Paroisse orthodoxe de la sainte Transfiguration
Numéro 42, mai 2019
LE CHRIST VIT EN NOUS
Le Christ n’est pas un philosophe, dont l’homme pourrait mettre en pratique l’enseignement par ses propres forces, en mettant en œuvre seulement son intelligence et sa volonté. Il faut le reconnaître, l’Évangile est impraticable. Ce n’est pas un code de morale ni une doctrine de sagesse, c’est la description de ce que Dieu accomplit en l’homme qui accepte de mourir à lui-même et de ressusciter avec le Christ en recevant le don du Saint-Esprit. C’est le sens de la parole du Christ : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire ».
Pour le peuple d’Israël, l’événement central de son histoire avait été l’Exode, avec l’immolation de l’agneau pascal, le passage de la mer Rouge, le don de la loi sur le Sinaï. Mais les juifs de l’Ancien Testament avaient bien conscience qu’à travers ces événements, des merveilles plus grandes encore étaient annoncées, étaient préfigurées et promises.
Ces merveilles allaient être précisément la mort et la résurrection du Christ, qui ont accompli notre salut, et auxquelles nous participons, auxquelles nous sommes véritablement initiés par le baptême.
Mais le baptême n’est pas un aboutissement, c’est un point de départ. Par lui, certes, nous sommes déjà morts et ressuscités avec le Christ, véritablement, parce que nous avons reçu dans notre cœur l’Esprit Saint, l’Esprit du Christ ressuscité, qu’il nous envoie de la droite du Père, où il siège maintenant. La grâce de l’Esprit Saint nous apporte une lumière et une force qui nous rendent capables de vaincre tous les attraits du mal, toute la puissance de Satan, et capables de réaliser l’idéal de douceur, de pardon, d’amour et de charité, tracé par le Christ dans l’Évangile.
Nous devons vivre cette vie nouvelle dans un monde qui n’est pas encore transfiguré, et notre nature elle-même n’est pas encore complètement transfigurée : le don de l’Esprit Saint, la force de la grâce divine nous sont donnés comme un germe, comme une force vivifiante, assurément, mais qui doit croître en nous, qui doit se développer avec notre consentement, avec notre participation, avec tous les efforts de notre volonté, dans ce combat spirituel que nous devons encore mener quotidiennement. Nous ne sommes plus sous le pouvoir de Satan, car le baptême nous en a délivrés, mais nous restons exposés à la tentation. Dieu a permis qu’il reste en nous des séquelles du péché, pour que nous puissions chaque jour exprimer l’amour que nous avons pour Lui, en le préférant en toute liberté aux attraits du mal. Les traces du vieil homme qui reste en nous, il nous faut avec l’aide de la grâce divine, avec la puissance de l’Esprit Saint, les éliminer tout au long de notre vie. C’est seulement à ce prix que la vie nouvelle deviendra pleinement nôtre.
C’est là tout le programme de la vie chrétienne. Oui, être disciple, c’est prendre sa croix jour après jour, mais pour vivre en ressuscité. Comme le dit Saint Paul : « Si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut et non plus celles de la terre, ayez du goût pour les choses de Dieu non plus pour les choses terrestres et matérielles. » (Colossiens 3/1 – 2). Ce programme doit nous remplir de joie. Ce qui, pour nous, doit être le plus précieux au monde, ce sont ces fruits que le Saint-Esprit veut développer en nous : « charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, tempérance », tout ce qu’énumère saint Paul dans son épître aux Galates (5/22 – 23), tout cela qui est vraiment le ciel sur la terre, le ciel dans notre âme.
C’est cela la vie nouvelle, la présence rayonnante de la Trinité sainte dans nos cœurs. Si nous savons l’écouter, si nous sommes attentifs aux mouvements de notre cœur, nous percevrons que le Saint-Esprit nous donne le sens et le goût de toutes ces choses. Il éveille au plus profond de nous-mêmes de bonnes inspirations, de bons mouvements, et nous en fait goûter la saveur, il nous remplit de sa joie si nous y adhérons pleinement. Mais, encore une fois, il faut ouvrir notre cœur, il faut être docile à cette grâce et laisser l’Esprit saint transformer notre vie à travers un renoncement quotidien et continuel à tous les restes du vieil homme, de notre vieil ego non transfiguré, qui subsistent en nous.
Oui, le Christ vit en nous, mais c’est pour y revivre son combat, sa lutte victorieuse contre toutes les forces du mal. Ce combat invisible, le plus ardu de tous, se poursuivra en nous tout au long de notre vie chrétienne, et tout au long de la vie de l’Église, jusqu’à ce que nous puissions tous ensemble entrer dans la Jérusalem d’en haut, dans la Cité céleste où il n’y aura plus ni gémissements, ni tristesse, ni douleur, où nous n’aurons plus à combattre, parce que tous nos ennemis, les passions mauvaises, le péché, et le dernier ennemi, la mort seront définitivement vaincus !
Archimandrite Placide Deseille, La couronne bénie de l’année chrétienne, vol. 2, p. 153-156.
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