qui ressort plus particulièrement. Il y avait au moins cinq femmes, elles sont mentionnées par les évangélistes qui ne nomment pas toutes les mêmes, mais il y a une que tous mentionnent et c’est Marie-Madeleine la pécheresse pleine d’amour, celle qui était tombée aux pieds de Jésus, et qui lorsqu’Il était encore vivant, avant Sa crucifixion avait versé du parfum et ses larmes sur Ses pieds, puis les avait essuyés avec ses cheveux. Celle à laquelle il avait été dit : « Il lui sera beaucoup pardonné car elle a beaucoup aimé ». Et elle revient à la tombe en pleurant. Il est assez difficile de situer l’incident suivant par rapport au message des Anges et d’établir une chronologie rigoureuse d’après les témoignages des quatre évangélistes. Dans leur agitation, les femmes sont revenues vers les apôtres à des moments différents, et leurs témoignages ont été recueillis par les différents évangélistes.
Marie-Madeleine est là pleurant devant la tombe lorsque Celui qu’elle croit être le jardinier est debout près d’elle. Elle lui dit un peu naïvement : « Monsieur, si vous savez où ils ont mis le corps de mon Maître dites-le moi que j’aille Le chercher ».Alors il l’appelle par son nom : Jésus rétablit cette relation personnelle entre Lui et elle, par laquelle elle Le reconnaît et Lui dit : « Rabbouni, mon Maître ». Alors elle a ce geste qu’elle avait eu lorsqu’elle versait le parfum sur Ses pieds, de les Lui étreindre ; et Il ne le veut pas : « Ne Me touche pas, ne Me retient pas. Je dois d’abord aller auprès de Mon Père qui est votre Père ». Ici, me semble-t-il, Jésus l’invite à dépasser sa sentimentalité. « Ne me touche pas » ce n’est pas le moment d’effusions sentimentales « Je suis ressuscité », il faut maintenant que la foi de Marie-Madeleine fasse un pas de plus.
Il me semble que les hommes et les femmes ont de charismes différents, vous l’avez entendu dans les Actes des Apôtres tout à l’heure. Les Apôtres renonceront au service des tables qui sera donné aux diacres, pour aller s’occuper du ministère de la Parole. Ce sera à eux d’exposer, d’expliquer, de développer, de proclamer ce que les femmes, les premières ont senti et découvert ; mais ils seront appelés à dépasser leur masculinité, leur virilité pour arriver à ce niveau dont parle Saint Paul lorsqu’il dira « Il n’y aura plus ni homme ni femme mais vous êtes tous un en Jésus-Christ ». Donc il y a d’abord les dons particuliers de l’homme et de la femme qu’ils doivent employer au service de Dieu, puis vient le moment où on arrive à l’échelon supérieur où il n’y a plus ni homme ni femme. Tout ce cheminement des saintes femmes myrrhophores, de l’amour triste à la foi, à la confiance, à la réception de la Parole, à la transmission aux Apôtres de la Bonne Nouvelle, à la joie encore trop affective pour arriver enfin à la sobriété d’une foi plus pure en Dieu, dans le Dieu inexprimable et mystérieux. Essayons de méditer ce parcours et de le suivre à notre tour.
GLOIRE A TOI CHRIST NOTRE DIEU, NOTRE ESPERANCE, GLOIRE A TOI.
P. Jean