P. George Calciu: Un chrétien du XXème siècle pareil aux martyrs de l’Eglise primitive
Sources (1) http://www.firstthings.com/onthesquare/2011/04/fr-george-calciu-first-century-christian-in-the-twentieth-century ( le 21 avril 2011) par Wesley J. Smith
(2) Revue : The Orthodox Word. No255 (2007) St Herman of Alaska Press. Platina.
CA 96076. USA
Je n’en n’avais aucune idée. Mais pour être plus précis, avant ma conversion à l’orthodoxie je savais que l’Eglise orthodoxe était persécutée (en vue de sa disparition) par les communistes, mais j’ignorais que la dureté de la persécution pouvait être semblable à celle infligée à l’Eglise primitive.
Le père George Calciu (1925-2006) faisait partie de ceux qui ont souffert pour le Christ. Roumain de naissance, ayant été éduqué selon l’enseignement de l’Eglise orthodoxe, puis prêtre, Calciu a passé 22 années de sa vie en prison, ayant connu la torture et un lavage de cerveau à cause de son témoignage évangélique et de sa critique du matérialisme communiste.
La biographie exceptionnelle du P. George Calciu se trouve dans le livre remarquable « Father George Calciu :Interviews, Homilies and Talks » [ Que l’on peut commander sur http://www.stherman.com/Catalog/Lives_of_Saints/Father_George_book.html]
Ce livre est en premier lieu une biographie construite à partir de plusieurs entretiens avec le P. George. Ce livre contient également ses homélies, notamment les célèbres « 7 homélies pour les jeunes » qui sont une série d’homélies prononcées durant le Grand Carême en 1978.
G. Calciu était le plus jeune parmi les 11 enfants d’une famille de pieux chrétiens orthodoxes. La Roumanie devint communiste en 1944 et aussitôt le nouveau pouvoir a commencé à persécuter l’Eglise. A cette époque Calciu était étudiant en médecine et sa foi qu’il proclamait en faisait un suspect de premier plan. Il a été mis en prison en 1948 et il a été sujet à des expériences de manipulation mentale, il a subi la torture afin de renier le Christ et il était forcé de faire de même envers les autres prisonniers pour qu’ils renient à leur tour le Christ. « Ils voulaient notre âme, pas notre corps » disait-il en relatant cette période.
Il est resté en prison durant 16 ans après son arrestation en 1948 ; la prison était celle de Pitesti et on y menait des expériences de re-éducation. Les prisonniers subissaient une torture mentale afin de les faire renoncer à ce qu’ils aimaient, à savoir la famille et Dieu. Une fois que les bourreaux avaient terminé avec un groupe de prisonniers, ces mêmes prisonniers devaient recourir aux mêmes méthodes envers d’autres prisonniers. Personne ne pouvait résister à cette torture raffinée, et de nombreux prisonniers essayaient de se suicider. Malgré son éducation pieuse, George Calciu n’était pas préparé aux horreurs de Pitesti ; il a raconté par la suite que « Vous saviez que le lendemain vous allez dire des choses contre Dieu, mais il arrivait qu’à certains moments dans la nuit, vous versiez des larmes, vous criez vers Dieu et vous commencez à prier Dieu pour qu’Il vous pardonne et vous aide, et ces moments étaient très bons ». Malgré ces tortures et le fait que George a verbalement renié Dieu, cette expérience a confirmé la connaissance qu’il avait de l’amour de Dieu pour l’homme. ..Et parce-qu’il y a eu des personnes comme George Calciu on peut dire que l’expérience de Pitesti a échoué.
A Pitesti, George a fait le vœu de devenir prêtre s’il devait en sortir vivant.
Libéré en 1964, il s’est marié, a eu un fils et a obtenu un doctorat en français. Il a été engagé comme professeur de français dans un séminaire de théologie… puis il a été ordonné prêtre en 1973.
