Rendre grâces

 

 

Toute personne qui sait rendre grâces peut accueillir le salut.

Père Alexandre Schmemann

Source : http://glory2godforallthings.com/2012/11/11/a-life-of-thanksgiving/

Je viens de passer une semaine au Nouveau-Mexique, en visitant un monastère et en effectuant une retraite à Santa Fe. Une des personnes qui participaient  à la retraite m’a rappelé ce post sur le don et la grâce et a raconté comment ce post lui a été bénéfique.

Nous arrivons à la période où les Américains célèbrent l’action de grâce (Thanksgiving) – ce qui se traduit souvent par un repas copieux et une réunion de famille. Je ne vais pas dire cette année que je suis reconnaissant  pour de nombreuses choses – puisque comme vous allez le lire – toute chose est une occasion pour rendre grâce. Cependant au cours de la dernière année, j’ai appris  encore une fois et plus profondément que jamais que la vie d’action de grâces est la vie qui est vécue en toute droiture.

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Je ne crois pas qu’il soit possible d’épuiser ce sujet. J’expose quelques suggestions sur la façon dont nous pourrions construire et maintenir une vie d’action de grâces. Une pensée particulière est accordée à ces moments où rendre grâces est difficile.

1. Je dois croire que Dieu est bon.

J’ai eu du mal sur ce point  pendant de nombreuses années. Je croyais que Dieu était souverain, je croyais qu’Il était le Créateur du ciel et de la terre, je pensais qu’il a envoyé son Fils unique afin de mourir pour moi. Mais en dépit d’une foule de doctrines auxquelles j’ai donné une certaine forme de consentement, je n’avais pas inclus parmi ces doctrines (et c’était à cause de ce que je ressentais dans mon cœur) le simple et franc consentement que Dieu est bon. Mon beau-père, un diacre baptiste très simple mais d’une grande foi, croyait en cette vérité simple avec une certitude absolue qui ébranlait chacun de mes arguments. Je le connaissais depuis plus de 30 ans. Quand j’étais jeune (et beaucoup plus fou) je voulais discuter avec lui – et je ne voulais pas être manœuvré par ses rapides et astucieuses réponses théologiques (en fait c’était moi qui essayait de manoeuvrer en étant rapide et rusé) – mais souvent nos discussions finissaient avec son sourire et un simple aveu: «Eh bien, je ne sais pas répondre sur ce point, mais ce que je sais c’est que Dieu est bon. » Au fil des années, je me suis rendu compte, qu’à moins que je ne crois que Dieu est bon, je ne serai jamais en mesure de rendre réellement grâce. Je pourrais remercier Dieu quand les choses allaient bien, mais pas autrement.

Ce simple point a été martelé en moi toutes les semaines, voire tous les jours, après que je sois devenu orthodoxe. Il n’y a pratiquement aucun office de l’Eglise orthodoxe qui ne termine ses prières de bénédiction en proclamant : «Car Tu es un Dieu bon et ami de l’homme. » Un corollaire de la bonté de Dieu est la réconciliation avec le Dieu courroucé de certaines conceptions de théologies  occidentales (ou plutôt les incompréhensions  à propos du  « Dieu courroucé»). Dans le fond il y avait cette crainte que derrière tout ce que je pourrais dire sur Dieu, que Dieu était malgré tout un Dieu en qui que je ne pouvais pas faire confiance – car Il pourrait se comporter différemment selon les circonstances.

Cela est tellement en opposition aux écrits des Pères et à l’enseignement  de la foi orthodoxe. Dieu est bon et sa miséricorde dure à jamais comme le psalmiste nous le dit. Dieu est bon et même les choses que les êtres humains qualifient de «colère de Dieu» sont, tout au plus, le châtiment d’amour d’un Dieu qui me sauve de choses bien pire que je risque de me faire à moi-même s’Il ne m’aimait pas assez pour m’attirer plus profondément dans son amour et loin de mon péché.

