Nous ne ferons pas de ce monde un monde meilleur

 

 

Dans un billet précédent (http://www.orthodoxie-reunion.com/?m=201401)  il avait été question du « projet de la modernité » . Il s’agissait du monde dans lequel nous vivons. Ses conceptions, ses idées, ses présuppositions sont bien inculquées en nous sans hésitation aucune et sans esprit critique. Nous sommes des hommes modernes.

Cependant l’Evangile n’est pas moderne et de nombreuses idées issues de la modernité sont en opposition avec l’Evangile. Il faut donc dans un esprit de discernement questionner et examiner les postulats de base du monde moderne.

« Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. (Romains 12 :2).

La modernité croit au progrès. Elle est convaincue et se dévoue à l’idée que les choses évoluent en s’améliorant à l’instar des puces informatiques qui deviennent plus petites, plus performantes et moins chères. Ainsi le monde va en se perfectionnant, il évolue positivement, il devient plus civilisé, plus libre, plus juste, plus sain, plus intelligent et plus sage. Nous supposons que nous savons davantage et que nous comprenons mieux que ceux qui nous ont précédés ; nous sommes leur accomplissement.

Je suis certain que les lecteurs mettront des exceptions à ce qui vient d’être écrit. Cependant même si nous convenons que certaines de ces assertion ne sont pas vraies (par exemple nous ne sommes pas plus sages), nous pensons qu’il devrait en être ainsi ! Les débats politiques tournent autour de l’idée d’établir des programmes afin d’améliorer l’état du monde. Mais personne ne suggère qu’un monde meilleur est une idée erronée.

L’idée d’un monde meilleur procède d’une erreur dans ce qui est pensé.

C’est en vain que l’on chercherait l’idée d’un monde meilleur avant le XVIème siècle. Bien que dans l’Evangile on décrive la Jérusalem Céleste, il s’agit de la Cité qui est au Ciel, ce n’est pas un modèle pour un but à réaliser dans le monde d’ici-bas. Le Royaume des Cieux n’est pas de ce monde et ne peut être un objectif qui peut être construit ou obtenu par notre travail. Le Royaume de Dieu est un don, il vient déjà dans le monde et ne peut être arrêté. Mais le Royaume des Cieux ne peut être mesuré par le progrès social ou l’amélioration des conditions humaines. Sa référence est le Christ crucifié et ressuscité. Il est la Première instance du Royaume et le seul signe qui définit la nature du Royaume. Ce qui n’est pas passé à travers la croix et la Résurrection n’est pas encore dans le Royaume.

Alors d’où provient l’idée du progrès dans le projet de la modernité ?

Cela vient sans doute de la Réforme qui a semé l’idée de progrès. Le courant qui a voulu réformer l’Eglise a pénétré la société et lui a donné des idées similaires. Il y eut ainsi des réformes radicales qui ont entraîné des transformations politiques et sociales. Une des réformes les plus durables a été celle du puritanisme en Angleterre et qui est passée ensuite aux Etats Unis…

Au cours de la première moitié du XIXème siècle, des mouvements religieux ont combattu l’esclavage [Rappel : l’auteur s’intéresse aux Etats Unis d’Amérique]   (avec la guerre civile qui s’en suivit) et ces mouvements ont fourni les bases de ce qui deviendrait la prohibition de l’alcool et le vote des femmes. Les succès de ces mouvements ont alimenté l’imagination de ceux qui rêvaient du mariage entre l’Evangile et la technologie moderne. Comme d’autres mouvements de « réveils chrétiens » se créaient, ainsi il se développait en parallèle l’idée d’un progrès qui conduit au Royaume de Dieu.

Les affirmations de ces mouvements peuvent se retrouver dans le mouvement socialiste fabien en Angleterre ainsi que dans le mouvement de l’Evangile social crée au début du XXème siècle. Les échos de ces mouvements n’ont pas disparu et dans certains cas ce qu’ils préconisaient est passé dans le langage courant (d’aujourd’hui) et fait partie de la vision du monde moderne

Mais en réalité nous n’avons jamais eu un contrôle réel de ce monde au point de le façonner ou de le transformer durablement Nous ne faisons que vivre dans ce monde. Il ne nous appartient pas.

Stanley Hauerwas a observé de façon remarquable que chaque fois que les chrétiens [comprendre comme étant les nations qui se réclamaient historiquement du christianisme] s’accordaient pour prendre en charge l’Histoire ils s’accordaient à exercer une violence. Et il considère la violence comme de l’idolâtrie, donc une façon de ne pas écouter les commandements de Dieu et par conséquent de vouloir prendre la place de Dieu.

