DU CONTROLE DE CE QUE L’ON DIT (DU CONTROLE DE SA LANGUE)
Homélie prononcée par Serge Metchev dans les années 1920 à Moscou.
Serge Metchev est né en 1892, après avoir terminé ses études il devint prêtre en 1918 (donc juste au début de l’ère soviétique). Il est fils du prêtre Alexis Metchev. Il a servi à Moscou jusqu’à la fin de 1929. Il fut alors arrêté et déporté au grand nord. Libéré 3 ans après il fut de nouveau arrêté en 1934 (durant cette période des années 1930 Staline voulait éradiquer complètement l’Eglise). Il fut exécuté en 1941. Il a été déclaré saint par le Patriarcat de Moscou. A noter qu’il était marié et père de 3 enfants.
Pour celui qui a commencé le chemin de la métanoïa (Métanoïa (n.f.) : grec » pénitence, conversion, repentir « . L’action de l’esprit qui se détourne du monde pour aller vers Dieu, dans une profonde attitude de reconnaissance de ses péchés et ses faiblesses et de la miséricorde divine.) Il n’est plus naturel de juger les autres et de s’étendre en vain bavardage. Celui qui se repent doit garder le silence lorsque c’est possible en vue de son salut. Cependant nous continuons à bavarder futilement, jugeant constamment les autres et les critiquant, et nous continuons ainsi à faire du mal avec notre langue. Ce faisant, nous faisons du mal à nous-mêmes qui disons du mal des autres et nous faisons également tort à ceux qui écoutent nos médisances.
Les Saints Pères disent que notre langue est un tout petit organe, mais qui peut faire un mal immense…En ne contrôlant pas notre langue nous permettons qu’elle devienne une arme pour tuer. Saint Antoine le Grand (Moine Egyptien du 4ème siècle) dit clairement : « Celui qui accepte ce que dit un calomniateur qui dit du mal des autres est comme celui qui s’associe avec un meurtrier ». Comme vous le constatez, le calomniateur et le meurtrier sont mis sur le même plan selon les paroles des Saints Pères. Eloignez-vous de celui qui calomnie quel qu’il soit et n’ayez pas honte de vous éloigner de lui. Les Saints Pères de notre Eglise nous disent qu’il est préférable de vivre avec un serpent qu’avec un calomniateur. Saint Jean Climaque (Moine du Sinaï, 7ème siècle) interdit de rendre estime à de telles personnes : « N’accordez jamais de l’estime à une personne qui vous dit du mal d’un voisin. Ainsi vous apporterez la guérison à vous-mêmes et à votre voisin ».
Vous pouvez penser mes amis que ces observations concernent la calomnie ; mais que faire si lorsqu’on parle mal de quelqu’un il s’avère que les faits rapportés soient exacts ? Comme il se trouve que nous sommes enclins à la médisance, mieux vaut pour nous de ne pas participer à de telles conversations. Après tout nous pouvons contacter la personne dont on dit du mal et lui dire « ils disent ceci et cela à propos de vous » ou encore nous pouvons en parler avec une tierce personne, puis avec une quatrième et ainsi de suite. Et si vous voulez arrêter celui qui parle sur quelqu’un d’autre il va habituellement se justifier en disant que ce qu’il rapporte il l’a entendu de ses propres oreilles. Et alors qu’est-ce qui va se passer ? Celui qui dit du mal va en tirer quelque fierté. Non mes amis, un chrétien ne doit pas agir ainsi même si il a été témoin d’un acte vil. Il ne doit pas répandre le pêché d’une autre personne mais le couvrir de son amour. Apprenons ceci des saints. Voici un exemple.