Le verset de Romains 8 reste la pierre angulaire de notre compréhension de la bonté de Dieu: «Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu et sont appelés selon Son dessein» (8:28). Il y a des mystères quotidiens impliqués dans cette affirmation de la foi – des moments et des événements que je n’ai aucun moyen d’expliquer ou d’intégrer dans une économie générale de la bonté. Mais c’est précisément là que mes conversations avec mon beau-père nous menaient. Je trouvais beaucoup de cas particuliers et de «si» et il répondait: «Je ne sais pas à ce sujet. Mais je sais que Dieu est bon.  »

Comme les années ont passé, j’ai réalisé qu’être sage ne consiste pas à trouver un moyen d’expliquer les choses, mais à installer dans mon cœur cette vérité qu’en réalité « je ne sais pas expliquer telle chose  mais ce que je sais, c’est que Dieu est bon.  »

2. Je dois croire que sa volonté pour moi est bonne.

(…)  pour certains, cette affirmation est un énoncé philosophique («Dieu est bon») ou bien de façon plus spécifique, « Sa volonté pour moi est bonne. » Il y a des années, quand mon fils était  enfant, il a rencontré une difficulté dans sa vie. En tant que parent j’ai été frustré (et j’étais secrètement en colère contre Dieu) et ma foi a été ébranlée. J’avais déjà décidé de ce  qui est «bon» pour la vie de mon fils et la réalité minait mon fantasme. Dans un moment de prière  je me suis retrouvé tout d’un coup comme stoppé brutalement dans ma prière avec ce que je peux seulement  présenter comme étant une interruption venant de Dieu. Je ne vais pas décrire mon expérience mais cela ne pouvait pas être plus clair. Dieu me faisait comprendre l’affirmation simple suivante: «Ceci est pour son salut. »

Mon accablement ne pouvant être plus grand. Que répondre à une telle affirmation? Comment suis-je censé savoir ce que dont mon enfant a besoin pour son salut (et cela dans le  long terme tel que compris par les orthodoxes?). J’ai toujours prié avec une ferveur inégalée pour le salut de mes enfants.  Mais en fin de compte, quelle que soit la façon dont ils vont traverser  cette vie, qu’ils obtiennent grâce et l’union avec le Christ est tout ce que je demande pour eux. Pourquoi devrais-je douter que Dieu réalise ce que je demande? Dans les années qui ont suivi, j’ai pu constater que la Parole de Dieu que j’ai reçue à cet instant comme se réalisant  en tout moment et c’est ainsi qu’EIle continue à fonctionner à merveille dans la vie de mon fils en qui je vois un homme chrétien se tenir devant moi. La volonté de Dieu pour moi est bonne. Dieu ne cherche pas à nous empêcher de faire le bien, ou à rendre difficile  notre salut. La vie n’est pas un test que nous passons. Sans doute, la vie est remplie de difficultés. Nous vivons dans un monde déchu. Mais Dieu est à l’œuvre ici et maintenant et partout pour mon bien.

Mon beau-père avait une histoire préférée dans la Bible (parmi d’autres): l’histoire de Joseph et de ses frères. A la fin de l’histoire, lorsqu’en Egypte Joseph se révèle à ses frères – ceux qui l’avaient vendu comme esclave – Joseph dit, « . Vous avez voulu me faire du mal, mais le Seigneur a voulu en faire du bien ». C’est ce que saint Paul confesse dans Romains 8-28 : « Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu ».  Le monde peut nous fournir de nombreuses  situations  qui sont extérieurement mauvaises. Mais notre Dieu est un Dieu bon et il veut que  toutes les choses soient pour notre bien. Je peux avouer sa bonté pour tous les instants..

