Paroisse orthodoxe de la sainte Transfiguration Numéro 74, mars 2022
Notre Seigneur a lié indissolublement le pardon de Dieu et celui que nous devons accorder aux hommes qui nous ont fait quelque mal (prière du « Notre Père », Mat. 6,12, et la parabole des deux débiteurs, Mat. 18,21-35). Mais si nous avons besoin, pour recevoir le pardon de Dieu, de celui des autres hommes, ceux-ci ont aussi besoin de notre pardon pour obtenir celui de Dieu. […] Il nous est plus facile de demander pardon à Dieu, parce qu’il s’impose en quelque sorte à nous par sa majesté et que nous reconnaissons sans difficulté théorique notre dépendance à son égard – je ne parle pas des incroyants, mais des croyants. Cependant, il est très difficile, même pour nous les croyants, d’éviter de mépriser des hommes qui ne nous en imposent pas par leur grandeur visible.
De plus, du pardon que nous devons accorder aux autres et de la nécessité de leur demander pardon, cette dernière attitude est la plus difficile. En nous demandant pardon, les autres paraissent se placer dans une situation d’infériorité et cela touche notre cœur en flattant notre orgueil. Demander le pardon pour nous-mêmes implique que nous descendions du piédestal de notre apparente supériorité, que nous reconnaissions notre dépendance des autres. Le même orgueil se cache derrière notre refus de pardonner et notre difficulté à demander pardon. Mais en pardonnant, nous n’avons pas nécessairement renoncé à tout orgueil ; tandis que si nous allons plus loin, jusqu’à la demande du pardon, nous avons abattu le dernier reste de notre orgueil. C’est dans ce cas seulement que notre cœur est sincèrement et purement ému, sans aucun motif ambigu. Le refus du pardon ou de le demander tient notre âme dans la raideur. Le mal que nous a fait l’autre, conservé dans notre souvenir, est une impureté qui demeure en nous, nous intoxique continuellement et répand son odeur nauséabonde dans notre être ; les scintillements ou les ténèbres de cette toxine gênent nos yeux et nous ne pouvons regarder l’autre avec pureté. Ainsi nous ne pouvons pas aimer Dieu et l’autre ne peut pas nous aimer. Seul le pardon sincère dissout ce corps étranger de notre âme et libère nos yeux de cette poutre. Alors, seul l’amour de Dieu peut nous donner le pardon. Le mal que nous avons fait à un autre trouble lui aussi notre âme. Nous sommes inquiets. Cela nous empêche d’avoir devant l’autre un regard direct et limpide. À chaque rencontre avec lui, nous sommes gênés, car nous le soupçonnons de garder en son cœur le souvenir du mal que nous lui avons fait. Mon orgueil m’empêche de purifier mes relations avec lui. Ma demande de pardon peut seule nous amener tous deux dans des relations ouvertes, directes, libres. Si je reste dans mon orgueil, sans demander pardon, je ne puis me tenir en face de Dieu avec un visage ouvert et un cœur attendri. Derrière cette demande de pardon doit vivre un sentiment sincère de pénitence. La pénitence maintient une tristesse dans les yeux, mais les yeux, tout en révélant cette tristesse de la pénitence, ont un regard direct et limpide. C’est avec cette droiture de la pénitence sincère que je dois me présenter devant Dieu pour demander son pardon après avoir demandé pardon à mon semblable. Mes péchés envers Dieu sont innombrables. Tout ce que j’ai vient de Dieu et je devrais en faire don, à Lui et aux autres ; je devrais le louer constamment pour ses bienfaits, par mes paroles et mes actes – mais je ne le fais pas. C’est pourquoi ma pénitence doit être ininterrompue, ainsi que la demande de son pardon et de sa miséricorde. Voilà pourquoi le moine oriental implore la miséricorde de Dieu dans une prière incessante. Ainsi, au moment où il va mourir, voit -on saint Antoine le Grand demander encore du temps pour faire pénitence. Et puisque les péchés envers Dieu sont en même temps péchés envers les autres et inversement, les péchés envers les autres sont eux aussi continuels et nous devons sans cesse leur en demander pardon. C’est là un aspect essentiel de la catholicité de l’Église. L’Église se purifie continuellement dans cette prière de tous pour tous, dans cette pénitence que tous font toujours pour tous. La pureté ou la sainteté de l’Église est un aspect dynamique de sa vie. Les pécheurs ne sont pas écartés de l’Église, il n’y a pas en elle de membres sans péché : tous sont pris dans cette tension de purification par la pénitence, par le pardon mutuel demandé et donné, par la prière de tous pour tous adressée à Dieu pour obtenir son pardon. L’Église n’est pas une société figée, immobile, mais une communion en mouvement, formée d’êtres humains pécheurs qui, en même temps, se purifient par la prière des uns pour les autres – non pour des péchés abstraits, mais pour les péchés, pour les actes imparfaits et pour l’indifférence manifestée à l’égard des personnes concrètes. Dans cette famille vivante apparaissent à tout moment des malaises, mais ils sont surmontés, lavés dans l’océan de son amour, de l’amour mutuel de ses membres. Tous pèchent, mais tous contribuent à la purification : par leur demande de pardon, par le don de leur pardon, par la prière commune et réciproque pour leur pardon. L’état de péché ne prend pas consistance. Ceux qui ont péché ne peuvent pas rester dans l’indifférence, ils sont poussés à demander pardon. Leur conscience, stimulée par le Saint-Esprit, les amène à cette demande. Aussi dès son apparition le péché commence-t-il à se dissoudre par le repentir. Il est dissous par les ondes continuelles de pardon, de prière, d’amour que le Saint-Esprit met en mouvement. L’Église se renouvelle ainsi grâce au Saint-Esprit, par le pardon et la prière réciproques. Elle se renouvelle continuellement et renoue les liens intérieurs de l’amour entre ses membres. En d’autres termes, elle refait son unité intérieure, son harmonie, sa catholicité. L’incapacité des âmes chrétiennes à supporter le péché et le mal causé aux autres, le besoin de demander et de donner le pardon, manifestent l’une des forces de l’Église pour se purifier, se renouveler, refaire continuellement son unité et ses liens intérieurs pour être comme une symphonie dans le Christ. Ainsi se manifeste le mystère de sa persistance et de son perpétuel rajeunissement.
Prof. Dumitru STANILOAE Tiré de : Prof. Dumitru STANILOAE, Bréviaire hésychaste, in Revue Irénikon 47, 1974, pages 368-373
Divine Liturgie Tous les dimanches à 9h30
Dimanche 6 mars: le pardon Epitre : Rom 13,11 – 14,4 ; Evangile : Mat 6, 14-21
7: début du grand Carême
13 : le triomphe de l’orthodoxie Epitre : Héb 11, 24-26, 32-40 ; Evangile : Jean 1,43-51
20 : Grégoire Palamas Epitre : Héb 1,10 – 2,3 ; Evangile : Marc 2/1–12
27 : la sainte Croix Epitre : Héb 4,14 – 5,6 ; Evangile : Marc 8, 34 – 9, 1
Eglise orthodoxe de la Sainte Transfiguration Grande-Rivière N-O Ile Maurice (derrière le garage Bala)
Divine Liturgie Chaque dimanche à 9h30 Site WEB: http://orthodoxchurchmauritius.org
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