Le P. George et sa famille vivaient paisiblement jusqu’à ce que le pouvoir communiste reprenne ses attaques contre l’Eglise. Considérant qu’il était appelé à annoncer (l’Evangile) (bien que cela doit le conduire au sacrifice), il a offert 7 homélies à la jeunesse roumaine, chacune s’appuyant sur la suivante et cela durant les mercredis du Grand Carême. C’était un moment de grand courage dans la Roumanie de 1978 : son église lui a été interdite par le Patriarche de l’Eglise orthodoxe en Roumanie qui était terrorisé, il a alors prêché sur les marches de son église…
Dans sa première homélie intitulée « l’Appel », le P. George invite les jeunes à écouter la voie de Jésus émettant ainsi une voix subversive face au régime communiste : « Que sais-tu du Christ jeune homme ? Si tout ce que tu sais est ce qu’on t’a appris dans les cours d’athéisme à l’école, alors tu as été privé d’une vérité, de la seule vérité qui puisse te rendre libre. Qui a placé un écran devant tes yeux pour t’empêcher de voir la plus belle lumière d’amour proclamée et vécue par le Christ ?… »
La réponse à cette question était évidente puisque les éducateurs étaient nommés par le régime communiste. Alors le P. George fait cette invitation : « Venez à l’Eglise du Christ pour apprendre ce que sont la pureté et l’innocence, ce qu’est la douceur et ce qu’est l’amour. Vous y trouverez votre place dans la vie et le but de votre existence. Pour votre plus grand étonnement vous allez découvrir que votre vie ne s’achève pas avec la mort mais qu’elle se termine avec la résurrection ; vous saurez que notre existence est centrée sur le Christ et que (notre passage) dans ce monde n’est pas un intervalle de temps creux où le néant prédomine…Jésus vous cherche…Il vous a trouvé !!! ».
Semaine après semaine, avec passion, le P. George Calciu a développé méthodiquement son message évangélique…Dans la seconde homélie il exhorte à bâtir des églises, dans la troisième, il évoque le Ciel et la Terre, dans la quatrième la Foi et l’amitié, dans la cinquième, pressentant ce qui devait lui arriver, il parle de la souffrance et du rôle du prêtre. Dans la sixième il développe la théologie de la mort et de la Résurrection, et juste avant Pâques, il conclut par une remarque aimante assurant son auditoire du pardon de Dieu. Et il termine sa dernière homélie par un extrait de l’homélie pascale de Saint Jean Chrysostome qui est lue à chaque fête de Pâques dans toutes les églises orthodoxes
…Que celui qui a travaillé dès la première heure reçoive à présent son juste salaire! Si quelqu’un est venu après la troisième heure, qu’il célèbre cette fête dans l’action de grâces! Si quelqu’un a tardé jusqu’à la sixième heure, qu’il n’ait aucune hésitation, car il ne perdra rien! S’il en est un qui a différé jusqu’à la neuvième heure, qu’il approche sans hésiter! S’il en est un qui a traîné jusqu’à la onzième heure, qu’il n’ait pas honte de sa tiédeur, car le Maître est généreux, il reçoit le dernier aussi bien que le premier. I1 admet au repos celui de la onzième heure comme l’ouvrier de la première heure. Du dernier il a pitié et il prend soin du premier. À celui-ci il donne; à l’autre il fait grâce. Il agrée les œuvres et reçoit avec tendresse la bonne volonté. Il honore l’action et loue le bon propos. Ainsi donc, entrez tous dans la joie de votre Seigneur et, les premiers comme les seconds, vous recevrez la récompense. Riches et pauvres, mêlez-vous, abstinents et paresseux, pour célébrer ce jour. Que vous ayez jeûné ou non, réjouissez-vous aujourd’hui. La table est préparée, goûtez-en tous; le veau gras est servi, que nul ne s’en retourne à jeun. Goûtez tous au banquet de la foi, au trésor de la bonté.
Que nul ne déplore sa pauvreté, car le Royaume est apparu pour tous. Que nul ne se lamente sur ses fautes, car le pardon a jailli du tombeau……….
