SUR LA COLÈRE
En me basant sur mon expérience personnelle en tant que père spirituel, ainsi que de ce que j’observe dans la société actuelle, je constate que l’un des péchés endémiques (ou chronique) de l’homme contemporain est la colère. Ce péché peut être de nature personnelle ou collective. Il y a la colère personnelle ou celle d’un peuple et cette dernière peut aboutir à la guerre, de courte ou de longue durée, mais une guerre exécutée avec une cruauté que la technologie des siècles passés ne permettait pas.
La colère personnelle transforme le cœur de l’homme d’une demeure du Saint Esprit en une demeure du démon de sorte qu’elle modifie la structure de l’âme en l’orientant vers les recoins ténébreux de l’être humain. Dans l’Histoire, il y a des exemples où des évènements désastreux ont été entraînés par une colère impulsive ce qui par la suite a créé regret et désespoir chez celui qui a permis une telle situation.
Les Saintes Écritures se préoccupent du problème de la colère. En comparaison du passé, l’époque contemporaine fournit davantage d’occasions à la colère de se manifester. Cela est dû à l’augmentation de la densité de la population ce qui réduit la sécurité de l’individu. La présence de la colère est une tentation majeure utilisée par le malin pour nous tromper puisque la colère assombrit l’intellect et équipe la langue et les mains d’une violence qui peut blesser gravement.
Au chapitre 34 du livre de la Genèse, il y a une raison pour la colère des fils de Jacob. Le fils d’un prince de la région de Shalem a déshonoré Dina, la fille de Jacob et de Léa. Cela a provoqué la colère des fils de Jacob qui ont décidé de venger l’honneur de leur sœur bien que le jeune prince avait demandé d’épouser Dina.
La région où Jacob était installé convenait très bien à Jacob et sa famille pour de multiples raisons. Mais la colère s’était emparée des fils de Jacob qui voulaient se venger. Lorsque le jeune homme de Shalem demanda la main de Dina pour l’épouser, ses frères répondirent avec mauvaise foi en disant qu’il était honteux pour leur sœur d’épouser quelqu’un qui n’est pas circoncis. Et ils exigèrent que tous les hommes de la ville soient circoncis et cela fut accepté. Deux jours après, alors que tous les hommes de la ville étaient encore en peine, les fils de Jacob entrèrent avec leurs serviteurs dans la ville durant la nuit et ils tuèrent le fiancé, son père et tous les hommes. Ensuite ils pillèrent la ville et ils ont pris en captivité les femmes et les enfants. Ainsi sous l’emprise de la colère, les fils de Jacob ont pris comme prétexte l’Alliance sacrée d’Abraham avec Dieu qui avait été scellée dans la circoncision comme moyen de tromperie afin d’assouvir leur vengeance et en rejetant ce qui est saint et tout cela pour réaliser leurs désirs. Lorsque Jacob apprit ce qu’ils ont fait, il dit à ses fils : Vous me troublez, en me rendant odieux aux habitants du pays, aux Cananéens et aux Phérésiens. (Genèse :34 :30). Et puis Jacob s’en alla de cette contrée avec tous ses biens, pourtant il aurait aimé rester, mais c’était à cause de la colère incontrôlée de ses fils. Il a laissé derrière lui une ville meurtrie, des hommes assassinés, et la haine et la colère des habitants de la région étaient sur lui. Cette intervention du diable, en suscitant la colère des fils de Jacob, et par conséquent les habitants de la région, est restée jusqu’à l’accomplissement du voyage vers la terre promise. …
Le chrétien cependant ne doit pas se mettre en colère. Il sait que Dieu veille sur lui et que pas un seul cheveu ne tombe de sa tête sans que Dieu ne le sache. Dans ses relations avec ceux qu’il côtoie, il doit modérer sa colère car le Seigneur ne s’est pas mis en colère contre ceux qui se moquaient de Lui et qui L’ont crucifié. Est-ce que nous allons nous emporter contre notre voisin alors que nous savons qu’il a été créé à l’image de Dieu ? Comment pourrions-nous murmurer contre lui sachant que nous avons agi de même et peut être bien pire ?
L’homme d’aujourd’hui vit sous une telle pression que ses nerfs sont stressés jusqu’à la limite et que la moindre provocation le met en colère. Cela peut être l’enfant qui n’obéit pas, le conjoint qui nous contredit, le conducteur de la voiture qui nous coupe la route…Même si on se retient et que notre colère reste contenue et non remarquée par la personne qui l’a provoquée, cela reste un péché car cela fait du mal à notre âme et à notre cœur. C’est une action dirigée contre nous-même portée par la tentation du diable qui veut que nous ayons la colère. Le Sauveur nous met sévèrement en garde à propos d’une colère qui donne naissance à des conflits verbaux et l’emploi de mots abusifs : Mais moi, je vous dis que quiconque se met en colère contre son frère mérite d’être puni par les juges; que celui qui dira à son frère: Raca! mérite d’être puni par le sanhédrin; et que celui qui lui dira: Insensé! mérite d’être puni par le feu de la géhenne. (Matthieu 5 :22). Remarquez toutefois que Jésus ne sanctionne pas la colère exprimée extérieurement ni celle dans les pensées. Il n’est guère possible de concevoir une pensée mauvaise sans que cela ne corrompt le cœur de l’homme où le Seigneur devrait demeurer. Quiconque a des pensées de colère contre son frère déchire le lien sacré qui le lie à l’autre. Et il est difficile de rétablir ce lien parce-que le démon de la colère, une fois qu’il a pénétré dans le cœur, va fabriquer d’innombrables arguments en votre faveur pour vous empêcher de vous réconcilier. Dans la lettre au Ephésiens, le Saint Apôtre Paul donne des conseils aux habitants de la ville d’Ephèse et il insiste en particulier sur le péché de la colère. La citation du début vient de cette lettre. Sachant que l’homme se met en colère pour diverses raisons et que cette colère a tendance à s’enraciner dans le cœur et à se transformer en haine (ou au moins à créer un fossé), l’Apôtre nous conseille de ne pas laisser le soleil se coucher avec notre colère. En appliquant ce conseil, la force de la colère – qui blesse et risque de devenir un péché bien enraciné – la colère est écartée et sa force éliminée.