3. Je dois croire que la bonté de Dieu est sans limite.

Je n’ai pas su que la bonté de Dieu est sans limite durant de nombreuses années, je ne l’ai compris qu’après avoir passé une période d’un mois à étudier le sens de «la jalousie».  Beaucoup de gens aujourd’hui (et certainement dans le monde de l’Antiquité) croient que le Bien est limité. Si vous jouissez de quelque chose de bon, alors il se peut que ce soit à mes dépens. Une telle pensée est le terreau de la jalousie. Les Grecs et les Romains croyaient que cela est vrai à un degré tel qu’ils craignaient que l’excellence  ne provoque la jalousie des dieux. Nous ne pensons plus aujourd’hui dans les mêmes termes métaphysiques, mais souvent à un niveau profond, nous pensons que les bonnes intentions de certains atténuent en quelque sorte  les nôtres. Au sein de ce ver qu’est la jalousie, de la colère et l’envie nous dévorent. Le bien dont quelqu’un d’autre jouit ne se fait pas à mes dépens.

Pour bénir Dieu pour Sa bonté nous avons aussi besoin de bénir Dieu pour Sa bonté envers tout le monde et de savoir qu’Il est le dispensateur de tout don excellent et parfait – et que Sa bonté est sans limite.

4. Je dois croire que Dieu est bon et je dois le savoir sur la plan personnel au plus profond.

Dieu a manifesté sa bonté pour nous dans la révélation de son Fils, Jésus-Christ. Dans le Christ, nous voyons la plénitude de la bonté de Dieu. La bonté de Dieu va jusqu’à la Croix pour nous. La bonté de Dieu nous cherche en enfer et nous apporte la victoire. La bonté de Dieu ne cessera pas dans Ses efforts pour nous réconcilier avec le Père.

Mon beau-père a eu une autre histoire favorite dans la Bible (je l’ai dit, il en a  plusieurs): celle des trois jeunes gens dans la fournaise. Cette histoire est par ailleurs une histoire favorite  du culte liturgique orthodoxe. Elle se présente comme une image biblique de notre sauvetage de l’Hadès. Au milieu de la fournaise ardente, avec les trois jeunes hommes, il y a l’image d’un quatrième. Le Christ est avec eux, et dans l’hymnographie de l’Eglise, le feu est devenu comme la rosée du matin. Pour mon beau-père c’était la confession des trois jeunes hommes face aux  menaces maléfiques de Nabuchodonosor. Face à ses menaces de mort dans un terrible holocauste ils ont proclamé: «Notre Dieu est capable de nous délivrer, ô roi. Mais même s’il ne le fait pas, néanmoins, nous ne prosternerons pas pour adorer votre image. C’était leur  « néanmoins » qui faisait monter les larmes aux yeux de mon beau-père. Une grande partie de notre expérience dans ce monde ici-bas comporte des fournaises dans lesquelles nous sommes poussés malgré notre foi dans le Christ. C’est dans ces cas que la foi en la bonté de Dieu dit: «Néanmoins! » C’est la confiance dans la bonté de Dieu par-dessus toutes choses.

J’ai vu mon père-frère survivre à un terrible accident de voiture, et toute la famille a vu son lent combat contre la maladie qu’il devait perdre (un lymphome) les trois dernières années de sa vie. Mais aucun d’entre nous ne l’a vu autrement que rendre grâce à Dieu et à prendre joie à décrire la bonté du Seigneur.

Plusieurs années auparavant, je m’étais échauffé bêtement  avec lui dans une de nos «discussions théologiques ». Je poussais de toutes mes forces contre ce qui valait son assurance inébranlable en la bonté de Dieu. Je me rappelle comment (ce jour- là) il a terminé son argumentation. Il m’a dit : « Marque bien comment je vais mourir. » C’était son dernier mot en la matière. Il n’y avait rien à dire contre une telle déclaration. Et il a fait à nouveau – mais non verbalement – cette déclaration  les dernières années de sa vie. J’ai bien marqué la manière dont il est mort et je ne peux que confesser: «Dieu est bon! Sa miséricorde dure à jamais ». Car quelles que soient les difficultés que cet homme chrétien (bien aimé de Dieu) rencontrait, néanmoins, aucun moment n’était rien de moins qu’une occasion pour rendre grâce.

J’ai vu la bonté de Dieu sur la terre des vivants.

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