Le Christ est ressuscité, et les démons sont tombés. Le Christ est ressuscité, et les Anges sont dans la joie. Le Christ est ressuscité, et voici que règne la vie. Le Christ est ressuscité, et il n’est plus de mort au tombeau……
A la fin du Grand Carême le P. George savait ce qui l’attendait, car après des mois d’intimidation et de menaces de mort, ce qu’il attendait est arrivé. Ceaucescu (le chef de l’Etat) a donné l’ordre à la Securitate (police secrète en Roumanie sous le régime communiste) de faire disparaître le P. George. Cette fois-ci le P. George était plus mûr que lors de son premier emprisonnement, et malgré les coups, la torture et la privation il ne plia pas. Il arrivait qu’à cause de l’extrême épuisement dû aux interrogatoires continuels il oubliait la prière du Notre Père mais il se rappelait toujours la prière de Jésus : « Seigneur Jésus-Christ Fils de Dieu aie pitié de moi pêcheur »…il n’était plus effrayé et était capable de résister.
Il a passé des années en confinement solitaire. Il ne recevait aucune nouvelle de sa famille qui elle aussi ignorait tout de lui. Une nuit, le P. George a entendu des cloches d’église sonner…c’était Pâques. Au matin suivant, le plus dur parmi les gardiens de la prison entra dans sa cellule, c’était quelqu’un qui prenait plaisir à tabasser et à torturer. Le P. George était censé alors se tourner vers le mur, au lieu de cela il regarda audacieusement le gardien et lui proclama « Christ est ressuscité ». Au lieu de lui donner un coup, le gardien marqua une pause puis répondit « En vérité, Il est ressuscité » et il quitta nerveusement la cellule.
Voici comment le P. George relate cet évènement : « A Pâques en 1981, j’étais à la prison d’Aiud. Tôt ce matin, lors du changement de gardiens, j’ai rompu le règlement diabolique de la prison en disant au gardien, l’un des plus cruels, « Christ est ressuscité ». Il hésita un peu et durant ces moments d’hésitation, comme pour un éclair, j’ai vu passer sur son visage l’innocence de son enfance, lorsque sa maman ou sa grand’mère devait le tenir par la main et le prendre à l’église et où il devait entendre comme une voix angélique le prêtre proclamer « Christ est ressuscité ». Après ce moment d’hésitation il me répondit doucement « En vérite, Il est ressuscité ». C’est pour moi la preuve que je ne me suis pas trompé sur son regard ; la personne qui me torturait me confirmait la Résurrection du Seigneur ! J’ai alors pleuré en silence et j’ai versé des larmes de joie ». Et c’est alors que le P. George a expérimenté une vision que les théologiens orthodoxes appellent la Lumière Incréée : « …Après le départ du gardien peu à peu, je me suis vu rempli de Lumière…Tout dans la cellule était rempli de Lumière…Je ne peux exprimer en paroles la joie qui m’a alors envahi. Je ne peux rien expliquer. C’est arrivé tout simplement et je n’ai aucun mérite ».
On place une autre fois le P. George avec deux criminels ayant pour mission de le tuer, mais au lieu de cela il les convertit au Christ. Entretemps Ceaucesu était pressé par les Occidentaux de ne pas causer du mal au prêtre dissident. Sur quoi il fut relâché (en 1984) et renvoyé vers les Etats Unis où il passa le restant de sa vie.
Le P. George vivait ce qu’il annonçait, il n’avait pas de haine envers ses bourreaux mais il priait pour eux…Frederica Mathewes Green, une fille spirituelle du P. George le décrit ainsi : « Il avait un sourire rayonnant…Il était gai…affectueux tenant aisément la main de son interlocuteur… ».
Le P. George a vécu le genre de vie que de nombreux chrétiens prient d’obtenir mais que la plupart ne souhaitent pas réellement avoir. Mais le message du P. George Calciu est clair : la persécution et le martyre malgré toute leur dureté conduisent à renforcer la foi et à la victoire finale. Ainsi que nous autres orthodoxes disons quand nous remémorons ceux qui se sont endormis dans le Seigneur : P. George de bienheureuse mémoire, prie pour nous pêcheurs.
Wesley J. Smith is a senior fellow at the Discovery Institute’s Center on Human Exceptionalism. His blog Secondhand Smoke is hosted by First Things.