Un exemple tragique est le traité de Versailles et ses conséquences.  A la suite de la Grande Guerre (la première guerre mondiale), les vainqueurs se sont proclamés les arbitres du monde à venir.  Ils ont tracé des frontières, ont créé des pays, et tracé le monde actuel.  La conséquence a été que le (XXème siècle) a été le siècle le plus sanglant de l’histoire. Tout, depuis la deuxième guerre mondiale jusqu’au conflit sanglant permanent du Proche-Orient, presque toutes les guerres civiles qui ont eu lieu depuis dans le monde, sont une conséquence des plans et décisions qui ont été élaborées depuis ce (traité) de paix fatidique. Une conséquence immédiate de ce traité a été la mauvaise gestion des Balkans et la déportation des chrétiens de Turquie(…) les puissances coloniales ont réinventé le monde sans égard pour la géographie et la religion…C’était le monde moderne…si l’Histoire doit juger, alors c’est un échec. Mais le mythe du progrès est profondément ancré dans notre culture(…) nous déclarons la guerre contre la pauvreté et le résultat est qu’elle devient comme institutionnelle…Des plans gouvernementaux importants sont établis pour améliorer notre monde mais les résultats sont déficients et de mauvaises conséquences non voulues en résultent. Et au lieu que ces échecs soient reconnus comme tels (au lieu de s’en repentir) on demande plus de financement et plus de plans. C’est la bureaucratie qui est le premier consommateur des ressources mondiales. Le progrès est hors d’atteinte.

Rien de tout cela ne s’oppose aux commandements de Dieu. La notion de partage est au centre de l’Evangile. Tout le bien qu’une société effectue (pour la santé, l’éducation…) est bon et peut être considéré comme des devoirs demandés par Dieu. Mais il y a une grosse différence entre de tels devoirs et la notion de progrès envisagée comme objectif à atteindre pour la société.

La technologie a été d’un grand secours pour l’humanité. Elle a été capable d’augmenter la productivité à un niveau très élevé et de produire des richesses énormes. Malgré cela, il n’est pas évident que nous sommes davantage capables qu’il y a 2000 ans de résoudre le problème du partage des richesses. La justice du cœur ne dépend pas d’un processus d’évolution ou de progrès.

Il y a divers récits pour décrire le mythe du progrès. La plupart de ces versions servent de justificatifs aux divers groupes qui les invoquent. Ceux qui possèdent les médias les plus puissants et les plus influents disposent des versions les plus influentes de ces récits. Et leur interprétation progressiste est présentée de façon évidente et indéniable.

Mais nulle part dans les Saintes Ecritures il n’est question d’une promesse de progrès. Il s’agit d’une conception erronée dans ses fondements. Cette notion de progrès est une distorsion des espérances des chrétiens dans la Fin des Temps, distorsion écrite en langage politique et économique. C’est la sécularisation du Royaume de Dieu.

Il n’y a pas à construire le Royaume de Dieu car il est déjà établi…La phrase « que Ton royaume vienne » doit être compris de façon juste comme étant une prière pour qu’advienne la Fin de Toutes Choses. Car cette Fin à venir est déjà ici. Et cette Fin se manifeste dans notre monde. Là où elle est manifeste elle est déjà établie ; elle n’est pas manifeste et inachevée comme un travail en cours. Il s’agit d’une réalité mystique. Ceux qui n’ont pas une compréhension de la nature sacramentelle et mystique de la Foi chrétienne réduisent cet aspect à quelque conception humaine.

Si le Christ retarde (longtemps encore) son retour, il devient certain alors que l’ordre actuel du monde va cesser d’exister. Le pays où j’habite cessera d’être comme d’autres états ont disparu avant. C’est le sort des royaumes de ce monde d’apparaître puis de disparaître. De même ce que nous aurons accompli durant notre vie terrestre disparaîtra. Les mythes et les récits de notre monde actuel s’évanouiront et feront partie d’un passé lointain.

Par la Foi, Abraham vint à résider en étranger dans la terre promise, habitant sous la tente avec Isaac et Jacob les cohéritiers de la même promesse car il attendait la ville munie de fondations, qui a pour architecte et constructeur Dieu lui-même. (Hb. 11 :9-10).

Il convient donc que nous œuvrions de façon juste et d’attendre, d’appliquer les commandements de Dieu et de renoncer à l’arrogance de la Modernité.

Source : http://glory2godforallthings.com/2014/06/21/we-will-not-make-the-world-a-better-place/

 

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