Un ermite arriva un jour dans un petit monastère où vivaient des personnes pratiquant l’ascèse. L’higoumène (le supérieur) du monastère lui accorda une cellule et l’ermite commença à vivre en harmonie avec la communauté. Mais cette harmonie a été rompue par le fait que le nouvel arrivé reçut la visite de nombreuses personnes venant lui demander conseil. Piqué par la jalousie, l’higoumène envoya un jeune disciple chez le nouvel arrivant avec l’ordre de quitter le monastère. Il ordonna au jeune disciple de lui transmettre ces paroles : « Va-t’en de d’ici vers d’où tu es venu ». Le jeune disciple se rendit chez le nouvel arrivé, et bien que par obéissance envers l’higoumène qui était également son père spirituel il devait rapporter exactement les paroles prononcées, il se mit à réfléchir : « Si je transmets ces paroles au nouvel arrivé comme l’higoumène les a dites, je risque d’élever de la malice en lui et il y aura hostilité entre ces deux anciens. Il vaut mieux qu’au Nom du Seigneur et pour préserver la paix que je cache ces vilaines paroles et que je prenne tout sur moi. » Ainsi, lorsque le jeune disciple arriva chez l’ermite (nouvellement arrivé) au lieu de lui dire « Va-t’en d’ici » comme il le lui a été ordonné, il s’inclina devant lui et dit : « Mon père spirituel m’a demandé de m’enquérir auprès de vous. Est-ce que vous allez bien ? » Ce à quoi l’ermite répondit : « Dîtes à votre père spirituel que je lui demande de prier pour moi car je suis un peu malade ». A son retour, le disciple dit à son père spirituel : « Cet ancien (l’ermite) a trouvé pour lui-même une autre cellule, il va partir bientôt »… Quelque temps après, l’higoumène envoya de nouveau son disciple pour chasser l’ermite nouvellement arrivé. Et le disciple une fois arrivé chez cet ermite lui dit : « Mon père spirituel ayant appris que vous étiez malade m’a envoyé pour vous rendre visite ». Et l’ermite de répondre : « Dîtes à votre père spirituel que par ses prières je suis à présent complètement rétabli ». Le jeune disciple rapporta quelque-chose d’entièrement différent à son père spirituel : il lui dit que l’ancien nouvellement arrivé demandait à rester une semaine de plus et qu’ensuite il partirait. Une semaine plus tard, l’higoumène en rage décida de chasser lui-même l’ermite de sa cellule. Apprenant cela, le jeune disciple par amour pour son père spirituel courut informer le nouvel arrivant que son père spirituel venait pour lui demander de se joindre à lui dans le réfectoire. A cette nouvelle, l’ermite sortit de sa cellule pour aller à la rencontre de l’higoumène et lorsqu’il le vit, le regardant avec plein d’amour il lui dit : « ne te dérange pas jusqu’à moi, je viens vers toi ». Surpris par l’absence de malice chez l’ermite, l’higoumène fut touché dans son cœur et sa méchanceté s’évanouit. Il conduisit l’ermite jusqu’au réfectoire. Lorsque l’ermite s’en alla peu après, il sut comment son disciple avait agi. L’appelant, il se prosterna à ses pieds et lui dit : « Dorénavant c’est ton mon précepteur, car par ce que tu as dit nos âmes ont été sauvées ». C’est ainsi mes amis que les saints agissent. Même lorsqu’ils sont chargés de dire ou de faire quelque-chose de mal ils ne le font pas même s’il s’agit d’un ordre donné par des anciens. Alors que nous, c’est avec rapidité et plaisir que nous rapportons tout ce qui est mauvais à propos d’une personne ; et si c’est quelque-chose que nous avons entendu, nous objectons vigoureusement si nous sommes interrompus, nous nous blessons les uns les autres, et nous faisons comme les Saints Pères le disent le travail des scorpions et des serpents avec notre langue.
Durant les jours de carême (Remarque : le carême de la Nativité de Notre Seigneur débute le 15 novembre) nous devons plus que tout surveiller notre langue. Ceux qui pratiquent l’ascèse se sentent très mal lorsque l’on médit sur le voisin. Et nous-mêmes, au nom de ce qui paraît être la vérité, nous faisons constamment le mal. Toutes les sociétés souffrent plus que tout de la calomnie et des condamnations qui sont propagées de toutes sortes de façon.
Donc, puisque nous essayons de nous repentir (faire métanoïa), venez mes amis, surveillons notre langue, menons le combat intérieur et nous obtiendrons un gain immense. Ne disons pas du mal des autres mais au contraire prions pour celui dont on dit du mal : si nous nous rappelons qu’une seule de nos paroles peut détruire tout un réseau de liens entre les gens, alors nous comprendrons pourquoi Saint Ephrem le Syrien (7ème siècle) demande dans la prière dite pour le carême au Seigneur d’éloigner de nous toute vaine parole (ou encore tout bavardage vain)…Luttons par tous les moyens d’abandonner l’habitude de parler du mal des autres ainsi que de la calomnie et de la condamnation. Alors nous aurons beaucoup plus d’amis en Dieu et qui partagent la lutte contre le pêché, et cela nous unira au troupeau Un de Notre Seigneur Jésus-Christ. Amen.
la prière de carême de saint Ephrem le Syrien
Seigneur et Maître de ma vie,
ne m’abandonne pas à l’esprit de paresse, de découragement, de domination
et de vain bavardage !
Mais fais-moi la grâce, à-moi ton serviteur,
de l’esprit de chasteté, d’humilité, de patience et de charité.
Oui, Seigneur-Roi,
Accorde-moi de voir mes fautes et de ne pas condamner mon frère,
ô Toi qui es béni dans les siècles des siècles. Amen.
Extrait de : Orthodox Heritage Vol.11 N° 09-10 (2013)