Je suis concerné par le péché de la colère comme étant un péché quotidien commis contre ceux qui sont à côté de nous : contre notre famille, nos amis, nos collègues, des étrangers anonymes qui sont sur notre chemin. En une seconde, la colère exprimée furieusement envers notre conjoint blesse le lien sensible qui relie le couple marié. Dans le Mystère (le sacrement) du mariage, l’époux représente le Christ et l’épouse l’Eglise. Dans l’épître aux Ephésiens du saint apôtre Paul que l’on lit au moment de l’office de couronnement des époux au cours de la cérémonie du mariage, dans cette épître il est question de la famille comme l’église familiale dans laquelle l’époux aime son épouse comme le Christ aime l’Eglise, et la mariée aime son mari comme l’Eglise aime le Christ.
Si les époux considéraient leur mariage comme la relation entre le Christ et l’Eglise, le soleil ne se coucherait jamais sur leur colère et ils ne se sépareraient jamais. Et les enfants ne seraient pas placés dans des institutions privées ou publiques comme des objets dont le couple n’aurait plus besoin, ce couple s’étant déchiré par la colère qui ne s’est pas éteinte avec le coucher du soleil. L’amour qu’ils affirment avoir envers leur famille est alors un mot vide de sens qui ne compte pas face au diable qui a alors la situation en main.
Un mot prononcé avec colère blesse autant qu’un coup physique. Si celui qui a blessé ne répare pas les dommages, petit à petit un fossé va se creuser dans le couple, une froideur va tuer l’amour ainsi que le respect mutuel entre les époux, et avec le temps, le fossé s’élargit. Plus tard il sera difficile de construire un pont au-dessus de ce fossé, seulement avec beaucoup d’effort et de peine.
J’ai vu des époux qui se sont entendus durant de longues années, divorcer après et causer de la tristesse à leurs enfants qui étaient déjà grands et parfois mariés. J’ai vu également des époux qui étaient contents, divorcer peu de temps après leur mariage, laissant des enfants en bas âges grandir frustrés et perdus entre père et mère, et qui plus tard, une fois adultes, ne considéraient plus le mariage comme un lien sacré, c’est-à-dire comme le Christ et son Eglise.
J’ai connu des couples qui s’aimaient en Roumanie, mais une fois arrivés aux USA ils sont devenus étrangers l’un à l’autre à cause du stress de se trouver en terre étrangère et des difficultés d’adaptation. Et puis ils sont restés en inimitié jusqu’à la mort parce-que leur colère a explosé avec des mots qui sont durs et qu’ils ont permis que le soleil se couche sur leur colère.
Il y a un proverbe arabe qui dit que lorsque l’on est secoué et sur le point de se mettre en colère, de compter jusqu’à 10. J’ignore si cette méthode est efficace car il n’y a rien de spirituel dans cette méthode, cependant elle fait appel à la raison afin de modérer l’expression extérieure de la colère. Personnellement je conseille à ceux qui viennent se confesser avec moi, qu’avant d’exprimer extérieurement la colère, de dire mentalement 3 ou 5 fois la prière « Seigneur Jésus-Christ Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur », et si à cause de la colère ils ont tendance à la dire sans attention et rapidement, qu’ils se concentrent sur le mot « pécheur » afin de calmer leur colère. Beaucoup ont réussi ainsi à transformer pour le meilleur, leur vie personnelle, leurs relations familiales, leurs relations avec les autres gens, et même leur vie intérieure.
Tous les conflits de ce monde tirent leur origine de la colère non apaisée. Un tel est en colère et il blesse tel autre qui réagit encore plus violemment et avec plus de force. Une fois cet engrenage commencé, il ne peut s’arrêter que par la prière, par une prière authentique.
Modifiez les paramètres de cette équation et remplacez les personnes individuelles par des groupes d’humains et vous constatez l’immense désastre engendré par la colère.
Essayez de mettre un obstacle inamovible en face du démon de la colère. Placez une garde sur votre bouche (Psaume 140 :3) et transformez les pensées inspirées par les pulsions colériques et votre vie intérieure sera transformée. La bénédiction du Seigneur agira dans vos cœurs, votre langue sera moins aiguisée, et la Prière de Jésus prononcée aux moments opportuns vous convaincra de votre état de pécheur, et par conséquent cela vous empêchera d’extérioriser votre colère ou de la garder dans votre esprit et dans votre cœur. Le Nom de Jésus est doux à prononcer. Ce Nom chasse les démons et ramène les anges dans le cœur et dans l’esprit, et vous vous comporterez avec douceur avec les gens.
Homélie prononcée par le P. Georges Calciu
Source : Father George Calciu, Interviews, Homilies and Talks. Saint Herman of Alaska Brotherhood. 2010
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